POINT DE VUE
@... VOUS !
Auteur(s) : JEAN-LUC BESSON
Notre confrère, titulaire d’un certificat d’études supérieures de diététique vétérinaire et qui a développé son activité pet food de façon importante, s’oppose à l’idée selon laquelle la vente en ligne serait une solution pour développer l’activité et le chiffre d’affaires en lien avec le pet food dans les cliniques. Bien au contraire, pour lui, ce service fait perdre de la marge aux praticiens au profit des intermédiaires.
Mes confrères se posent des questions sur l’intérêt de travailler la nutrition et boudent l’activité. Peu d’acteurs nous estiment capables de développer ce marché au même niveau que nos concurrents. Céder à la mode de la boutique en ligne est tentant. Il y a quelques années, les animaleries remettaient en cause nos marges et l’exclusivité de notre offre. Pour y remédier, nous installions des présentoirs. Aujourd’hui, notre réaction est la même ! Avec un taux de pénétration de 47 % (versus 6 % au niveau national), je travaille sans présentoir, mes ASV n’amorcent pas les ventes, et, sans l’utiliser, Internet est un facteur de croissance pour mon activité de nutrition. La méthode de travail que j’enseigne depuis 12 ans développe l’activité de nutritionniste de mes confrères dans des proportions de très loin supérieures à l’utilisation en première intention des présentoirs ou l’envoi de 100 % des clients sur des shops internet. Je valorise les moyens authentiques qui nous appartiennent : l’expertise, la prescription, les particularités de notre communication, et ne me limite pas à l’offre industrielle.
En omettant les statistiques sur le comportement de nos clients vis-à-vis du pet food, les vendeurs de sites relaient des chiffres effrayants sur l’e-commerce et s’autoconfortent en y incluant les ventes réalisées par les shops vétérinaires. Ils alimentent la peur et contribuent à la montée de la concurrence que l’on redoute. Conformément aux chiffres nationaux, à peine 8 % de mes clients achètent le pet food sur Internet. Si la sensation est différente, c’est à cause de l’émotion que cela suscite. L’objectivité à ce sujet est un vrai travail. Près de 80 % de notre réelle concurrence est matérialisée par les grandes surfaces et les animaleries. Se focaliser sur Internet est un mauvais calcul, du moins pour la profession. La principale motivation des clients qui achètent le pet food en ligne est le prix. Pourquoi offrir une partie de nos marges à une société pour nous positionner ? Lorsqu’on pratique soi-même ces prix, on se passe de marge avant (ancien coefficient x 1,5). Mais n’oublions pas la marge arrière (remises centrales et labos). C’est plus de 30 % ! Les concurrents en ligne, eux, en ont conscience. C’est grâce à elle qu’ils vivent. Et les plus agressifs d’entre eux s’approvisionnent dans nos centrales. Alors pourquoi complexer ? Je m’amuse à penser à leur réaction et aux conséquences sur le marché, s’il devenait de notoriété publique que ce sont les vétérinaires qui pratiquent les prix les plus bas en France. Envoyer 8 % de clients concernés sur Internet est une méthode. Mais s’encombrer de cet intermédiaire pour 100 % d’entre-deux, c’est ignorer les réelles vertus d’une vraie vente amorcée en consultation et entretenue au comptoir.
Une question résume mes suspicions au sujet des shops internet : quel est l’objectif des promotions sur un site professionnel ? Certainement pas l’observance de nos prescriptions. La nutrition subit l’“ubérisation” car elle n’est pas soumise à ordonnance. Certains tentent de convaincre que c’est inéluctable. Pour ma part, je m’inquiète pour l’avenir de nos autres prescriptions si l’on ne parvient par nous-mêmes à maîtriser notre propre écosystème. C’est une combinaison raisonnée de nos moyens qui permettra un développement réel de l’activité. L’utilisation systématique en première intention d’outils empruntés à la concurrence ne nous offrira qu’une illusion de croissance. En ce sens, je suis prêt à collaborer avec les acteurs concernés et à mettre au point des méthodes de travail adaptées à nos spécificités et à notre vrai potentiel. Restons professionnels malgré les modes, offrons à nos clients ce qu’ils attendent de nous, et pas des autres. Sur ce terrain, nous n’avons pas de concurrents.
•