Droit du travail : Ce qui a changé en 2019 - La Semaine Vétérinaire n° 1829 du 08/11/2019
La Semaine Vétérinaire n° 1829 du 08/11/2019

DOSSIER

Auteur(s) : JEAN-PIERRE KIEFFER 

Plusieurs mesures et de profondes réformes ont été lancées cette année ayant un impact pour les entreprises, employeurs et salariés. Primes, exonérations, cotisations, heures supplémentaires, qualification professionnelle, congé maternité… Bilan des nouveautés de 2019.

Mesures d’urgence économiques et sociales

La fin de l’année 2018 a été marquée par la forte mobilisation des “gilets jaunes” obligeant le gouvernement à réagir par des mesures d’urgence mises en place début 2019 (loi n° 2018-1213 du 24 décembre 2018 portant mesures d’urgence économiques et sociales). Certaines d’entre elles ont eu un impact pour les salariés des entreprises vétérinaires.

Voir aussi La Semaine Vétérinaire n° 1794 du 19/1/2019.

La prime exceptionnelle de pouvoir d’achat

Une prime exceptionnelle pouvait être attribuée par l’employeur à l’ensemble de ses salariés ou à ceux dont la rémunération était inférieure à un plafond dont il fixait lui-même le montant. Il n’était possible de la verser que jusqu’au 31 mars 2019 aux salariés liés par un contrat au 31 décembre 2018. Elle était exonérée de charges sociales et était défiscalisée pour le salarié, dans certaines conditions : prime limitée à 1 000 € pour un salarié dont la rémunération est inférieure à trois fois la valeur du Smic annuel (soit 53 945 €).

Exonération de cotisations sur les heures supplémentaires et complémentaires

Les heures supplémentaires ou complémentaires sont exonérées des cotisations salariales dues à l’Urssaf à compter du 1er janvier 2019 (au lieu du 1er septembre 2019 comme initialement prévu dans la loi de financement de la Sécurité sociale). La contribution sociale généralisée (CSG) et la contribution au remboursement de la dette sociale (CRDS) restent dues. La rémunération des heures supplémentaires ou complémentaires et leur majoration bénéficient d’une exonération d’impôt sur le revenu des salariés, dans une limite de 5 000 € par an. Les cotisations patronales ne sont pas exonérées. Mais la déduction forfaitaire de 1,50 € par heure supplémentaire reste applicable, ainsi que celle de 10,50 € par jour pour le forfait annuel en jours au-delà de 216 jours par an.

Revalorisation de la prime d’activité

Le Smic 2019 a été revalorisé de 1,5 %, correspondant à 10,03 € de l’heure, soit un salaire mensuel brut qui passe de 1 498,47 à 1 521,22 € à compter du 1er janvier 2019. Cette mesure a été complétée par la hausse de la prime d’activité pour atteindre un montant global de 100 €. La prime d’activité est une prestation sociale destinée à compléter les revenus des salariés aux ressources modestes. Le plafond de revenus applicable pour en bénéficier a été relevé au 1er janvier 2019, pour passer de 1,2 à 1,5 Smic.

Grilles des salaires

Tous les ans, les partenaires sociaux fixent la valeur du point conventionnel pour le calcul des salaires minima. En 2019, il est passé de 14,96 à 15,20 €. Ainsi, de nouvelles grilles ont été définies à compter du 1er janvier 2019. Elles sont applicables dès cette date pour les entreprises adhérentes au Syndicat national des vétérinaires d’exercice libéral (SNVEL) et devront l’être rétroactivement pour les autres qui ont choisi d’attendre la parution de l’arrêté d’extension.

Les partenaires sociaux avaient également décidé de revaloriser plus fortement le salaire minimum des salariés classés au premier échelon de la convention collective nationale des cabinets et cliniques vétérinaires pour, notamment, anticiper la revalorisation du Smic en 2019. Il s’agit des personnes chargées du nettoyage et de l’entretien des locaux. Le coefficient 101 correspondant à l’échelon 1 passait au coefficient 102 à compter du 1er janvier 2019, ce qui constituait une augmentation du minimum conventionnel de 2,6 % pour ces salariés.

Voir aussi La Semaine vétérinaire n° 1791 du 21/12/2018.

Valorisation salariale pour les certificats de qualification professionnelle

Le Journal officiel (JO) du 21 février 2019 a publié l’arrêté du 13 février qui étend l’avenant n° 70 du 12 septembre 2017. Une grille spécifique des salaires minima conventionnels complète l’annexe 2 de la convention collective 3282.

