INITIATIVE
PRATIQUE CANINE
L'ACTU
Auteur(s) : LORENZA RICHARD
Parce que le facteur “humain” peut échapper au vétérinaire, un duo original (psychologue et vétérinaire) travaille en synergie pour apporter une approche globale aux problèmes comportementaux des animaux.
La consultation comportementale de notre confrère Thierry Bedossa à Neuilly-sur-Seine (Hauts-de-Seine) bénéficie de l’appui de Sarah Jeannin, psychologue clinicienne et docteure en éthologie. Une complémentarité bienveillante au service du bien-être animal.
Sarah Jeannin : J’observe les propriétaires, leur état émotionnel, leur personnalité, leur mode relationnel entre eux et je gère la communication humaine. Cela me permet d’apporter au vétérinaire comportementaliste des éléments importants qui auraient pu lui échapper. Il est difficile pour lui de se concentrer à la fois sur le comportement de l’animal, la discussion avec ses propriétaires, et leur attitude avec l’animal. Il est pourtant essentiel de s’intéresser à leurs relations. De plus, j’apporte de l’écoute aux gens et leur permet d’exprimer des émotions parfois fortes qu’ils ressentent face au comportement gênant de leur animal, comme la frustration, le découragement ou la colère. Ma présence apporte ainsi un cadre bienveillant afin que le propriétaire se sente compris.
S. J. : Je reçois les clients en premier. Je m’entretiens avec eux durant 30 à 45 minutes pour comprendre leur mode de vie, ce qui les amène, etc. Comme il est important de placer l’individu dans son environnement familial, nous demandons que, dans l’idéal, tous les membres de la famille, animaux y compris, soient présents. Cette méthode reprend celle utilisée dans les thérapies familiales. Je m’entretiens avec tous, afin d’obtenir chaque point de vue. Quand je juge qu’une personne n’est pas à l’aise devant les autres, je m’isole avec elle pour qu’elle s’exprime franchement.
Durant ce temps d’échange avec les propriétaires, l’animal peut explorer la salle de consultation librement et se familiariser avec ce nouvel environnement. Cela me permet également d’observer la façon dont les propriétaires interagissent avec l’animal, s’adressent à lui, etc. Le vétérinaire arrive ensuite.
S. J. : Ils sont prévenus en amont de ma présence et aucun n’a eu jusqu’à présent de réticence. Au contraire, certains m’annoncent directement qu’ils sont anxieux et qu’ils sont sans doute en partie fautifs des troubles comportementaux de leur animal, car ils lui transmettent leur anxiété. Je réponds que la contagion émotionnelle existe, mais qu’ils ne doivent pas ajouter de la culpabilité à leur état émotionnel, que nous allons en tenir compte, comme de leur cadre de vie, pour proposer des solutions. Je peux également chercher une problématique personnelle ou un conflit familial sous-jacent qui se concentrerait sur l’animal, devenu l’exutoire d’autres tensions. Alors que le vétérinaire ne se sent pas légitime d’aborder les sujets personnels, je peux, en cas de divorce, par exemple, demander si la séparation est encore vive et la personne se donne le droit d’exprimer sa tristesse, ses difficultés et ses besoins. Parfois, j’ai orienté des propriétaires vers un thérapeute, et la plupart d’entre eux y sont allés, pour leur bien-être et celui de leur animal. Je n’assure pas leur suivi, mais être écoutés les soulage beaucoup.
S. J. : Je reste et tempère les propos du vétérinaire ou valorise son conseil. Il se place du point de vue de l’animal et il explique aux propriétaires dans quelle mesure l’environnement physique et/ou relationnel ne répond pas à ses besoins. Je leur rappelle la bienveillance des recommandations que nous leur formulons, qui sont un compromis entre les besoins de l’animal et les leurs. Elles ne doivent pas être vues comme un reproche, mais comme l’occasion de prendre leurs responsabilités, en étant informés. Cela les motive à appliquer les conseils.
À l’issue de la consultation, je reste de nouveau seule avec eux pour recueillir leur ressenti. Le lendemain, je leur envoie le compte rendu par e-mail, et leur rappelle de donner des nouvelles. Ils le font pour la majorité, alors qu’auparavant, avoir un retour était compliqué.
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