Tuberculose bovine : la Dordogne souhaite aller plus loin - La Semaine Vétérinaire n° 1833 du 06/12/2019
La Semaine Vétérinaire n° 1833 du 06/12/2019

MALADIE RÉGLEMENTÉE

PRATIQUE MIXTE

L'ACTU

Auteur(s) : CLOTHILDE BARDE  

Alors que dans le département de la Dordogne les moyens de lutte et de prévention contre la tuberculose bovine commencent à porter leurs fruits, le comité de pilotage du dispositif départemental de surveillance, d’assainissement et prévention de la tuberculose bovine (COPIL) vient d’annoncer un renforcement des mesures pour la prochaine campagne de prophylaxie 2019-2020.

L’échange parcellaire pour lutter contre la tuberculose bovine. » Voici l’une des mesures novatrices qui devrait être expérimentée en Dordogne lors de la campagne de prophylaxie 2019-2020 qui vient de débuter. Franck Martin, chef du service santé protection animales de la DDCSPP 241, espère ainsi un progrès car, si la France est considérée officiellement indemne de la maladie, la situation épidémiologique est préoccupante en Dordogne depuis plusieurs années. Comme annoncé lors de la dernière réunion du comité de pilotage du dispositif départemental de surveillance, d’assainissement et de prévention de la tuberculose bovine (COPIL)2, qui s’est tenue le 13 novembre, « le niveau de prévalence intracheptel, témoin de la circulation bactérienne dans les élevages, est resté en 2019, comme les deux années précédentes, supérieur à 1 % (1,65 %). » 3

Un résultat « encourageant »

Toutefois, la situation s’améliore. Ainsi, comme l’a noté Franck Martin, « en dépit d’une pression de dépistage en nette augmentation par rapport à la précédente campagne : + 45 % de bovins soumis au test d’intradermotuberculination comparative, soit une assiette de dépistage de 120 000 bovins (au lieu de 95 000 en 2017), le nombre de foyers mis en évidence l’année passée à la même époque était sensiblement supérieur (respectivement 31 et 30 foyers en 2017 et 2018). » Cette année, avec 19 foyers (dont sept dans des exploitations ayant un lien épidémiologique avec un foyer de tuberculose, dix dans le cadre de la surveillance prophylactique habituelle et un découvert à l’abattoir), la Dordogne se classe d’ailleurs derrière les Pyrénées-Atlantiques, qui dénombrent 23 foyers. Ce résultat est jugé « encourageant » par le chef de service, même si, parmi ces “nouveaux” foyers périgourdins, plusieurs sont des récidives d’élevages anciennement infectés.

Des mesures de lutte renforcées

C’est la raison pour laquelle, pour compléter le plan de lutte contre la tuberculose bovine 2017-20224, des mesures d’assainissement et de biosécurité avaient déjà été mises en place cette année (plan d’action 20195) (encadré page 36). Et ces dernières seront encore renforcées pour la campagne de prophylaxie 2019-2020 (encadré ci-contre). « La campagne à venir sera aussi sous très haute surveillance, on ne va pas crier victoire trop vite ! précise Franck Martin. Pour que cette situation perdure, le suivi des taux de déclaration, qui a diminué de 12 % cette année, passant de 0,47 % de déclarations à 0,4 %, est un point de vigilance. La surveillance, premier des piliers de la lutte, doit être la plus exhaustive et homogène possible. » L’objectif final est que la prévalence soit minimale au 31 décembre 2019 avec « seulement 5 à 7 cheptels en cours d’assainissement en fin d’année (par rapport aux 20 de l’an dernier). »

Une « pression de régulation » sur les blaireaux

Mais ce n’est pas tout, les résultats du dispositif d’épidémiosurveillance Sylvatub6 avaient révélé, en 2018, que sur les 477 blaireaux piégés dans le département, qui ont fait l’objet de prélèvements pour analyses dans un rayon de 6 km autour des foyers, 30 étaient infectés7. Ces résultats appellent donc « à maintenir la pression de régulation sur cette espèce en zones infectées », concluent les experts. D’ailleurs, des études sont en cours pour déterminer le rôle épidémiologique d’autres espèces sauvages comme le renard. De plus, comme l’indique Maria-Laura Boschiroli, responsable du laboratoire national de référence tuberculose, des travaux de l’Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses) sur le séquençage de génomes des différentes souches de Mycobacterium bovis devraient bientôt apporter des résultats prometteurs pour modéliser sa transmission dans le contexte de transmission multihôte (bovins-faune sauvage), mais aussi apporter des éléments afin d’élucider l’origine des foyers et ainsi aider à la gestion sanitaire. Enfin, « face aux récidives de cas en élevages, jugées très préoccupantes, car nous soupçonnons que ce soient des recontaminations et non des résurgences, des questions se posent » indique Franck Martin. Sont-elles dues à un assainissement insuffisant ou à la circulation de la mycobactérie dans le milieu ? Certaines études ont d’ores et déjà montrées le rôle “hôte” des amibes hébergées dans les biofilms des abreuvoirs en milieu infecté. Leur rôle potentiel dans la transmission de la maladie reste à démontrer, mais il est très difficile de mettre en culture des extraits sur ce type de matrice.

