CINÉMA
ACTU
Auteur(s) : MICHAELLA MORADEL ET TANIT HALFON
Pour son premier long métrage, la réalisatrice et scénariste Julie Manoukian raconte le quotidien du vétérinaire en zone rurale. Si les difficultés du métier transparaissent à l’écran, offrant une rare occasion pour le public de les découvrir, Les Vétos montre avant tout les liens humains qui peuvent unir une communauté.
Échanger des euros contre un café chaud, rater la soirée d’anniversaire de son fils à cause d’une urgence, consulter malgré la fatigue à la limite de l’épuisement… Le film Les Vétos, première réalisation de Julie Manoukian, montre, avec justesse et une certaine tendresse, les difficultés du vétérinaire exerçant en zone hyper-rurale. Nico, interprété par Clovis Cornillac, un vétérinaire mixte de 45 ans, se démène pour garder à flot son cabinet situé dans un petit village du Morvan. Et peine surtout, depuis plusieurs mois, à recruter un nouveau vétérinaire, son associé, Michel (joué par Michel Jonasz), partant en retraite. Par l’intermédiaire d’un stratagème un peu fantasque, Alex (Noémie Schmidt), une jeune diplômée alforienne et nièce de Michel, qui se prédestinait à la recherche, débarque dans leur vie. Pendant 1 heure 30, tout y passe : horaires à rallonge, obligations d’astreinte, sous-facturation des actes, comparaison avec “Dr Google”, critiques voire plaintes, turbulences sérieuses avec la vie de famille, etc. Ça sonne juste et pour cause : la réalisatrice s’est entourée de vétérinaires, d’abord lors de l’écriture du scénario, avec Laetitia Barlerin, mais aussi durant le tournage. Maxime Chassaing, vétérinaire mixte dans le Morvan, a accepté de jouer ce rôle de consultant, avec sa femme Camille Frombaum : « Nous avons d’abord aidé à l’écriture du scénario en ajoutant des anecdotes de médecine rurale, en particulier en accentuant le côté humain qu’il peut y avoir dans nos relations avec les éleveurs. Julie ne se doutait pas à quel point on pouvait rentrer dans leur intimité. »
Sur le tournage, les deux vétérinaires faisaient la chasse aux incohérences, notamment dans la gestuelle des comédiens. Une recherche du réel qui est à son apogée avec la scène du vêlage, qui n’est en rien truquée ni une astuce de montage. « C’est la seule vraie séquence de médecine. Elle a été tournée de nuit dans une étable. Nous étions venus en équipe réduite, avec une seule caméra. Noémie a fondu en larmes, comme le reste de l’équipe, même moi ! Elle pleure dans le film, mais ce n’était pas tout à fait du cinéma », se remémore Maxime Chassaing avec nostalgie. Un tournage qui ne laisse pas indifférent. « J’ai eu le “movie blues“ lorsque l’équipe du film est partie. Ça a été difficile pendant plusieurs mois », souligne-t-il. À l’instar des liens créés lors du tournage, Les Vétos raconte en vérité l’histoire d’une grande famille. D’abord la famille du cabinet, dans lequel tout le monde se tutoie, y compris les clients. Le village dans son ensemble est aussi une autre grande famille, avec un bar dans lequel les scènes de disputes côtoient celles de réconciliation. Un constat qui rejoint les propos de Maxime Chassaing : « Mes clients m’appellent par mon prénom et me tutoient. Je connais tous les ragots, mais aussi tous les états d’âme de chacun d’entre eux. Ce n’est pas qu’une image d’Épinal, c’est ce qui fait la chaleur humaine du métier. Cela a d’ailleurs surpris Clovis Cornillac qui ne pensait pas qu’on pouvait avoir autant d’empathie. »
Que va penser le public ? Réalisera-t-il vraiment quelle passion anime les vétérinaires, investis jusqu’à l’abnégation dans certaines scènes du film ? Réponse à partir du 1er janvier prochain pour sa sortie en salles. Dans tous les cas, les messages que le film véhicule pourraient être utiles à la profession, soutient Jacques Guérin, président du Conseil national de l’Ordre des vétérinaires. «
Ce film va venir donner une consistance aux courriers que j’envoie régulièrement aux ministères et à l’ensemble des sénateurs pour les sensibiliser à l’importance du maillage vétérinaire. Cela donne une réalité a un problème considéré encore comme virtuel. Il ne fait aucun doute que cela va nous aider dans notre démarche, mais aussi créer des vocations. Ce film rappelle que l’on peut encore avoir du bonheur à la campagne
», affirme-t-il. Maxime Chassaing abonde dans le même sens : « Lors de l’avant-première à Auxerre, des gens du public ne se rendaient pas compte de l’impact des gardes sur la structure familiale. Ce film permet de faire passer des messages sans être choquant, un bon moyen d’engager un débat.
» Pourtant, par certains aspects, Les Vétos tendrait à idéaliser la réalité. Mais est-ce bien grave ? «
Ce qui est intéressant, c’est la promotion de l’exercice mixte. On est aux antipodes de ce que l’on voit dans les émissions télévisées sur le métier de vétérinaire avec un plateau technique très proche de la médecine humaine. De nombreux vétérinaires se débrouillent avec des moyens réduits, et produisent un travail de qualité, retient Jacques Guérin. Certes, ce n’est pas forcément le modèle courant dans certaines régions, mais le film approche des notions à travers un exemple et un mode de fonctionnement qui n’est pas déconnecté des réalités. Il parle d’euthanasie, de la relation vétérinaire-éleveur, de l’empathie envers l’animal. Il dépeint finalement le quotidien d’un vétérinaire curé de campagne, partie prenante d’une communauté.
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« J’AI DÉCOUVERT UN MILIEU AVEC BEAUCOUP D’AMOUR, D’HUMOUR ET DE DÉVOUEMENT »