Attention à l’exécution du forfait jour - La Semaine Vétérinaire n° 1829 du 08/11/2019
La Semaine Vétérinaire n° 1829 du 08/11/2019

DROIT DU TRAVAIL

ÉCO GESTION

Auteur(s) : JEAN-PIERRE KIEFFER  

L’apparente facilité de la mise en place d’un forfait jours ne doit pas faire oublier des contraintes dont le manquement peut être extrêmement onéreux pour l’employeur.

La durée du travail d’un salarié se calcule le plus fréquemment sur une base horaire hebdomadaire, moyennant une rémunération versée en fonction du nombre d’heures accomplies. Néanmoins, la durée du travail de certains travailleurs peut, sous certaines conditions, être forfaitisée en jours sur l’année. Dans ce cas, le paiement des heures supplémentaires accomplies par ces salariés est exclu.

Les conditions de validité

Plusieurs conditions sont requises pour la validité d’un forfait jour :

- l’autonomie. Un tel décompte n’est ouvert qu’aux salariés bénéficiant d’une autonomie dans l’organisation de leur emploi du temps (article L.3121-58 du Code du travail).

- l’accord collectif. La mise en place d’une forfaitisation du temps de travail est conditionnée par un accord de branche ou un accord collectif d’entreprise (article L.3121-63 du Code du travail) ;

- la convention individuelle écrite et signée. Le forfait jours doit impérativement être formalisé par une convention individuelle écrite et signée (article L.3121-55 du Code du travail). Des exemples pouvant servir de modèles sont disponibles sur le site de l’Ordre.

D’autres clauses doivent être respectées, au sein desquelles on compte notamment :

- une clause établissant quelles catégories de salariés sont susceptibles de conclure une telle convention individuelle ;

- une clause déterminant le nombre de jours compris dans le forfait ;

- une clause faisant état des modalités selon lesquelles l’employeur assure l’évaluation et le suivi régulier de la charge de travail du salarié.

Le suivi de l’employeur

L’employeur doit évaluer si la charge de travail du salarié est compatible avec sa vie personnelle, il est aussi tenu d’assurer un suivi effectif du respect des durées raisonnables de travail, ainsi que des repos, journaliers (11 heures) et hebdomadaires (24 heures).

Plusieurs décisions de la Cour de cassation concernent l’obligation pour l’employeur d’organiser un entretien avec le salarié portant sur la charge de travail de ce dernier, l’organisation de son travail dans l’entreprise et l’articulation entre sa vie professionnelle et sa vie personnelle.

Conséquences en cas d’annulation.

En cas de non-respect des conditions de validité, le forfait jours pourra être annulé par les juges. La durée du travail déjà effectuée par le salarié ne sera plus décomptée en jours mais en heures. La conséquence pour l’employeur sera donc de payer au salarié les heures supplémentaires dont il pourra démontrer l’existence.

Les conséquences peuvent être très lourdes, comme en témoigne une affaire jugée récemment.

Dans cette affaire, la Cour de cassation du 19 juin 2019 (pourvoi n° 17-31.523) a condamné un employeur à payer la somme de 1,2 million d’euros à son salarié au titre de rappel de salaires et notamment en paiement des heures supplémentaires accomplies.

Le salarié, engagé en tant que délégué commercial, avait demandé au conseil de prud’hommes le paiement de diverses sommes telles que le rappel des heures supplémentaires qu’il avait accompli. L’employeur, quant à lui, défendait l’idée selon laquelle ces sommes n’étaient pas dues du fait de la soumission de son salarié à une convention de forfait en jours. En effet, selon l’employeur, la convention de forfait était valablement conclue dès lors que le salarié accusait réception, par sa signature, de la remise de l’accord collectif prévoyant sa soumission à un tel forfait. La Cour de cassation, faisant droit aux demandes du salarié, rappelait qu’une telle remise ne se substitue pas à l’obligation légale d’établir par écrit une convention individuelle de forfait, dans laquelle le salarié consent à un tel décompte de son temps de travail.

De plus, la Cour de cassation multiplie les condamnations, notamment lorsque l’employeur omet l’entretien annuel sur la charge de travail et l’articulation avec sa vie personnelle. Le simple fait de remettre au salarié des fiches de paie faisant mention du forfait jour ne suffit pas à constituer l’écrit nécessaire pour qu’un tel forfait soit valide. Tout comme le renvoi général à l’accord collectif de branche dans le contrat de travail du salarié soumis au forfait jour ne constitue pas l’écrit requis.

Il convient donc d’inciter à une grande vigilance lors du recours à un forfait jour. Comme l’illustre cette décision, la mise en place d’un tel forfait en méconnaissant des règles légales contraignantes peut être onéreuse. En effet, alors que le forfait jour apparaît comme une facilité d’organisation, notamment face aux contraintes imposées par l’exercice en clientèle, il s’avère parfois très coûteux s’il n’est pas appliqué avec une grande précision.

Pour en savoir plus : Des exemples de forfaits sur bit.ly/2MKnAAi