Tout salarié ayant obtenu l’un des certificats de qualification professionnelle (CQP) bénéficie de plein droit, pour chaque CQP obtenu, de trois points de coefficient, en supplément du coefficient minimum conventionnel correspondant à sa classification :

- CQP : conseiller en clientèle vétérinaire (CCV),

- CQP : technicien en soins vétérinaires (TSV),

- CQP : auxiliaire en dentisterie équine (ADE).

Ainsi, un salarié auxiliaire spécialisé vétérinaire (ASV) d’échelon 5 ayant obtenu un certificat de qualification professionnelle voit son coefficient passer de 117 à 120.

Cotisations sociales

L’année 2019 a été marquée par de profondes réformes des cotisations sociales applicables au 1er janvier et d’autres seulement au 1er octobre. Le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (Cice) a été supprimé et transformé en une baisse pérenne de cotisations sociales étendues aux cotisations de retraite complémentaire depuis le 1er janvier et de l’assurance chômage depuis le 1er octobre. La fusion des régimes de l’Association pour le régime de retraite complémentaire des salariés (Arrco) et de l’Association générale des institutions de retraite des cadres (Agirc) s’est accompagnée de modifications des taux de cotisations retraite.

Voir aussi La Semaine Vétérinaire n° 1793 du 13/1/2019.

Cotisation retraite

Au 1er janvier 2019, les deux régimes de retraite complémentaire Arrco et Agirc ont fusionné en un seul régime. Cela a entraîné une remise à plat des cotisations. La référence catégorielle cadre et non-cadre a disparu. Le nouveau régime repose uniquement sur deux tranches de cotisation en fonction du plafond de la Sécurité sociale (PSS) :

T1 = 1 PSS, soit entre 1 et 3 377 € ;

T2 = 1 à 8 PSS, soit entre 3 377 et 27 016 € ;

Le taux d’appel passe de 125 à 127 %.

Les cotisations garantie minimale de points (GMP), de l’Association pour la gestion du fonds de financement de l’agirc et de l’Arrco (AGFF) et la cotisation d’équilibre temporaire (CET)ont été supprimées à compter du 1er janvier 2019, mais deux nouvelles contributions s’appliquent : la cotisation d’équilibre général (CEG) et la cotisation d’équilibre technique (CET).La cotisation de l’Association pour l’emploi des cadres (Apec) est maintenue.

Cotisation d’assurance chômage et AGS

La loi de financement de la Sécurité sociale (LFSS) pour 2019 avait prévu d’étendre le champ de la réduction générale de cotisations patronales (ex-réduction “Fillon”) aux contributions d’assurance chômage (hors AGS). Cette extension devait entrer en vigueur au 1er janvier 2019. Finalement, cette réduction de la cotisation chômage ne s’applique qu’à compter du 1er octobre 2019.

- Majoration de la cotisation patronale d’assurance chômage pour un contrat à durée déterminée (CDD).

Le taux de la cotisation patronale d’assurance chômage a été majoré de 0,50 %, passant de 4,05 % à 4,55 %, pour les CDD d’usage dont la durée était inférieure ou égale à trois mois. Cette majoration a cessé d’être appliquée aux rémunérations versées à compter du 1er avril 2019.

Réduction des cotisations patronales

La réduction générale des cotisations patronales (ex-réduction “Fillon”) se calcule sur l’année civile en multipliant la rémunération annuelle brute par un coefficient de réduction. La formule de calcul du coefficient de la réduction est la suivante :

C = (T /0,6) x [1,6 x (Smic annuel/rémunération annuelle brute) - 1]

Depuis le 1er janvier 2019, les cotisations de retraite complémentaire sont intégrées dans le calcul de la réduction générale de cotisations. Le paramètre T pour les périodes d’activité courant depuis le 1er janvier 2019 a été modifié :

- 0,2849 pour les entreprises soumises à la contribution majorée au Fonds national d’aide au logement (FNAL) à 50 % (20 salariés et plus) ;

- 0,2809 pour les entreprises soumises à la contribution au FNAL à 0,10 % (moins de 20 salariés).

Depuis le 1er octobre 2019, la réduction générale des cotisations patronales est étendue avec l’intégration de la contribution à l’assurance chômage. Le paramètre T pour les périodes d’emploi à compter du 1er octobre 2019 est devenu :

- 0,3254 pour les entreprises soumises à la contribution majorée au FNAL à 0,50 % ;

- 0,3214 pour les entreprises soumises à la contribution au FNAL à 0,10 %.

