BROUTARDS, BROUTEURS 1

Il y a du désespoir dans notre individualisme. L’essor de la solitude dans notre société le montre. Bien au-delà d’un problème d’isolement (manifeste dans les campagnes), il trahit la faillite des modes actuels de vivre ensemble. Le succès des ersatz de relations qui se nouent sur Internet en est sans doute plutôt le symptôme que le remède. C’est sur ce terreau de déréliction affective que s’agence ce thriller. Il lui associe habilement l’âpreté de la vie rurale et l’abstraite nudité du causse Méjean sous la neige. Le beau titre du film reprend celui du livre de Colin Niel (paru en 2017) qu’il adapte à l’écran. Il en conserve la structure chorale. Elle confronte différents points de vue autour de la disparition d’une femme dont le véhicule abandonné est retrouvé le lendemain d’une tempête de neige. Comme les pièces d’un puzzle, les cinq récits complémentaires des protagonistes du drame (dont deux éleveurs) vont peu à peu le dévoiler et l‘épaissir, creuser les failles intérieures de chacun et montrer les conséquences désastreuses du télescopage de leurs désirs distincts. À mi-parcours, le film nous transporte à 5 000 km de là. La mise en lumière alors d’un fil insoupçonné entre deux univers tranchés ouvre ironiquement l’intrigue à une dimension plus globale. Le film aurait sans doute gagné à s’alléger encore davantage de certains artifices de la dramaturgie du roman, mais l’atmosphère qu’il parvient à créer à partir d’un cadre agricole ordinaire séduira les amateurs de films noirs.
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¹ Auteurs d’escroqueries sur Internet via les réseaux sociaux.

Seules les bêtes de Dominik Moll, avec Damien Bonnard, Valeria Bruni-Tedeschi, Laure Calamy, Denis Ménochet, France, 1 h 57, sortie le 4 décembre.