DÉVELOPPEMENT PERSONNEL
ÉCO GESTION
Auteur(s) : ANNE-CLAIRE GAGNON
Une profession de soignants comme les vétérinaires doit prendre soin de sa santé mentale, pour aider ceux qui vont mal, prévenir les troubles futurs et garantir une qualité de bien-être au travail, qui permet d’exercer ses missions.
Afin de poursuivre cet objectif, le Royal College of Veterinary Surgeons (RCVS) a, depuis cinq ans, mis en place Mind Matters Initiative (MMI), dotée d’un budget de 1 million de livres, qui a été au cœur de la démarche Vet Futures.
Articulé en séances plénières, posters et ateliers de courtes communications, le second symposium de MMI a permis de dresser le bilan des actions et d’ouvrir sur des pratiques et questionnements nouveaux, dans un esprit collaboratif, où le placement des participants autour de tables rondes favorisait les échanges1.
Stuart Reid, qui fut le président de MMI, désormais partenaire de l’American Veterinary Medical Association (AVMA) sur ce sujet, a rappelé que le RCVS, dans son plan stratégique, souhaite « fournir aux équipes vétérinaires une approche coordonnée, étayée par la science pour leur santé mentale et leur bien-être ». 70 % des structures vétérinaires ont inclus la santé mentale et le bien-être dans leur standard (une démarche qualité volontaire du RCVS).
En cinq années, Lizzie Lockett, la directrice, a pu voir la progression de la perception par les praticiens du RCVS, devenu un véritable partenaire de leur santé mentale – un régulateur compassionnel – et non plus le gendarme, qui réprime les fautes professionnelles. Plus de 1 500 vétérinaires ont suivi la soixantaine de formations (organisées pour la moitié avec la British Small Animal Veterinary Association), et la page Facebook&me (soutenue par Doctor’s Support Network), appelant à partager ses soucis et à “déstigmatiser” les maladies mentales, a recueilli plus de 25 000 vues. Deux “webinaires” de pleine conscience ont été suivis par plus de 2 500 professionnels vétérinaires dans cinq pays différents et la nouvelle série sur le sommeil a réuni 500 participants dans 13 pays. Des groupes de parole (de type Schwartz) ont été mis en place dans sept structures.
Enfin, MMI a tenu sa première table ronde avec les étudiants vétérinaires le 23 septembre et va lancer prochainement l’application VetKind pour eux.
Le RCVS a renouvelé son engagement pour trois années de plus à MMI, afin de poursuivre les actions, notamment par des autoévaluations au sein de chaque structure, une démarche visant à donner un second souffle et de la motivation au travail.
Au Canada, l’université de Toronto a mis en place, avec Colleen Best, professeure d’épidémiologie, un module permettant aux étudiants en fin de cycle de savoir quitter le nid sans heurt. Car face à leur haut niveau d’attentes, la réalité est très dure à accepter. Pendant une semaine, en petit groupe à taille humaine, 5 à 8 étudiants se sont initiés, hors de l’université, à l’intelligence émotionnelle, à des séances interactives pour mieux se connaître (la base depuis l’Antiquité est “Connais-toi toi-même”), à comprendre quelles sont leurs valeurs, ce qui les inspire. Ont été présentées l’autocompassion, la gestion des erreurs, la pratique du yoga, les bonnes règles de la nutrition, la méditation de pleine conscience, le “biofeed-back”, la gestion du temps : autant d’activités qui ont clairement changé profondément leur vision personnelle.
La psychiatre Alexandra Pitman et son collègue Neil Greenberg ont souligné la contagion du suicide, qui résonne en chaque vétérinaire, même si le confrère n’est pas un de ses proches. 9 % des endeuillés font une tentative. Le taux de suicide dans la profession vétérinaire est supérieur à la moyenne. La charge mentale, la nature du management, le perfectionnisme, l’isolement, la difficulté à demander de l’aide, les soucis personnels sont autant de pistes étiologiques qui s’additionnent.
Pour la grande majorité d’entre nous, le travail est bon pour notre santé, sauf en milieu toxique. Et le présentéisme désormais décrit – tenir coûte que coûte – est pire que tout, menant à la fatigue permanente, donc à la dépression.
Parmi les moyens de prévention et d’entretien une bonne santé mentale, il y a les compétences professionnelles non techniques (mieux se connaître, comprendre ses peurs, ses craintes, oser changer), dont Tierney Kinnison (Royal Veterinary College, Grande-Bretagne) a pu vérifier l’importance dans son travail2 de recherche appliquée, avec une diminution significative du stress et une augmentation de la confiance et des émotions positives. De quoi plaider pour une collaboration sans frontières entre les pays, pour vivre et travailler mieux au sein de la profession vétérinaire.
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1 Le second symposium Mind Matters Initiative (MMI, que l’on peut traduire par “le moral, c’est vital”) s’est tenu à Londres (Grande-Bretagne), le 24 septembre 2019. Il a réuni des chercheurs britanniques et internationaux, en présence d’une centaine de vétérinaires, praticiens et responsables institutionnels.
2 Dixon W. H. R., Kinnison T., May S. A. Understanding the primary care paradigm: an experiential learning focus of the early veterinary graduate. Vet Rec. 2017;181(18):480.
ENQUÊTE MONDIALE SUR LA SANTÉ MENTALE ET LE BIEN VIVRE DES ÉQUIPES VÉTÉRINAIRES