l’Europe vétérinaire en chiffres - La Semaine Vétérinaire n° 1830 du 15/11/2019
La Semaine Vétérinaire n° 1830 du 15/11/2019

L’ENQUÊTE

DOSSIER

Auteur(s) : PAR  KARIN DE LANGE  

Pour la deuxième fois, la Fédération vétérinaire européenne (FVE) a fait réaliser une enquête européenne auprès de plus de 14 500 vétérinaires de 30 pays sur des questions telles que la démographie, les conditions de travail, les tendances futures et la composition démographique du secteur. Décryptage.

Au total, il y a 309 144 vétérinaires en Europe, ce qui revient à une moyenne de 0,38 vétérinaire pour 1 000 habitants. Les pays où ce tauxest le plus élevé sont la Lettonie, l’Ukraine et la Lituanie, avec respectivement 1, 29, 0,91 et 0,80 vétérinaires pour 1 000 habitants. Pour la France, ce taux est de 0,29 (figure 1). Plus de la moitié des vétérinaires européens vivent en Allemagne, en Ukraine, en Italie, au Royaume-Uni et en Espagne.

Démographie : plus de jeunes et plus de femmes

La profession se rajeunit : 46 % des vétérinaires ont moins de 40 ans (en 2015, la proportion était de 44 %). Avec 42 %, la France se situe dans la moyenne. Cela indique que plus de personnes rentrent dans la profession qu’en partent ou s’en retirent.

Bien que le secteur reste à peu près équilibré entre hommes et femmes, la proportion de femmes vétérinaires a légèrement augmenté depuis 2015. Effectivement, la tendance à la féminisation se poursuit : 58 % des vétérinaires sont des femmes, contre 53 % en 2015 (en France, ces taux sont de 53 % et 49 %, respectivement).

Cela représente une augmentation de 5 % du nombre de femmes vétérinaires depuis 2015. Vu que la proportion de femmes vétérinaires est beaucoup plus élevée chez les vétérinaires de moins de 40 ans, on s’attend à ce que cette tendance se poursuive (figure 2). Cependant, le taux des femmes vétérinaires n’est pas uniforme d’un pays à l’autre. La Finlande, la Lettonie et la Suède ont le pourcentage le plus élevé de femmes vétérinaires (plus de 80 %), tandis que la Turquie, la Serbie, la Roumanie et la Macédoine du Nord ont le taux le plus faible (moins de 35 %).

« Plus les vétérinaires sont jeunes, plus le taux de femmes est élevé », confirme Jan Vaarten, directeur exécutif de la FVE, pendant la présentation à la presse, le 23 octobre dernier. « Elles sont très capables et très bienvenues au sein de la profession, mais un équilibre doit être trouvé. Un nombre croissant de jeunes confrères et consœur choisissent une carrière en médecine d’animaux de compagnie, et il revient à nous de s’assurer que la rurale reste une option attractive. »

Travail : les praticiens canins continuent à dominer

Le secteur d’emploi le plus courant reste la pratique en clientèle privée (58 %) où la grande majorité des vétérinaires européens travaillent avec des animaux de compagnie et d’élevage, 67 et 33 % respectivement (figure 3). La proportion la plus élevée de vétérinaires soignant des animaux de compagnie se trouve en Russie, en Slovaquie et en France avec 95 %, 94 % et 85 %, respectivement. La filière porcine est très prisée en Roumanie et en Serbie, où plus de la moitié des vétérinaires indiquent s’occuper de porcs. Les bovins sont également une source importante de travail en Europe, avec une moyenne de 26 % des vétérinaires s’occupant de cette espèce. La moitié ou plus des vétérinaires en Islande, en Irlande, en Roumanie et en Serbie indiquent travailler en bovine. Les chevaux et les autres d’équidés constituent une autre source importante de travail pour 21 % des vétérinaires. Finalement, 21 % des vétérinaires européens travaillent avec de petits ruminants, surtout en Islande, en Roumanie et en Serbie (la Grèce n’a pas participé à l’enquête).

En clientèle privée (58 %), les vétérinaires travaillent soit en tant que propriétaires de structure (27 %) ou en tant que salariés (31 %). Ces chiffres sont similaires à ceux observés en 2015, même si le ratio entre propriétaires et salariés s’est inversé depuis 2015 (parmi les employés il y avait 35 % de vétérinaires propriétaires et 25 % de vétérinaires salariés)(figure 4).

La Slovaquie, la France et le Luxembourg ont les plus fortes proportions de vétérinaires travaillant en clientèle, mais seulement 40 % ou moins des vétérinaires le font en Suisse, en Finlande et en Turquie.

