CLIENTÈLE
ÉCO GESTION
Auteur(s) : CHRISTELLE FOURNEL
Le praticien doit tenir compte des motivations du propriétaire, qui divergent parfois des siennes. L’associer à la démarche clinique est une condition essentielle pour réussir sa consultation.
Le monde du marketing évoque régulièrement la notion d’expérience client et la lie bien souvent à l’émotion ressentie par l’utilisateur ou l’acheteur durant son parcours client. En activité de soin, l’expérience de service a été décrite en santé humaine, mais les émotions du propriétaire d’animal, complexes, sont liées à des caractéristiques quasi exclusives de l’activité vétérinaire. Il en résulte des attentes très spécifiques de la part de nos clients.
Publié pour la première fois en 2003, le guide Calgary-Cambridge,d’une dizaine de pages, précise, étape par étape et de manière très détaillée, le déroulé d’une consultation, notamment les questions que le médecin doit poser au patient et les réactions qu’il est supposé avoir dans telle ou telle situation1. L’enjeu de l’interaction réside dans la compréhension du prisme du patient, afin de favoriser son adhésion au traitement et une bonne observance. Quelques règles sont applicables en médecine vétérinaire, par exemple :
- écouter le patient sans l’interrompre et lui laisser le temps de réfléchir sans l’abreuver de question ;
- poser des questions qui n’induisent pas de réponse toute faite : « Comment sont ses selles par rapport à d’habitude ? », plutôt que « Ses selles sont plus molles que d’habitude ? » ;
- l’encourager à exprimer ses émotions : « Vous semblez inquiet… » Le client entrevoit alors la possibilité de s’épancher sur sa peur de l’anesthésie générale, traumatisé par un accident peropératoire survenu chez un membre de sa famille…
Gardons toujours en tête la relation qui existe entre un propriétaire et son animal, et leur vécu commun.
La relation vétérinaire-propriétaire est, en fait, largement dominée par l’asymétrie d’information entre les deux interlocuteurs. Le praticien cherche à établir un diagnostic et une thérapeutique optimale dans le cas précis, le propriétaire à comprendre ce qui arrive à son animal et comment l’aider. Dans ce contexte, l’enjeu de l’interaction réside dans la réduction de cette asymétrie.
Autrement dit, il convient, par exemple, de :
- prendre le temps de décrire les signes cliniques anormaux durant l’examen clinique ;
- expliquer l’intérêt de chaque acte médical proposé. Dans la négative, le propriétaire choisira de la suite des soins à donner ;
- s’assurer que le propriétaire repart avec une compréhension juste de la gravité de l’état clinique de son animal. Si la situation est préoccupante, inutile de le cacher et il faut sortir l’“artillerie lourde”.
Dans le cas contraire, inutile d’ajouter des traitements “de confort”ou pour montrer que l’on a fait quelque chose : le propriétaire n’a pas absolument besoin de voir une piqûre ou de repartir avec une prescription en fin de consultation, pourvu qu’il comprenne la réalité de la situation.
Ce besoin pour le propriétaire de comprendre la situation est d’autant plus important qu’il est très attaché à son animal, et cet attachement est tout à fait similaire à celui qu’un parent éprouve pour son enfant2. Or, ces propriétaires attachés seront nos clients les plus assidus…
Il nous arrive de penser qu’un propriétaire se montre envahissant, exigeant, tatillon, râleur, demandeur, voire mauvais payeur, etc. Il appelle souvent la clinique, est bavard, pose des questions, fait ses propres diagnostics, précise qu’il est allé sur Internet, se vexe pour un rien…
Nous pestons contre ce type de comportement qui nous exaspère. Pourtant, ce propriétaire est une perle ! Il s’agit, dans la plupart des cas, d’un propriétaire très attaché à son animal, “aux petits soins”, et la seule émotion, ou presque, qu’il exprime est l’inquiétude3. Autrement dit, le rassurer (dans la mesure du possible) et lui faire comprendre notre démarche devraient être les principaux objectifs lors d’une consultation. Lui fournir des explications et le laisser se débrouiller avec le jargon professionnel ne suffira pas… Dans ce cas, il est préférable de lui laisser une place suffisante pour qu’il puisse s’exprimer sans filtre, et ainsi arriver à un niveau de connaissances communes et partagées concernant l’état de santé de son animal.
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1 Kurtz et Silverman, 1996.
2 Berryman, Howells et Lloyd-Evans, 1984.
3 Fournel, 2019.
PROCESSUS DE COMMUNICATION LORS D’UNE CONSULTATION