1Direction départementale de la cohésion sociale et de la protection des populations de la Dordogne.

2 Le Copil réunit autour du préfet, des représentants de la Chambre d’agriculture, des syndicats agricoles, des éleveurs, des vétérinaires sanitaires, du groupement de défense sanitaire (GDS), des abattoirs et de la fédération départementale des chasseurs.

3 bit.ly/33pbdPj

4 Instruction technique DGAL/SDSPA/2018-598 du 6/8/2018 Modalités techniques et financières de mise en œuvre de la campagne de surveillance de la tuberculose bovine 2018-2019 (bit.ly/2DBmP7D).

5 bit.ly/2L2YFa3

6 plateforme-esa.fr/node/35789

7 bit.ly/2DlJeFP

ENTRETIEN AVEC FRANCK MARTIN 

« LE DÉPARTEMENT VA MENER UNE EXPÉRIENCE INÉDITE »

Quelles sont les nouvelles mesures pour la prochaine campagne de prophylaxie 2019-2020 en Dordogne ?
Outre la surveillance annuelle de tous les bovins du département âgés de 18 mois et les nombreuses mesures de biosécurité mises place en élevage (désinfection de l’abreuvoir deux fois par an, par exemple), pour la prochaine campagne, on abaissera la surveillance à l’âge de 12 mois dans 24 cheptels ciblés. Ainsi, au regard de leur lien épidémiologique très forts avec des foyers de tuberculose chez des bovins ou des blaireaux, ou de leur situation épidémiologique au cours des trois précédentes campagnes, une intradermotuberculination comparative (IDC), ainsi que des tests interférons (IFN) en série seront réalisés sur ces animaux. Il est très important de considérer l’historique épidémiologique de l‘élevage, car nous avons observé des phénomènes d’anergie. Ainsi, nous avons eu le cas d’un bovin avec des IDC négatives à sept reprises et sept sérologies négatives, mais qui présentait à l’abattoir de très nombreuses lésions de tuberculose. Il ne s’agit pas d’une légende ! Ces cas existent et peuvent passer inaperçus lors de phases de surveillance, notamment s’agissant d’animaux en déficit immunitaire. Pour éviter de tels phénomènes, nous testons également dans le département, depuis janvier, le “déstockage”, qui consiste à éliminer tous les animaux à risque à la suite de la découverte d’un cas index, et ce avant de lancer le premier test de dépistage. On facilite alors l’assainissement. Enfin, une expérience inédite va être menée avec la Société d’aménagement foncier et d'établissement rural (Safer). Il s’agit d’une forme de préemption sanitaire sur deux ans pour éviter l’éclatement parcellaire. Sur la base du volontariat des éleveurs, la Safer étudiera les différents acheteurs pour un même terrain et privilégiera celui dont l’achat favorise la biosécurité dans l’élevage.

Quel message souhaitez-vous faire passer aux éleveurs et aux vétérinaires ?
Il est essentiel de maintenir la mobilisation de tous les acteurs pour espérer faire reculer cette maladie qui pénalise nos éleveurs et mobilise nos vétérinaires. L’administration ne peut, à elle seule, régler ce problème. Les éleveurs, comme les vétérinaires, doivent continuer à nous suivre dans ce combat, même si le contexte est difficile. Dans notre département, cette année, trois cabinets vétérinaires ont arrêtés l’activité rurale et 100 cheptels se retrouvent actuellement sans vétérinaire sanitaire ! Il faut rester vigilant sur tous les fronts. Des travaux de la CGAEER sont notamment en cours pour établir un diagnostic et identifier des solutions à ce problème de désertification des campagnes…

propos recueillis par Clothilde Barde

DISPOSITION DU PLAN DE LUTTE 2017-2022 EN DORDOGNE

Afin de lutter contre la tuberculose, le département est classé comme zone à prophylaxie renforcée (ZPR). Pour améliorer la sensibilité du dispositif de surveillance et renforcer les mesures de prévention (biosécurité), la surveillance se fait en utilisant exclusivement l’intradermotuberculination comparative (IDC) à un rythme annuel sur tous les élevages et sur tous les bovins âgés de plus de 18 mois.