Barème de dommages et intérêts lors de licenciement abusif

Tout licenciement considéré abusif peut être contesté par le salarié afin d’obtenir sa réintégration ou le paiement de dommages et intérêts qui viennent s’ajouter aux indemnités de rupture du contrat (indemnité légale de licenciement, indemnité de préavis et de congés payés). Un barème avait été mis en place par ordonnance du 22 septembre 2017. Il a été remis en cause à plusieurs reprises par des juges de conseils de prud’hommes.

La Cour de cassation a, dans un avis du 17 juillet 2019, considéré que le barème était conforme aux textes internationaux, en particulier, à l’article 10 de l’Organisation internationale du travail. Mais d’un point de vue strictement juridique, les conseils de prud’hommes ne sont pas tenus de suivre cet avis. C’est ce qu’ont fait plusieurs d’entre eux (Paris, Grenoble). Qu’en dira la Cour de cassation lorsqu’elle sera appelée à juger à la suite d’un pourvoi en cassation de la décision d’une cour d’appel ? Son avis de juillet avait paru clore le dossier, mais le feuilleton judiciaire du barème en cas de licenciement abusif n’est pas encore achevé.

Rémunération des apprentis

Depuis le 1er janvier 2019, un nouveau barème de rémunération minimale s’applique pour les apprentis en fonction de l’âge et de l’année d’études. Les anciennes exonérations de cotisations patronales sont remplacées par la réduction générale de cotisations (Ex-“Fillon”) en périmètre complet, étendu aux cotisations retraite et à l’assurance chômage. Le salaire de l’apprenti est exonéré de cotisations salariales pour une rémunération inférieure à 79 % du Smic (soit 1 201,76 €). Les cotisations salariales sont dues sur la fraction excédentaire de rémunération. Les cotisations CSG et CRDS restent exonérées en totalité.

La nouvelle aide à l’apprentissage remplace les anciens dispositifs à compter du 1er janvier 2019.

Allongement de la durée du congé maternité des indépendantes

Le décret n° 2019-529 du 27 mai 2019 (JO du 29 mai) aligne la durée du congé maternité des indépendantes sur celle des salariées. Le congé passe donc de 10 à 16 semaines à condition d’arrêter l’activité au moins huit semaines, deux semaines avant la date prévue d’accouchement et au moins six semaines après la naissance.

Jusqu’à présent, les femmes vétérinaires exerçant en libéral bénéficiaient d’une allocation forfaitaire, ainsi que d’indemnités journalières forfaitaires versées jusqu’à 74 jours, sous condition d’un arrêt de travail effectif de 44 jours. La nouvelle disposition va permettre aux indépendantes de bénéficier de 38 jours supplémentaires de congés indemnisés. Cet allongement de la durée d’indemnisation s’applique à compter du 1er janvier 2019. Cette mesure permet que toutes les femmes soient protégées de la même manière lorsqu’elles attendent un enfant, qu’elles soient salariées ou indépendantes.

Le décret simplifie le calcul des indemnités journalières au titre de la maternité pour la femme en exercice libéral. La future maman doit pouvoir justifier de 10 mois d’affiliation à la caisse de Sécurité sociale des indépendants et être à jour de ses cotisations d’assurance maladie et maternité.

Le calcul de l’allocation maternité et des indemnités reste différent de celui des salariées. Les salariées perçoivent un montant aligné sur leur salaire (dans la limite du plafond de la Sécurité sociale de 3 377 € mensuels). Pour les indépendantes, il s’agit d’une allocation forfaitaire de repos maternel de 3 377 € versée en deux fois (à la fin du septième mois, puis après la naissance). À ce montant fixe viennent s’ajouter des indemnités journalières qui sont aussi forfaitaires (55,51 € par jour).

Voir aussi La Semaine Vétérinaire n° 1813 du 14/6/2019.

Bulletin de paie : les difficultés de sa gestion

L’année 2019 aura été riche en réformes du droit du travail. Le prélèvement à la source de l’impôt, les exonérations sociale et fiscale des heures supplémentaires ou complémentaires, la réduction du taux de cotisation maladie, l’extension de la réduction générale de cotisations patronales, la fusion des régimes Agirc et Arrco rendent encore plus difficile la gestion des bulletins de paie.