PROFESSION
ACTU
Auteur(s) : TANIT HALFON
Le livre blanc de Vetfuturs a été dévoilé le 23 octobre dernier. Il regroupe l’ensemble des orientations stratégiques à suivre pour assurer l’avenir de la profession vétérinaire à l’horizon 2030.
La profession vétérinaire n’est pas épargnée par les changements sociétaux. Pour mieux les appréhender, mais surtout les accompagner, le projet Vetfuturs s’attelle, depuis 2017, à construire un plan pour l’avenir de la profession. Il est quasiment prêt. Le 23 octobre dernier, l’École nationale vétérinaire d’Alfort accueillait Jacques Guérin, président du Conseil national de l’Ordre des vétérinaires, Anne Daumas et Laurent Perrin, respectivement directrice et président du Syndicat national des vétérinaires d’exercice libéral1, pour présenter officiellement les leviers à actionner pour y arriver, tous regroupés au sein d’un livre blanc. L’ambition est grande : 56 leviers clés ont été définis, issus des différentes enquêtes Vetfuturs, notamment celle sur la vision du vétérinaire et de l’entreprise vétérinaire à l’horizon 2030. Les moyens à mobiliser le sont autant. Comme l’a rappelé Laurent Perrin, « faire vivre les leviers identifiés » ne dépend pas que de l’Ordre et du syndicat, « il faut que cela parte aussi de la base ». « Il y a des leviers de notre fait, d’évolution réglementaire, de contacts avec les politiques », a-t-il souligné. Et d’ajouter : « Le futur, c’est à nous et à vous surtout, maintenant, de le construire en continuant dans vos entreprises à faire vivre cette réflexion. » Un appel aux initiatives également souligné par Anne Daumas : « Tout reste à faire, ce n’est pas terminé. Demain il va falloir mettre en place des actions à partir de ces différents leviers. Chacun, dans son entreprise, dans son organisation, dans les écoles vétérinaires, va devoir y prendre part pour que la profession s’adapte à son nouvel environnement. »
Le premier chantier, et pas des moindres, est de permettre à la profession de s’inscrire au cœur des enjeux sociétaux. Sans surprise, le bien-être animal en fait partie. « C’est la question, par exemple, des grilles bien-être et de la façon dont la profession peut-être actrice au niveau des animaux d’élevages », a expliqué le président de l’Ordre. Qui rappelle qu’un certain nombre d’acteurs – et le vétérinaire n’en fait pas parti – a pour mission de vérifier si un élevage est conforme au cahier des charges bien-être, comme le bureau Veritas. « En tant que professionnel de la santé animal, en tant que tiers de confiance, le vétérinaire doit être capable de réassurer le consommateur par rapport à un certain nombre de ses valeurs », a-t-il souligné. Il ajoute : « Naturellement, le vétérinaire n’est pas identifié comme étant un acteur. » Un autre fort enjeu sociétal est celui de l’usage des antibiotiques pour les animaux, notamment de rente. Si la lutte contre l’antibiorésistance apparaît en filigrane, ce levier touche aussi à une problématique importante de la profession qui est celle de l’accès aux données d’élevage pour pouvoir les piloter en amont. « C’est aujourd’hui un combat dantesque avec les organisations professionnelles agricoles. La profession vétérinaire s’est réunie dans l’association Adelie, pour essayer, collectivement, de trouver une solution plutôt que de se la faire imposer par les groupements de défense sanitaire ou par des associations de protection animale, pour pouvoir gérer notre destin…Cette action est en train de naître. »
La deuxième grande thématique identifiée est celle relative à l’activité de demain. Y gravitent plusieurs enjeux, tour à tour évoqués par les intervenants. À commencer par ceux des nouvelles technologies. « Elles devront être intégrées dans l’exercice quotidien des vétérinaires », a souligné Laurent Perrin. « Elles vont nous donner une faculté d’adaptation et de meilleur diagnostic, mais ce qui restera est le lien entre le vétérinaire et son client. La machine n’annoncera pas de façon humaine un diagnostic qui peut être violent. » Plus que les utiliser, il conviendrait aussi de participer à leur construction. « Si toutes ces nouvelles technologiques sont produites par des gens extérieurs à la profession, elles nous échapperont », a affirmé Laurent Perrin. D’autant qu’elles seront plus adaptées au quotidien du vétérinaire. Jacques Guérin s’interroge d’ailleurs : « Est-ce que la profession vété rinaire est capable de se réunir pour créer un “Watson vétérinaire” ? » Il ajoute : « Notre idée, en tant qu’organisation professionnelle vétérinaire, est de ne pas brider l’innovation et de créer les conditions pour recevoir les start-up. » L’activité de demain demande aussi de réfléchir à la formation initiale. De ce côté-là, des avancés sont en cours. Le recrutement a déjà entamé son évolution, en premier lieu avec la hausse du numerus clausus (500 étudiants supplémentaires d’ici 2024). La préparation à la relation client est aussi davantage prise en compte, par exemple avec la mise en œuvre des stages tutorés ou l’organisation de jeux de rôle.
En 2030, l’entreprise vétérinaire sera plurielle. «
La conviction de Vetfuturs est que l’exercice isolé est compliqué et délicat, a souligné Jacques Guérin. Il y a un besoin de relationnel entre vétérinaires pour exercer correctement et de façon moderne en appréhendant tous les enjeux de société.
» Un travail en réseau donc, mais aussi multidisciplinaire, dans une équipe alliant plusieurs compétences… voire métiers ? «
Peut être pas avec le même sens que l’on donne en humaine où les maisons médicales regroupent le médecin, l’infirmier, le kiné… Quoique, avec l’arrivée des nouveaux métiers d’ostéopathie animale, avec des auxiliaires qui vont acquérir un certain nombre de capacités à faire, il faut réfléchir à comment tout cela s’articule.
» Cette entreprise vétérinaire, davantage structurée, devra aussi définir la place de ses auxiliaires de santé vétérinaire, avec la délégation des actes qui s’annoncent. «
Il s’agit de remettre le droit avec les pratiques. Nous envisagerions deux niveaux d’interventions possibles, chaque fois dans le cadre de l’établissement de soins, de l’autorité médicale vétérinaire, et d’un contrat de salarié.
» Le premier niveau correspondrait ainsi à des actes simples, tels que la pose de perfusion ou l’administration de médicaments, pour des ASV niveau 5. Dans le deuxième, les auxiliaires, de niveau bac + 3, pourraient prétendre à un poste se rapprochant de l’activité d’infirmier pour des structures aux plateaux techniques importants. « Je pense qu’il y a consensus au niveau des organisations professionnelles vétérinaires, j’espère que c’est le cas aussi chez les praticiens.
»
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1 Une présentation du livre blanc était organisée en quasi simultané dans les quatre écoles nationales vétérinaires.
LA TÉLÉMÉDECINE ET LA DÉLÉGATION DES ACTES, DEUX CHANTIERS PRIORITAIRES
UNE ENTREPRISE VÉTÉRINAIRE INTÉGRÉE LOCALEMENT
UNE LIMITE QUANTITATIVE ?
UN APPEL AUX VÉTÉRINAIRES