Moyens de lutte contre la colibacillose en filière palmipèdes à foie gras - La Semaine Vétérinaire n° 1829 du 08/11/2019
La Semaine Vétérinaire n° 1829 du 08/11/2019

SYNTHÈSE

PRATIQUE MIXTE

Formation

Auteur(s) : SAMUEL SAUVAGET 

La colibacillose est une infection bactérienne à manifestation extra-intestinale responsable de phénomènes septicémiques ou localisés. L’impact économique de cette maladie est majeur pour la filière, estimé à plusieurs millions d’euros de perte par an en raison de la mortalité, du coût des traitements, des baisses de performances ou encore des saisies en abattoir. Le triptyque classique péricardite-périhépatite-aérosacculite fait systématiquement l’objet d’un retrait total. Il convient également d’être vigilant aux formes sous-cutanées qui se manifestent par des lésions fibrineuses qui infiltrent la peau et peuvent conduire également à un retrait partiel ou total de la carcasse. À la suite des plans ÉcoAntibio successifs, la lutte contre la colibacillose est devenue multidirectionnelle et n’est plus uniquement gérée par le recours aux antibiotiques : programmes de prévention vaccinale, hygiène des élevages, thérapeutique anti-infectieuse avec des solutions alternatives aux antibiotiques comme les huiles essentielles.

Choisir son protocole de vaccination

La vaccination est le premier rempart à la colibacillose. Ses intérêts médicaux et économiques en élevage de palmipèdes à foie gras ont été démontrés, avec des gains de productivité et une baisse significative de l’usage des antibiotiques dans les élevages vaccinés. Deux options sont possibles : une vaccination à l’aide d’un vaccin commercial (Poulvac® E. Coli) utilisant une souche atténuée d’Escherichia coli O78K80, ou l’utilisation des autovaccins après isolement d’une souche pathogène sur l’élevage. La souche commerciale s’administre en nébulisation entre J1 et J5 avec un rappel entre J21 et J28. Les bonnes pratiques de vaccination avec cette méthode sont :

- quantité et qualité d’eau pour la dilution du vaccin dans l’appareil à nébulisation,

- absence de distribution d’antibiotiques ou d’huiles essentielles avant ou après la vaccination,

- coupure momentanée de la ventilation,

- opération à l’obscurité pour maintenir les canards au calme.

L’autre option est l’utilisation d’autovaccins (inactivés) qui se pratique par injection entre J5 et J21. Bien que plus onéreuse, cette pratique permet de s’adapter au microbisme de chaque élevage avec une plus grande homogénéité. L’isolement et la caractérisation des souches à l’aide des techniques de laboratoire (facteurs de virulence, Maldi-TOF, etc.) prennent évidemment toute leur importance dans cette démarche.

S’assurer des bonnes pratiques d’hygiène

Un protocole de nettoyage-désinfection efficace est nécessaire afin d’éliminer les germes qui ont pu se développer en cours d’élevage, et pas uniquement les colibacilles. Au vide sanitaire, une détergence préalable à la désinfection permet d’éliminer les matières organiques, foyers de persistance des germes dans le bâtiment. L’utilisation de désinfectants agréés avec les doses suffisantes de produits et la quantité d’eau adéquate est indispensable à l’efficacité de l’opération. La lutte contre les nuisibles, notamment les insectes, est également fondamentale. La qualité de l’eau de boisson doit aussi être maîtrisée grâce à des analyses régulières et le recours à des solutions de potabilisation, afin de garantir une eau saine jusqu’au bout des lignes d’abreuvement.

Instaurer une thérapeutique adaptée

En cas de diagnostic de colibacillose en cours d’élevage, le recours aux antibiotiques est possible. Le choix se fait sur la base d’un antibiogramme, les molécules les plus couramment employées sont les associations triméthoprime-sulfamides. Le déclenchement du traitement se fait sur la base du constat des lésions, de la confirmation bactériologique et du niveau de morbidité et de mortalité en lien avec le caractère d’urgence de la situation.

Les solutions alternatives aux traitements antibiotiques se développent depuis plusieurs années maintenant : la phytothérapie, l’aromathérapie, les prébiotiques… Par rapport à un traitement antibiotique qui aura une action uniquement bactéricide ou bactériostatique, ces méthodes cumulent à la fois la stimulation du système immunitaire, le soutien des fonctions biologiques essentielles (foie, reins), le développement du microbiote et des actions anti-infectieuses. Parmi les plantes utiles en cas de colibacillose, l’Echinacea purpurea présente des vertus anti-infectieuses et immunostimulantes. L’huile essentielle de canelle de Chine est également intéressante dans cette indication grâce à ses propriétés antibactérienne. La qualité et la composition des produits sont évidemment essentielles pour assurer à la fois efficacité, sécurité alimentaire et innocuité. Ils s’utilisent généralement en eau de boisson, mais également par nébulisation.

Afin de choisir le produit le plus adapté, le Phytogramme® mesure le diamètre d’inhibition d’une spécialité à base d’huiles essentielles vis-à-vis d’un germe isolé au même titre qu’un antibiogramme. La substitution d’un antibiotique par un mélange d’huiles essentielles sera d’autant plus efficace que le problème sera traité précocement et que les paramètres d’ambiance auront été corrigés. Le recours aux antibiotiques reste justifié dans certaines situations à caractère d’urgence ou dans des environnements particulièrement dégradés.

Article rédigé d’après les présentations de la journée Alterbiotique palmipèdes à foie gras (Bazas, Nouvelle-Aquitaine).

LES TECHNIQUES DE LABORATOIRE

Outre les techniques classiques d’agglutination permettant de “séréotyper” les colibacilles (O78K80, O2, O1, etc.), de nouveaux outils d’analyses sont désormais disponibles, qui ont pour principaux intérêts d’évaluer la virulence des souches isolées et de caractériser leurs profils d’antibiorésistance. Ils permettent de s’assurer de la pertinence d’un traitement en présence de telle ou telle souche et de suivre précisément leur évolution et leur présence au sein d’un élevage. Il est ainsi possible de réaliser la recherche par polymerase chain reaction (PCR) de 11 facteurs de virulence (capacité invasive, capacité d’adhésion, résistance à l’activité bactéricide, production de protéines, etc.) reconnus pour donner à la souche de colibacille isolée des capacités pathogènes majeures. La reconnaissance et la caractérisation des souches sont obtenues grâce à d’autres équipements de pointe : le Maldi-TOF et l’infrarouge. Enfin, le séquençage des souches est également réalisable, permettant d’aboutir à la caractérisation génétique grâce au nanopore et à l’iSeq® 100 d’Illumina. Tous ces outils ayant pour vocation de caractériser les souches les plus pathogènes, ils sont utiles pour choisir de façon objective celles qui seront les plus pertinentes à la réalisation notamment d’autovaccins.