Salarié ou collaborateur libéral : que choisir ? - La Semaine Vétérinaire n° 1831 du 22/11/2019
La Semaine Vétérinaire n° 1831 du 22/11/2019

ENTREPRISE

ÉCO GESTION

Auteur(s) : CHRISTELLE FOURNEL (A01) 1

Si les deux statuts lient une personne à une entreprise avec des droits, des devoirs et des responsabilités, ils diffèrent de par la nature même de la collaboration. À la différence d’un salarié, un collaborateur libéral n’a aucun lien hiérarchique avec l’entreprise, mais gère son activité individuelle.

Salarié ou collaborateur libéral (CL) : ces statuts procèdent de deux façons très différentes de penser la collaboration. Le confort, la sécurité, l’envie de travailler à temps partiel pour préserver son équilibre vie professionnelle-vie personnelle motiveront le salarié. Le CL, lui, reste indépendant, c’est l’essence même d’une profession libérale. Il choisit son temps de travail et peut, s’il le souhaite, « travailler plus pour gagner plus ». Il est indépendant dans sa pratique et sa vie professionnelle au sens large, donc plus libre de ses choix de parcours et en même temps rencontre davantage de contraintes de gestion.

Une rémunération à définir pour le collaborateur libéral

Le statut du vétérinaire salarié se distingue par sa clarté : chaque mois, l’employé perçoit une rémunération nette. Ont déjà été déduites les cotisations salariales (et l’impôt sur le revenu). L’employeur paie des cotisations patronales et verse les cotisations salariales à la place du salarié. Le paiement peut se faire à l’heure ou à la journée, ce à quoi s’ajoutent une indemnité congés payés et, le cas échéant, les heures complémentaires ou supplémentaires.

En comparaison, le statut de CL peut apparaître plus flou étant donné que le montant de la rémunération est fixé librement d’un commun accord entre le CL et le titulaire. Le CL rédige une note d’honoraires et, sur le montant perçu, il doit verser des cotisations sociales et d’autres frais annexes comme la responsabilité civile professionnelle (pour environ 35 % des honoraires perçus). Généralement, le CL empoche un certain pourcentage du chiffre d’affaires qu’il génère. Il convient donc d’estimer a priori le chiffre d’affaires potentiel, afin d’évaluer le montant mensuel des notes d’honoraires.

Prenons le cas d’un vétérinaire autonome, avec au moins quatre ans d’expérience (échelon IV de la convention collective), travaillant à temps plein. En tant que salarié, il est rémunéré au moins 3 830 € bruts par mois (indemnité de congés payés inclue), ce qui correspond à un versement net d’environ 2 950 € par mois. En tant que CL, à temps de travail identique et pour toucher le même montant net, il devra rédiger des notes d’honoraires d’au moins 5 000 € HT, afin de prendre en compte notamment les cotisations sociales et le financement de ses congés. En deçà de ce montant, il est assurément perdant.

Un temps de travail encadré pour le salarié

Dans le cas du salarié, un temps plein équivaut à 216 jours de travail par an (ou 1 607 heures) et 5 semaines de congés payés (c’est-à-dire 30 jours par an). Au-delà, les journées ou les heures travaillées en plus sont dites supplémentaires.

Si les journées du salarié sont très longues (10 à 12 heures de manière récurrente), il paraît légitime de lui octroyer du temps de récupération. En effet, le vétérinaire salarié, dès l’échelon II est cadre. Et, dans les entreprises françaises, le cadre reçoit des réductions du temps de travail (RTT), afin de prendre en compte le fait qu’il ne compte pas ses heures et que ses journées sont généralement très remplies.

