Alimentation et risques d’ulcères - La Semaine Vétérinaire n° 1827 du 25/10/2019
La Semaine Vétérinaire n° 1827 du 25/10/2019

CONFÉRENCE

PRATIQUE MIXTE

Formation

Auteur(s) : CHANTAL BÉRAUD 

Dans les études épidémiologiques, plusieurs facteurs de risque d’origine alimentaire ont été associés au développement des ulcères gastriques équins. Les Egus (equine gastric ulcer syndrome), terme utilisé pour décrire les maladies érosives et ulcéreuses de l’estomac des équins, regroupent au moins deux maladies distinctes. Il convient donc de bien différencier les maladies gastriques de la muqueuse squameuse (equine squamous gastric disease, ESGD) des maladies gastriques de la muqueuse glandulaire (equine glandular gastric desease, EGGD), en fonction de leur localisation anatomique distincte (sachant que ces deux muqueuses sont séparées par une ligne de démarcation, appelée la margo plicatus).

Avec quels facteurs de risque connus ?

Une ingestion élevée d’amidon est favorable au développement des ESGD. Les chevaux qui restent à jeun plus de 6 heures entre les repas de fourrage présentent aussi un risque accru d’ESGD, sans doute parce qu’ils salivent moins, en ayant donc une diminution de la capacité tampon de l’estomac, ainsi qu’une vitesse de transit réduite. Ce problème peut être exacerbé par le fort mouvement et les éclaboussures du contenu gastrique sur les régions non glandulaires à cause des compressions abdominales pendant l’exercice. La nutrition joue aussi un rôle. Une étude montre que le risque d’Egus augmente lorsque la paille est le principal fourrage disponible, car elle est un faible pourvoyeur d’éléments tampon à cause de sa teneur basse en protéines et en calcium. Sa nature physique peut en plus entraîner des irritations des muqueuses et/ou affecter la texture du contenu de l’estomac (à l’inverse de la luzerne qui, elle, offre une certaine protection contre la corrosion de la muqueuse squameuse liée à l’acide). En revanche, concernant le développement des EGGD, les facteurs de risque sont moins connus. Quelques études ont mis en avant le stress et des prédispositions génétiques.

Recommandations alimentaires

Pour les chevaux avec Egus, il convient de leur apporter suffisamment de fourrages (foin, enrubanné, ensilage) en respectant un minimum de 1,5 % de leur poids vif en matière sèche de fourrage par jour. Pour les chevaux avec des besoins énergétiques faibles, les nourrir avec des fourrages de basse énergie, mais en évitant la paille comme première source de fibres. Au contraire, pour les chevaux avec des besoins énergétiques élevés, donner des fourrages à haute teneur nutritionnelle ou complémenter avec de la pulpe de betterave déshydratée, des granulés de luzerne, des coques de soja, etc. Il convient aussi d’apporter au minimum trois repas quotidiens de fourrage et de veiller aux apports d’amidon : ne pas dépasser 1 g d’amidon/kg de poids vif/repas et, idéalement, moins de 2 g d’amidon/kg de poids vif/jour. Chez des chevaux qui présentent déjà des ulcères, réduire encore les apports d’amidon à moins de 1 g/kg de poids vif/jour. Il est également utile de penser à rajouter des brins longs aux repas des concentrés, y compris de la luzerne, pour augmenter la mastication et la production de salive. Il convient aussi de mettre les chevaux à la pâture dès que cela est possible (même si cette pratique n’empêche pas toujours la survenue d’ulcères). Enfin, si des apports énergétiques supplémentaires sont nécessaires, envisager une introduction progressive d’huile végétale (jusqu’à 100 ml/100 kg de poids vif), mais contrôler les équilibres minéraux et vitaminiques de la ration finale. Il est également recommandé de laisser de l’eau en permanence à la disposition des chevaux, même pour un régime à l’herbe.

Nanna Luthersson Vétérinaire danoise praticienne en équine, spécialiste de la relation entre l’alimentation et la santé digestive. Article rédigé d’après une présentation faite lors du congrès Lab to Field à Dijon (Côte-d’Or), en novembre 2018.