Traitement sélectif au tarissement : état des lieux - La Semaine Vétérinaire n° 1826 du 18/10/2019
La Semaine Vétérinaire n° 1826 du 18/10/2019

CONFÉRENCE

PRATIQUE MIXTE

Formation

Auteur(s) : CLOTHILDE BARDE  

Les critères pour déterminer quelles vaches doivent recevoir un antibiotique au tarissement font aujourd’hui débat et les approches varient selon les pays. Après avoir détaillé les démarches collectives de traitement sélectif au tarissement adoptées par la Finlande et les Pays-Bas, ainsi que celles suivies par certains éleveurs français1, le conférencier a présenté différentes approches individuelles d’éleveurs en Europe et à travers le monde.

Des paramètres de sélection qui restent à définir

En Autriche, le traitement sélectif au tarissement est mis en place par certains éleveurs, en concertation avec leurs vétérinaires : le choix des animaux à traiter se fait essentiellement suivant leur production laitière, l’historique de leurs concentrations en cellules somatiques (CCS), mais aussi selon la fréquence des mammites cliniques2. Par ailleurs, en Allemagne, bien que le traitement systématique au tarissement reste la pratique la plus fréquente, le tarissement sélectif a été mis en place dans certains élevages, en particulier bio. Selon les résultats d’une étude3 menée dans cinq élevages bio pour préciser les performances des divers paramètres de sélection utilisables, la démarche la plus pertinente à suivre consiste à ne traiter par antibiothérapie que les vaches ayant une CCS avant le tarissement dépassant les 100 000 cellules/ml. En deçà de cette valeur, si le California Mastitis Test (CMT) est positif, la vache (ou le quartier) reçoit un antibiotique et, s’il est négatif et qu’il n’existe pas de risque de nouvelle infection, la vache reçoit un obturateur.

Des critères de sélection singuliers

En Nouvelle-Zélande, où la prévalence de mammite est faible, le traitement sélectif au tarissement est préconisé depuis le début des années 1990. Cependant, le mode d’élevage (vêlages saisonniers), le tarissement généralement progressif (une traite quotidienne pendant une semaine), et dont le début dépend de la disponibilité en pâtures, sont autant de contraintes qui font que le recours à la culture bactérienne n’est guère envisageable. Seuls l’étude de l’historique des CCS et des antécédents de mammites cliniques sur la lactation en cours4 sont envisageables. De même, en Amérique du Nord, même si le traitement systématique avec antibiotiques reste la norme, deux stratégies, fondées sur les CCS individuelles, ont été proposées. La première consiste à définir quelles sont les vaches à faible risque d’infections mammaires au tarissement grâce à un algorithme reposant sur la moyenne des trois dernières concentrations cellulaires individuelles (< 200 000 cellules/ml), sur la dernière concentration cellulaire individuelle disponible (< 200 000 cellules/ml), sur l’historique des mammites cliniques de la lactation en cours et de la durée prévue de la période sèche (< 100 jours)5. La seconde technique est établie à partir d’une présélection des vaches sur les CCS individuelles associée à des tests rapides de culture bactérienne. Selon une étude de 20186, cette approche de traitement sélectif individuel devrait être limitée aux élevages avec des concentrations cellulaires de tank inférieures à 250 000 cellules/ml, ayant une bonne hygiène au tarissement et une (très) faible prévalence des pathogènes mammaires contagieux. De plus, considérant l’interdépendance des quartiers d’une même vache vis-à-vis des infections mammaires, le traitement sélectif au tarissement devrait, selon les auteurs de l’étude, être décliné à l’échelle de la vache.

