Paca : vers une rupture sanitaire ? - La Semaine Vétérinaire n° 1827 du 25/10/2019
La Semaine Vétérinaire n° 1827 du 25/10/2019

MAILLAGE VÉTÉRINAIRE

ACTU

Auteur(s) : AMANDINE GAUTIER  

Le colloque sur le maillage vétérinaire du 27 septembre à Marseille a révélé un manque flagrant de vétérinaires ruraux dans la région. Des solutions pérennes pour y remédier sont toujours attendues.

La tendance déficitaire en vétérinaires ruraux est nette en Provence-Alpes-Côte d’Azur (Paca) : 98 % de l’activité vétérinaire est orientée vers la clientèle canine et seulement 2 % vers l’activité rurale. Lors de la journée sur le maillage sanitaire organisée à Marseille (Bouches-du-Rhône) le 27 septembre, le cas de la région hôte a été particulièrement discuté tant elle fait face à une situation sanitaire tendue. Seules 12 structures réalisent au moins 25 % d’activité rurale, et un seul praticien rural exerce dans le Var. Or, les Alpes-de-Haute-Provence, les Alpes-Maritimes et le Var présentent un risque de nouveaux foyers d’infection. S’ajoutent les interrogations sur la soutenabilité de l’activité des vétérinaires. Le partenariat entre vétérinaires et éleveurs est qualifié « d’inexistant », selon Cécile Guillaume, animatrice de l’organisation vétérinaire à vocation technique (OVVT) de Paca.

La contractualisation adoptée dans les Alpes-Maritimes

Certains départements ont pris les devants, en témoigne le dispositif de soutien – financier – des activités vétérinaires des Alpes-Maritimes, mis en place dans les années 1990. Comme l’a expliqué Muriel Pastor-Chassain, chef de service au conseil départemental des Alpes-Maritimes, ce dispositif repose sur une indemnité compensatoire prise en charge par le département. Le vétérinaire doit réaliser au moins 30 visites d’exploitations par an et, en retour, touche 1 200 à 1 300 € par mois comme part fixe, avec une base variable mais un seuil à 100 visites, ce qui permet de financer un aide vétérinaire pour un cabinet. Par ailleurs, une visite est facturée sur une base de 60 €, permettant de compenser le coût des transports. À cela s’ajoute une aide pour les prophylaxies animales. Au final, le département paie 100 % des actions sanitaires pour un animal qui rentre dans une exploitation. À la clé, une présence vétérinaire 7 J/7. À ce jour, cinq vétérinaires sont conventionnés.

La loi NOTRe, un frein aux aides territoriales

Malgré tout, le système est fragile. Outre l’aspect économique conditionné à un engagement politique d’une collectivité territoriale, la convention mise en place avec le département n’est pas à proprement parler légale, comme l’a souligné Véronique Luddeni, vétérinaire dans les Alpes-Maritimes depuis 1993. En effet, la loi NOTRe (nouvelle organisation territoriale de la République) du 7 août 2015 ne permet plus aux départements de subventionner des politiques sanitaires. C’est aux régions qu’il revient de mettre en place des stratégies sanitaires et d’accompagner les territoires sur ces aspects, mais elles rechignent pour l’instant à le faire. Par ailleurs, ce système de subventionnement n’est pas applicable partout. Dominique Gautier, directeur du laboratoire départemental des Hautes-Alpes, a fait observer que son département n’avait pas les mêmes moyens que les Alpes-Maritimes pour la lutte sanitaire.

Des appels à l’État

Pour Véronique Luddeni, la solution est interministérielle, et doit impliquer les trois ministères, y compris celui de la transition écologique, car il existe aussi des enjeux concernant la faune sauvage. Elle milite d’ailleurs pour une « médecine écologique » nécessaire, qui a besoin d’une aide pour sa mise en place. L’État est aussi pris à partie par un éleveur ovin qui estime que celui-ci est « un peu responsable, car depuis qu’il a abandonné les aides sanitaires, nous rencontrons de vraies difficultés dans les filières ovines, où les enjeux financiers ne sont pas les mêmes que pour les bovins ». Un vétérinaire rural installé à Sisteron (Alpes-de-Haute-Provence) a rappelé que l’État demandait aux praticiens de se positionner sur de nouvelles missions : « Où en est-on ? Est-ce que l’on peut être à la fois contrôleur et conseiller des éleveurs ? » Selon lui, les bilans sanitaires d’élevage ont un effet pervers : ils limitent la relation au médicament entre éleveur et vétérinaire. Se pose aussi « la question du stress lié aux changements de la profession », notamment par rapport à la gestion de la pharmacie : « La loi sur la pharmacie vétérinaire a été mise en place pour régler des problèmes du passé. » Sans oublier le stress vis-à-vis de l’Administration, en lien avec les contraintes de la permanence et de la continuité des soins. Les appels seront-ils entendus ?