Ophtalmologie : résultats de quatre études cliniques - La Semaine Vétérinaire n° 1827 du 25/10/2019
La Semaine Vétérinaire n° 1827 du 25/10/2019

CONFÉRENCE

PRATIQUE CANINE

Formation

Auteur(s) : LAURENT BOUHANNA  

Le congrès de l’European College of Veterinary Ophthalmologists est l’occasion de présenter les résultats d’études cliniques. Résumé de quelques présentations du congrès qui s’est déroulé à Florence (Italie) en mai 2018.

Résultats de la chirurgie de la cataracte par phacoémulsification chez le chat

L’objectif de cette étude rétrospective1 est d’évaluer les résultats de la phacoémulsification chez le chat. Elle porte sur les dossiers médicaux de 72 chats (83 yeux) dans cinq centres de cas référés. Les complications et les résultats sur la vision en période postopératoire immédiate, entre 1 et 90 jours après l’intervention, et après 90 jours, sont comparés selon les différents groupes de cataracte : congénitale/juvénile (32 cas), traumatique (33 cas) et consécutive à une uvéite (7 cas). Dans 11 cas, l’origine de la cataracte était inconnue. Les cas ont été suivis pendant une durée moyenne de 198 jours. Une lentille intraoculaire a été implantée sur 58 yeux sur 83 (69,9 %). Une hypertension intraoculaire postopératoire est survenue sur 32 yeux sur 83 (38,6 %). En postopératoire immédiat, tous les yeux avaient recouvré la vision. La complication la plus fréquente était l’uvéite (28/83, soit 33,7 %), suivie de l’ulcération cornéenne (22/83, soit 26,5 %). Entre 1 et 90 jours après l’intervention, 30 yeux sur 32 (93,7 %) dans le groupe cataracte congénitale/juvénile étaient voyants, 30/32 (93,7 %) dans le groupe cataracte traumatique, et 7/7 (100 %) dans le groupe cataracte secondaire à une uvéite. L’uvéite restait la complication la plus courante (42/82, soit 51,2 %), suivie par les synéchies/dyscorie (21/82, soit 25,6 %), l’ulcération cornéenne (16/82, soit 19,5 %) et l’opacification capsulaire postérieure (15/82, soit 18,3 %). Plus de 90 jours après l’intervention, la vision était bonne chez tous les individus atteints de cataracte congénitale/juvénile (19/19, soit 100 %). Chez les chats souffrant de cataracte traumatique, 15 yeux sur 17 (88,2 %) avaient une vision correcte. C’était aussi le cas pour 4 yeux sur 5 (80 %) dans le groupe cataracte secondaire à une uvéite. Pour l’ensemble des yeux opérés, l’opacification capsulaire postérieure était la complication la plus fréquente (17/48, soit 35,4 %), suivie par les synéchies/dyscorie (16/48, soit 33,4 %). Une énucléation a été nécessaire sur trois yeux : deux dans le groupe cataracte traumatique, à cause d’une endophtalmie et d’un sarcome oculaire post-traumatique, et un dans le groupe uvéite, à la suite d’un glaucome secondaire. En conclusion, le pronostic visuel après phacoémulsification chez le chat est très favorable, avec des complications la plupart du temps minimes et facilement contrôlables.

Étude des lésions oculaires chez les chiens souffrant d’hypertension systémique et de maladie rénale

L’objectif de cette étude prospective2 est de déterminer la prévalence des lésions oculaires chez les chiens souffrant d’insuffisance rénale chronique (IRC) et présentant différentes valeurs de pression artérielle systolique (PAS). L’étude est réalisée sur 82 chiens souffrant d’IRC à différents stades (classification Iris : stades 2, 3 et 4, ou stade 1 protéinurique). Cette classification des maladies rénales repose sur la créatininémie, la protéinurie et la pression artérielle. La PAS est mesurée par doppler et les animaux subissent un examen ophtalmologique (biomicroscopie en lampe à fente, ophtalmoscopie indirecte). En fonction de la PAS, les animaux sont ensuite répartis en trois groupes : groupe A (PAS inférieure à 159 mm Hg), groupe B (PAS comprise entre 160 et 179 mm Hg), groupe C (PAS supérieure à 180 mm Hg). Les résultats ont été les suivants : d’après la classification Iris, 10 animaux sur 82 se trouvaient au stade 1, 9/82 au stade 2, 26/82 au stade 3 et 37/82 au stade 4. En fonction de la PAS, 23 animaux sur 82 ont été inclus dans le groupe A, 25/82 dans le groupe B, et 34/82 dans le groupe C. Des lésions oculaires précises (hémorragie intrarétinienne, œdème sous-rétinien, décollement bulleux de la rétine, hémorragie vitréenne, tortuosité artérielle, habituellement associées à une hypertension artérielle) ont été observées chez 11 des 82 animaux (13,4 %) : 10 étaient aux stades Iris 3 et 4 (5 de chaque), parmi lesquels 6 se trouvaient dans le groupe B et 4 dans le groupe C ; un animal était au stade Iris 1 dans le groupe B. En conclusion, des lésions oculaires généralement associées à l’hypertension artérielle ont été identifiées chez 11 chiens ; 10 d’entre eux présentaient une PAS supérieure à 160 mm Hg et une créatininémie supérieure à 2 mg/dl. Cette étude confirme la corrélation entre hypertension artérielle et lésions oculaires et montre en outre l’existence d’une relation entre les lésions oculaires et une créatininémie élevée (> 2 mg/dl). Un examen ophtalmologique est donc fortement recommandé chez tous les chiens souffrant d’IRC et/ou d’HTA.