1 La Semaine Vétérinaire n° 1825 du 11/10/2019, page 38.

2 Wittek et coll. 2018.

3 Kiesner et coll. 2016.

4 Mc Dougall, 2018.

5 Vasquez et coll. 2018.

6 Nydam et Vasquez, 2018.

TARISMART®, UN NOUVEAU SERVICE D’ACCOMPAGNEMENT AU TARISSEMENT

La bonne vache, le bon produit, le bon tarissement. » Tel était le thème du symposium organisé lors du dernier congrès de la Société nationale des groupements techniques vétérinaires (SNGTV) par le laboratoire Bayer Santé animale à l’occasion duquel notre confrère Philippe Le Page, président de la commission qualité du lait de la SNGTV, a présenté Tarismart®, nouveau service d’accompagnement aux bonnes pratiques du tarissement sélectif.


UNE APPROCHE INNOVANTE DE TARISSEMENT SÉLECTIF

Avec ce projet, le laboratoire a mobilisé un groupe d’experts nationaux (SNGTV et Institut de l’élevage) pour trouver « la meilleure méthode de tarissement sélectif possible » en France, selon Fabien Mainemare, chef de gamme animaux de rente. Cette dernière repose sur l’identification des vaches qui ont un risque d’infection en réalisant un CCS sur un échantillon de lait de tank (laboratoire Labocéa de Fougères) et sur l’évaluation du risque d’apparition d’une nouvelle infection.
Pour le vétérinaire, le référentiel de la démarche repose en sept séquences successives. Tout d’abord, après avoir obtenu le consentement éclairé de l’éleveur, l’effort porte sur la récupération des données de terrain très protéiformes. Puis, ces dernières doivent être analysées pour déterminer le modèle épidémiologique des infections mammaires, ainsi que le choix de l’antibiotique. La quatrième étape consiste ensuite à discriminer les animaux infectés de ceux non infectés, à analyser les facteurs et le niveau de risque en période sèche, à réaliser un protocole de soins et, enfin, à assurer un suivi rigoureux de la démarche.

TANKIGRAM®, UN SERVICE D’ANTIBIOGRAMME SUR LE LAIT DE TANK

En parallèle, un nouvel outil d’aide à la décision, baptisé Tankigram®, est aussi proposé par le laboratoire Bayer. « Il permet de prédire le statut de sensibilité/résistance de l’élevage à un instant T en offrant la possibilité de surveiller et de monitorer les tendances intra et intertroupeaux dans le temps », explique Guillaume Lequeux, vétérinaire (Labocéa). Les souches pathogènes dont les concentrations minimales inhibitrices (CMI) sont les plus élevées pourront alors être ciblées et la souche la plus résistante déterminera la CMI du worst-case scenario. « Cet antibiogramme sur lait de tank a l’avantage d’être un outil d’anticipation, qui donne des informations en amont des épisodes de mammites, qui nous arrivent après un délai avec les antibiogrammes classiques », explique Guillaume Lequeux. Par ailleurs, selon Fabien Mainemare, « contrairement aux antibiogrammes individuels classiques (par diffusion sur gélose), le Tankigram® permet une meilleure précision en déterminant la CMI par méthode de microdilution en milieu liquide (méthode la plus utilisée aux États-Unis) ».


UNE APPROCHE PARTICULIÈRE

« Pour le vétérinaire, cet outil représente donc une approche originale, centrée sur l’élevage, dont il doit connaître les intérêts et les limites afin de l’intégrer au mieux dans un plan individualisé de gestion des mammites », a conclu Fabien Mainemare. Cependant, il a tenu à préciser que « bien que cette technique offre un très bon niveau de corrélation avec les résultats individuels (notamment pour les germes contagieux), il ne remplace pas l’antibiogramme sur lait individuel, qui reste l’outil de référence ». En effet, c’est une pratique non standardisée pour laquelle il n’y a pas de consensus scientifique et dont les principales informations scientifiques nous viennent des États-Unis, d’Australie et de Nouvelle-Zélande.



Olivier Salat Vétérinaire dans le Cantal. Article rédigé d’après une présentation faite lors des journées nationales des GTV, du 15 au 17 mai 2019.

Amandine Clément avec Clothilde Barde