Ensuite, 14 % des vétérinaires travaillent dans la fonction publique et 11 % dans l’éducation et la recherche, suivies par l’industrie qui n’emploie que 4 % des vétérinaires (taux inchangé depuis 2015). Quelque 12 % de la profession exercent des activités vétérinaires dans d’autres domaines.

Emploi : le chômage en baisse

La plupart (81 %) des vétérinaires travaillent à temps plein ; trois points au-dessus du chiffre indiqué en 2015. Seulement 1 % des vétérinaires sont au chômage en Europe ; dans la plupart des pays, ce taux est inférieur à 2 % (sauf en Espagne où il est de 5 % et de 3 % en Suisse et en Islande). Parmi ces chômeurs, 26 % le sont depuis plus d’un an (baisse de 5 % par rapport à 2015). Globalement, le pourcentage de vétérinaires sans emploi a diminué, même dans les pays où le taux de chômage est élevé, comme en Espagne, en Italie, en Serbie, en Macédoine du Nord et au Portugal. En fait, aucun vétérinaire en Macédoine du Nord n’a indiqué être au chômage, contre 5 % en 2015. Bien que l’Espagne ait toujours le taux de chômage le plus élevé de tous les pays étudiés (5 %), il est de 3 points inférieur à celui de 2015.

En plus de leur principal domaine d’emploi, 36 % des vétérinaires en Europe exercent une deuxième activité. Les Pays-Bas, la France et la Suède ont le pourcentage le plus faible de vétérinaires exerçant une deuxième activité (entre 23 et 26 %). La plupart des vétérinaires ayant un deuxième emploi (88 %) l’ont dans le secteur vétérinaire.

En moyenne, un quart (26 %) des vétérinaires ont envisagé sérieusement de travailler dans un autre pays européen. Ce taux est le plus élevé en Macédoine du Nord (58 %), en Serbie (51 %) et en Roumanie (43 %), et le plus faible en France (11 %) et en Norvège (10 %).

Formation permanente : 40 heures par an, mais seulement 24 en France

En moyenne, les vétérinaires européens continuent à consacrer environ 40 heures par an à la formation permanente. Interrogés sur le nombre d’heures de formation permanente qu’ils effectuent chaque année, les vétérinaires de Hongrie (80 heures), de Russie (62) et d’Espagne (60) sont en tête du peloton. Avec une moyenne de 24 heures de formation permanente par an, la France est à la traîne et nettement sous la moyenne. Pour les Français, les plus grands obstacles à la formation sont un manque de temps (75 %), le besoin de déplacement (46 %) et la difficulté de trouver une formation de qualité (38 %).

En moyenne, les vétérinaires qui paient pour une formation dépensent près de 500 € par an. Cette somme varie beaucoup selon les pays : tandis qu’en France, en Italie ou aux Pays-Bas, les vétérinaires dépensent environ 800 € par an, au Danemark (4 €), en Suède ou en Islande (0 €), les dépenses sont négligeables voir nulles. Malgré tout, les vétérinaires sont plutôt satisfaits de leur formation permanente, lui donnant une note de 6,6 sur 10. Après les vétérinaires en Belgique, en Finlande et au Danemark, les vétérinaires français sont parmi les plus satisfaits en Europe, avec une note de 7,3 sur 10.

La majorité des vétérinaires européens préfèrent se former par le biais de congrès ou de conférences (73 %), 36 % aiment les ateliers pratiques et les cours en ligne, suivis par les revues professionnelles (32 %), les webinaires interactifs (28 %) et les études personnelles (23 %).

Vers des structures plus grandes

La taille moyenne des centres vétérinaires est en train de changer. Actuellement, la plupart des cabinets vétérinaires (70 %) sont relativement petits, avec moins de cinq employés, mais il y a une tendance à une “corporatisation” croissante et à la création de groupes d’exercice plus importants. Les structures employant entre 11 et 30 personnes représentent 10 % des pratiques (15 % en France), alors que 3 % comptent plus de 31 employés (4 % en France). Bien que lente dans certains pays et rapide dans d’autres, la “corporatisation” conduit à de plus grandes structures et à davantage de vétérinaires salariés plutôt que vétérinaires propriétaires.

En 2018, dans une structure vétérinaire moyenne, 25 % des personnes sont des propriétaires (ou associés) vétérinaires (30 % en 2015), 2 % des propriétaires non-vétérinaires (1 % en 2015), 30 % des salariés vétérinaires (23 %) et 43% des employés auxiliaires ou administratifs (46 %).