Traitement des ulcères cornéens superficiels par kératectomie superficielle et recouvrement par la membrane nictitante

L’objectif d’une étude3 rétrospective est de rendre compte de l’efficacité de la kératectomie superficielle avec recouvrement par la membrane nictitante pour traiter les ulcères cornéens superficiels du chien qui ne cicatrisent pas, et qui sont associés à une dystrophie ou à une dégénérescence de l’endothélium cornéen. L’étude a été réalisée sur des cas rencontrés dans la clinique de référés d’ophtalmologie vétérinaire de Plympton (Grande-Bretagne) entre 1998 et 2017. Tous les cas de dystrophie ou de dégénérescence de l’endothélium cornéen avec ulcères cornéens secondaires qui ne cicatrisent pas, traités par la technique de kératectomie superficielle et recouvrement par la membrane nictitante, ont été inclus dans l’étude. Ce traitement était considéré comme réussi s’il n’y avait plus de fixation de la fluorescéine sur la lésion au moment des contrôles postopératoires. La technique chirurgicale a été réalisée chez 36 chiens (45 yeux), et des informations de suivi ont été obtenues pour 39 des yeux traités. 19 races étaient représentées, et l’âge moyen des chiens était de 11,8 ans. Les ulcères cornéens étaient présents depuis plus de 3 semaines dans 86 % des cas et un œdème cornéen présent depuis plus de 1 an était rapporté dans 70 % des cas. En période postopératoire, les cas ont été suivis pendant une durée médiane de 6 semaines (moyenne : 24 semaines, allant de 2 à 208 semaines). La guérison a été constatée dans 34/39 cas (87,2 %) lors du premier contrôle postchirurgical, environ 2 semaines après l’intervention. 38/39 cas (97,4 %) ont été considérés comme guéris après cette intervention microchirurgicale. Une récidive de l’ulcération a été observée dans 4/39 cas (9,8 %), à une distance médiane de 184 semaines après la kératectomie superficielle (moyenne : 156 semaines, allant de 8 à 248 semaines). Toutefois, aucune amélioration de la transparence cornéenne n’a été constatée après la chirurgie lors de la dernière évaluation. En conclusion, bien que n’améliorant pas la transparence de la cornée, la kératectomie superficielle associée à un recouvrement par la membrane nictitante semble un procédé très efficace pour traiter les ulcères cornéens douloureux qui ne cicatrisent pas et qui sont associés à une dystrophie ou à une dégénérescence de l’endothélium cornéen.

Injection intracanaliculaire de N-acétylcystéine dans le traitement des mucocèles salivaires

Une étude rétrospective4 porte sur les dossiers médicaux de chiens ayant subi une injection rétrograde intracanaliculaire de N-acétylcystéine dans le canal salivaire en traitement adjuvant d’une sialocèle. Vingt-cinq chiens de différentes races ont été inclus dans l’étude. Les signes cliniques les plus fréquemment observés étaient une diminution de la rétropulsion du globe oculaire et un gonflement conjonctival et périorbitaire (23/25 pour chaque localisation, soit 92 %). La glande salivaire la plus souvent affectée était la glande zygomatique (23/25, 92 %), suivie des glandes parotide et sous-mandibulaire (1/25 pour chaque, soit 4 %). La plupart des mucocèles étaient unilatérales (22/25, 88 %). Malgré l’utilisation de diverses techniques pour le diagnostic (échographie [19/25, 76 %], IRM [14/25, 56 %], ponction/aspiration à l’aiguille fine [20/25, 80 %] et biopsie [4/25, 16 %]), l’origine n’a pu être déterminée que dans trois cas : un rhabdomyosarcome et deux sialadénites. La plupart des injections ont été réalisées avec une simple contention douce (16/25, 64 %).

Aucune complication n’a été constatée après injection intracanaliculaire de N-acétylcystéine, quel que soit le volume utilisé (1,5 à 9 ml, moyenne : 4,42 ml). Le traitement systémique incluait des antibiotiques et des anti-inflammatoires. La durée moyenne du suivi était de 518 jours. Six cas ont récidivé (24 %), nécessitant un traitement de rattrapage médical (5/6) ou chirurgical (1/6). En conclusion, l’injection intracanaliculaire de N-acétylcystéine est une procédure adjuvante non-invasive et efficace dans le traitement des mucocèles canines. Elle peut aisément être mise en œuvre sur des animaux non anesthésiés. Ce mode de gestion médicale conservateur est à envisager lorsque l’anesthésie générale est jugée trop risquée.

1 Fenollosa-Romero E., Jeanes E., Fleming L. et coll.

2 Quarta M., D’Ippolito P., Peruccio C., Zatelli A.

3Bayley K., Read R. T., Gates M. C.

4 Ortillés A., Leiva M., Allgoewer I., Peña M. T.

Laurent Bouhanna DESV d’ophtalmologie vétérinaire, praticien à Paris. Article rédigé d'après des conférences présentées au congrès de l'ECVO à Florence en mai 2018.