Côté collaboration libérale, les “216 jours” ne font plus référence. Rien n’empêche le vétérinaire d’exercer durant 50 ou 70 heures par semaine, ni de cumuler des activités différentes. En outre, si sa rémunération repose sur le chiffre d’affaires rapporté à la structure, un cercle vertueux peut vite se mettre en place : il travaille plus pour gagner plus. Charge, toutefois, au CL de se ménager du temps de repos pour éviter le surmenage…

Le CL, un chef d’entreprise

Être CL, c’est en quelque sorte, avoir sa propre entreprise avec toutes ses obligations. De nombreuses tâches supplémentaires lui incombent : immatriculation à l’Urssaf, affiliation à la Caisse autonome de retraites et de prévoyance des vétérinaires (CARPV), souscription à une responsabilité civile professionnelle (RCP), assurance des biens professionnels, ouverture d’un compte bancaire, prévoyance, etc. Par ailleurs, sachant que les cotisations des travailleurs non salariés sont prélevées de manière irrégulière et qu’il faut aussi reverser la TVA, une gestion rigoureuse de la trésorerie du CL est absolument nécessaire. Enfin, en cas de diminution d’activité ou autre accident de la vie, le CL se trouve globalement moins protégé. Il conviendra alors de sécuriser tous ces risques sur la base d’une réflexion personnelle. Signalons par ailleurs que la gestion sociale du CL est plus souple pour le titulaire : aucune fiche de paie ne doit être réalisée (coûteuse, fastidieuse, chronophage, souvent erronée) et il lui suffit de régler des notes d’honoraires. En outre, s’il a besoin d’un bureau chez lui pour rédiger ses comptes rendus, son “entreprise” peut le louer à lui-même. À noter : le titulaire a des devoirs envers le CL qui exerce son art en se servant des installations, du matériel et du personnel de la structure. Si un appareil est déficient, l’entreprise se devra de le réparer immédiatement. De même un plan de prévention dans le cadre du “document unique” sera rédigé, et des mesures de radioprotection, prises pour le CL.

Attention aux détails des contrats

Les deux contrats présentent des similitudes : ils sont conformes au Code de déontologie et lient deux parties ayant des droits, des devoirs et des responsabilités envers l’autre. Mais l’un est rédigé sur la base de la convention collective des vétérinaires et du Code du travail. L’autre est issu de la loi n° 2005-882 du 2 août 2005 (article 18) et répond au Code civil.

Le titulaire peut charger le CL de s’occuper de sa clientèle. Par ailleurs, le CL doit être en mesure de constituer librement sa clientèle personnelle. Ces deux points, s’ils sont clairs sur le papier, le sont beaucoup moins dans la réalité. Il est donc essentiel de pouvoir répondre à diverses questions. Comment identifier la clientèle du CL de celle du titulaire lorsque le CL exerce depuis plusieurs années dans une structure généraliste ? Si un propriétaire, client régulier d’une structure, rencontre le CL pour une consultation référée et lui demande de suivre son animal en tant que généraliste, que se passe-t-il ? De même, un salarié fidélise petit à petit ses clients. Si, après quelques années, il décide de créer sa propre structure, quelques immeubles plus loin, rien ne l’en empêche à partir du moment où aucune preuve de détournement de clientèle ne peut être établie.

Aussi est-il recommandé qu’a minima l’associé et le CL se réunissent une fois par an pour déterminer, d’un commun accord, à qui appartient chaque client.

1 MBA ESCP Europe 2012, Docteur en Sciences de Gestion.

ATTENTION À LA REQUALIFICATION DE CONTRAT

Une collaboration libérale mal menée peut être dangereuse pour l’entreprise comme pour le vétérinaire praticien. En effet, un salarié se trouve sous les ordres de son employeur, mais le collaborateur libéral n’a pas de lien hiérarchique avec le titulaire. Il garde en tout point son indépendance professionnelle. Une collaboration libérale peut être facilement requalifiée en salariat si le lien hiérarchique est mis en évidence. L’entreprise pourrait alors être condamnée à payer des charges sociales et une indemnité congés payés, et ce de manière rétroactive sur plusieurs années.