Selon la FVE, « ces grandes organisations auront des répercussions sur le style et le type d’emploi des vétérinaires, ainsi que sur leurs revenus, leurs conditions de travail, leurs perspectives d’emploi et leur bien-être. Ils auront également un impact sur les organisations vétérinaires professionnelles au niveau national ou européen. »

Revenus : l’écart hommes-femmes se réduit

En moyenne, les vétérinaires européens ont des contrats de 39 heures par semaine, bien qu’en pratique ils déclarent travailler 44 heures. Avec 40,3 heures théoriques et 44,8 heures effectives, les vétérinaires français se situent près de la moyenne. Concernant les congés annuels pris en nombre de jours, la France se situe parmi les mieux lotis avec 30,3 jours, après la Russie (50,8), la Lettonie (38,9) et l’Estonie (35,3).

Les recettes totales des structures vétérinaires en Europe proviennent pour deux tiers d’animaux de compagnie. Les bovins et les chevaux représentent respectivement 13 % et 8 % du total des revenus.

Les vétérinaires ayant participé à cette étude indiquent gagner en moyenne 39 803 € par an. Pour permettre une comparaison entre les pays européens, les données ont été ajustées afin de refléter le pouvoir d’achat relatif de chaque pays, en utilisant l’indice de parité de pouvoir d’achat (PPA). En regardant les pays individuels, il y a de nombreuses différences, même après correction du pouvoir d’achat relatif. Les vétérinaires en Suisse et aux Pays-Bas ont le revenu le plus élevé, gagnant plus de 70 000 € (PPA) par an.

Malheureusement, il existe encore un écart entre hommes et femmes chez les vétérinaires : alors que les premiers gagnent environ 44 000 € par an, leurs consœurs touchent un salaire inférieur à 39 000 € (12 % de moins) (figure 5). Cette différence est cependant nettement inférieure à celle de 2015 (28 %).

Les propriétaires de cabinets vétérinaires en Europe ont été invités à estimer les tendances de leurs revenus au cours des 12 derniers mois. Près de la moitié (45 %) ont déclaré que leurs revenus avaient augmenté (le Royaume-Uni en tête avec 62 %), 33 % n’avaient constaté aucun changement et 22 % ont déclaré une diminution. La France se situe près de la moyenne européenne, avec 47 %, 32 % et 21 %, respectivement.

Seulement 6 vétérinaires sur 10 envisageraient la même carrière

Un tiers (33 %) des vétérinaires déclarent avoir changé de carrière tout en restant dans le secteur, par exemple, en passant de praticien à inspecteur vétérinaire. Un tiers (32 %) des répondants ont déclaré qu’ils envisageraient de passer à une activité professionnelle non vétérinaire et donc de quitter la profession dans les cinq prochaines années. Cependant, cette proportion varie considérablement d’un pays à l’autre, allant de moins de 20 % en Hongrie, au Luxembourg, en France et en Belgique à plus de 40 % au Royaume-Uni, en Italie, en Serbie, en Islande, en Russie et au Portugal.

Comme en 2015, les vétérinaires ne sont pas très optimistes par rapport à l’opinion que leurs clients ont d’eux. Alors que seulement la moitié estiment que leurs clients les apprécient, 22 % trouvent qu’ils les considèrent mal. Et en moyenne, seulement 37 % pensent être bien considérés par le grand public, même s’il existe des grandes variations entre pays (figure 6). En France, les vétérinaires pensent être appréciés par 74 % de leurs clients et par 58 % du grand public.

« En effet, nous ne sommes pas perçus aussi bien qu’on aurait espéré, admet Jan Vaarten. Il ne suffit pas d’être bon dans notre métier, il faut aussi savoir le communiquer. »

Les sondés européens choisiraient-ils à nouveau le métier de vétérinaire s’ils en avaient le choix ? Sur une échelle de 0 à 10 (avec 0 signifiant “très improbable” et 10, “très probable”), ils ont attribué cette possibilité à 6. En France, les vétérinaires sont légèrement plus positifs, avec un 6,3. Le Portugal est le pays où les vétérinaires sont plus réticents à faire le même choix de carrière (4,8). Ces chiffres sont sans doute plus faibles en réalité, si l’on considère que les vétérinaires ayant quitté la profession entièrement n’ont probablement pas eu accès à l’enquête.

Un quart des vétérinaires ont eu besoin de congés à la suite du “stress”

L’enquête de 2018 a introduit des questions sur le bien-être et la santé mentale de la profession.

