ÉLEVAGE
ACTU
Auteur(s) : CLOTHILDE BARDE
Face aux diverses problématiques soulevées par le bien-être des animaux d’élevage (sociale, économique, politique, culturelle et environnementale), le Conseil économique, social et environnemental (Cese) a présenté, le 27 novembre, ses recommandations dans un avis intitulé Les Enjeux relatifs aux conditions d’élevage, de transport et d’abattage en matière de bien-être animal .
Les débats suscités au sujet du bien-être animal (BEA) mettent en lumière une crise systémique dont l’évolution des modes de production, la dégradation des rapports sociaux, le réchauffement climatique et l’atteinte à la biodiversité sont les marqueurs. » Face à ce constat, le Conseil économique, social et environnemental (Cese), qui avait été saisi le 23 octobre 2018 par le gouvernement, vient de rendre ses préconisations pour « opérer une profonde transition écologique et solidaire », dans un avis présenté le mercredi 27 novembre1.
Avec les modes de vie et les connaissances scientifiques qui évoluent, les relations singulières qu’entretiennent les êtres humains avec les animaux se sont profondément transformées au fil du temps. En effet, comme l’ont indiqué les rapporteures de l’avis du Cese, Anne Garreta et Marie-Noëlle Orain, « la prise de conscience qu’un animal n’est pas un produit, mais un être sensible a érigé le bien-être des animaux d’élevage en véritable sujet de société ». En parallèle, une nouvelle approche du bien-être des animaux d’élevage, baptisée One Welfare (“un seul bien-être”), qui considère que le bien-être des premiers est étroitement lié à celui de ceux et celles qui s’en occupent durant leur vie et interviennent lors de leur mort, a émergé très récemment. Avec ce concept, outre le BEA et celui des différents acteurs de l’élevage, le respect des consommateurs, de la biodiversité et de l’environnement est également en jeu.
C’est pourquoi il semblerait que « des transitions soient indispensables dans les filières animales et dans les territoires (méthodes d’élevage, de transport et d’abattage) », constate le rapport du Cese. Elles exigent la mobilisation et la responsabilisation de tous les acteurs des filières, mais aussi des consommateurs. Or, « plus qu’une contrainte, il s’agit d’un atout potentiel pour les éleveurs et les salariés, mais aussi plus largement pour la société », ajoute-t-il. En effet, l’industrialisation qui s’est progressivement installée pour une recherche accrue de productivité a eu des conséquences négatives sur les plans à la fois sanitaire (sélection génétique menée au détriment des caractères fonctionnels), territorial (régionalisation des types de production), climatique et environnemental, mais aussi sur la santé physique et psychologique des salariés et des éleveurs (conditions de travail).
Le Cese recommande que, par conséquent, à l'échelle de l’élevage, notamment, « les plans de filières 2 accompagnent les transitions à réaliser et que tous les cahiers des charges des produits sous signe officiel de qualité et d’origine (…) aient un haut niveau d’exigence en terme de BEA ». De plus, face à la disparition progressive de nombreux abattoirs publics au profit de grandes structures privées concentrées dans certaines régions et à la dégradation des conditions de transport des animaux (temps, densité, etc.), des évolutions sont envisagées. Ainsi, outre la construction d’abattoirs de proximité pour un maillage territorial mieux équilibré, des solutions alternatives comme la mise en place d’abattoirs mobiles ou de caissons d’abattage aux conditions sanitaires contrôlées, actuellement expérimentée (décret d’application3 de la loi Égalim4), pourraient être envisagée, selon le Cese. Par ailleurs, le rapport incite à renforcer la réglementation relative au transport d’animaux vivants, ainsi que les contrôles (limitation des durées de transport par camion à 8 heures au total sur l’ensemble du territoire de l’Union européenne [UE] et amélioration des conditions de transport par bateau).
D’ailleurs, la réglementation et les politiques publiques concernant le bien-être des animaux en élevage, à l’abattoir et lors du transport, devraient évoluer, ajoute le Cese. Ainsi, au niveau européen, pour toutes les filières, la mesure d’indicateurs garantissant le BEA centrés sur l’animal devrait être obligatoire en élevage. Ensuite, à l’abattoir, l’étourdissement (ou l’“étourdissement réversible”, lors d’abattage rituel) devrait être obligatoire et harmonisé au sein de toute l’UE. Dans le même temps, afin de « veiller à une application stricte de la réglementation relative au BEA, en France et au sein de l’UE », le conseil recommande aussi de renforcer les contrôles « grâce à la création d’emplois publics (en particulier de postes d’inspecteurs de la santé publique vétérinaire) et grâce au recours à la contractualisation avec des vétérinaires libéraux pour les contrôles publics et/ou indépendants ». Les inspections en élevages (surveillance des animaux, bâtiments adaptés et entretenus, conduite d’élevage appropriée), ainsi que l’inspection sanitaire en abattoir devraient ainsi être plus nombreuses. Enfin, pour financer cette hausse des effectifs, le Cese envisage d’instaurer des redevances sanitaires payées par les abattoirs, déjà mises en place dans certains pays.
En parallèle, au-delà de la répression, des récompenses pourraient également être attribuées aux élevages vertueux « respectueux des animaux, des hommes, des milieux naturels et du climat », indique le rapport. Ainsi, le versement de la politique agricole commune (PAC) devrait y être conditionné et des systèmes de paiements pour services environnementaux (PSE) ou e
coschemes
permettraient de récompenser financièrement le respect d’un niveau de BEA en élevage (présence de prairie ou accès au plein-air pour les porcs ou les volailles, par exemple) supérieur aux standards européens. D’ailleurs, ces mesures contribueraient à améliorer le dialogue entre les fonctionnaires d’État et les différents opérateurs, selon Anne Garreta. Et pour cause, ces métiers (abattoir, transport, etc.) souffrent actuellement d’une forte « dévalorisation sociale
». Une piste évoquée pour les promouvoir serait de compléter la définition du BEA de l’Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses) de 20185 par une mention portant sur le respect de conditions de vie et de travail satisfaisantes et la préservation de l’environnement. Enfin, dans un objectif de One Welfare, les travaux actuels des chercheurs devraient se concentrer sur la recherche de nouveaux modes d’élevage (bâtiments, entre autres) et de techniques d’abattage (isolation phonique, éclairage tamisé, etc.) plus respectueux du BEA et de l’environnement, tout en améliorant les conditions de travail des salariés (pénibilité, suivi psychologique et protection juridique). De même, le rapport insiste sur l’importance de « rendre visible auprès des citoyens-consommateurs, les enjeux socioéconomiques, environnementaux, climatiques et territoriaux relatifs au maintien et au développement de
formes vertueuses
d’élevage
». Pour cela, à l’instar de l’initiative Étiquette bien-être animal6, un étiquetage contrôlé et clair des conditions d’élevage, de transports et d’abattage des animaux, de la viande brute ou intégrée dans les plats cuisinés, devrait être généralisé. Au total, il s’agit donc de 21 préconisations qui ont été remises par le Cese et à l’issue de la séance plénière du 27 novembre dernier, l’avis a été adopté avec 156 voix pour, 3 contre et 1 abstention.
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