Les niveaux de stress dans la profession seraient élevés. Les vétérinaires participants rapportent un niveau de stress au travail de 6,9 sur 10 (où 10 représente le niveau le plus élevé). En Slovénie, en Italie, en Macédoine du Nord et en Bulgarie, les vétérinaires signalent un niveau de stress supérieur à celui des autres pays analysés. En revanche, le Danemark et l’Irlande ont les taux de stress au travail les plus bas. En effet, le Danemark a le pourcentage le plus élevé de vétérinaires choisissant les options de réponse 0 et 1, qui représentent les niveaux de stress les plus bas, suivis des Pays-Bas et de l’Irlande.

Un quart (26 %) des vétérinaires ont déclaré avoir dû s’absenter du travail pendant plus de deux semaines en raison de dépression, d’épuisement ou de fatigue professionnelle au cours des trois dernières années. C’est même le cas pour une majorité de vétérinaires en Russie (78 %), en Macédoine du Nord (63 %) et en Bulgarie (55 %). Les pays dans lesquels les vétérinaires avaient le moins besoin de prendre une telle mesure étaient la Suisse et l’Allemagne (12 % dans chacun des pays). En France, ce taux est de 16 %. Les secteurs où travaillent les vétérinaires ayant dû s’absenter le plus souvent pour ces raisons sont les organisations non gouvernementales (66 %) et la sécurité alimentaire (31 %). Et ce sont surtout les jeunes qui “craquent” et ont besoin de congés pour raison de santé mentale (jusqu’à 34 % des moins de 30 ans) (figure 7).

Les deux tiers se sont mis au numérique

Au travers de l’Europe, 67 % des vétérinaires indiquent utiliser les réseaux sociaux dans leur vie professionnelle. La France se situe juste sous la moyenne avec 65 %. Facebook et les sites web sont les plus populaires : près de 50 % des vétérinaires utilisent Facebook et 41 % des sites web à des fins professionnelles. YouTube et Instagram sont également populaires, utilisés par plus de 15 % des vétérinaires. Twitter est le réseau social le moins utilisé : seulement 6 % des vétérinaires l’utilisent au travail.

Là aussi, il existe des différences nationales : 80 % des participants en Bulgarie, en Russie, en Macédoine du Nord, en Roumanie et en Slovénie indiquent utiliser au moins un type de médias sociaux. L’Irlande et l’Italie ont le taux de présence professionnelle sur les médias sociaux le plus faible.

L’avenir : plus de spécialisation et diversification professionnelle

En ce qui concerne les tendances futures, les vétérinaires sont légèrement plus optimistes qu’en 2015. Alors qu’il y a trois ans, 45 % des vétérinaires s’attendaient à une augmentation de leurs revenus l’année suivante, la proportion a atteint 52 % en 2018 (51 % pour les vétérinaires en France). Selon les vétérinaires européens, les secteurs ayant besoin de vétérinaires dans les années à venir sont la canine, le bien-être et les services vétérinaires (figure 8).

De tous les défis auxquels la profession s’attend à être confrontée, les vétérinaires sont les plus d’accord avec l’énoncé : « Le bien-être animal sous l’influence de la pression sociale sera un facteur essentiel de la durabilité et du développement du secteur des produits d’origine animale » (7,5 sur 10). Cette perception est particulièrement forte en Finlande, en Espagne, en Islande, au Danemark et en Italie : le niveau d’accord des vétérinaires y est supérieur à 8. En France, les vétérinaires sont d’accord avec cet énoncé à 7,7 sur 10.

« Davantage de spécialisation » reste le besoin le plus réclamé pour relever les défis futurs, soutenu par 62 % des participants (36% en France). Une formation accrue à la gestion d’affaires, ainsi qu’aux compétences numériques est aussi jugée nécessaire pour respectivement 57 % et 43 % des vétérinaires européens, et pour 53 % et 45 % des français.

Le questionnaire a été établi en 18 langues. Le recueil et l’analyse des données ont été réalisés par Grupo Asís (Espagne) et financés par MSD Santé animale(fvesurvey.com).

POINTS FORTS

- Le nombre de femmes dans la profession continue à progresser.
- La profession se rajeunit.
- Un quart des vétérinaires ont dû faire une pause pour raison de santé mentale.
- Les chiffres du chômage et du sous-emploi ont diminué.
- L’écart de rémunération entre les vétérinaires hommes et femmes s’est réduit.
- Les structures vétérinaires s’agrandissent, avec moins de propriétaires et plus de salariés.