Des vétérinaires mobilisés pour dénoncer leurs conditions de travail - La Semaine Vétérinaire n° 1834 du 13/12/2019
La Semaine Vétérinaire n° 1834 du 13/12/2019

ESPAGNE

ACTU

Auteur(s) : BÉNÉDICTE ITURRIA 

Plus de 3 000 vétérinaires espagnols sont descendus, le 17 novembre, dans les rues de Madrid pour protester contre le manque de reconnaissance sociale et institutionnelle de leur profession.

La manifestation, qui a réuni 3 000 vétérinaires le 17 novembre à Madrid (Espagne), avait pour objectif, entre autres, de revendiquer le rôle majeur des vétérinaires en matière de santé publique et l’importance du concept One Health. Selon la loi n° 44/2003 du 21 novembre relative au classement des professions de santé en Espagne, la médecine vétérinaire est définie comme l’une d’entre elles, au même niveau que la médecine humaine ou la pharmacie. Mais dans la pratique, ce caractère sanitaire n’est pas reconnu comme tel et la majorité des vétérinaires travaillant dans le pays le font dans des conditions de précarité, de pression fiscale excessive et souvent avec un manque de considération. Le 5 novembre, la Fédération d’État des syndicats vétérinaires (Fesvet), qui a accepté de coordonner l’événement, ainsi que les autres organisateurs avaient préalablement tenu une conférence de presse au siège du Conseil général des collèges vétérinaires d’Espagne. Leur objectif était d’inciter le gouvernement à reconnaître véritablement la profession vétérinaire comme faisant partie du système national de santé, en les mettant sur un pied d’égalité avec les pharmaciens ou les médecins.

Un manifeste résumant le malaise

Le cortège s’est formé à la très symbolique Puerta del Sol et a battu le pavé en scandant des slogans tels que « les vétérinaires sont des professionnels de santé », brandissant des pancartes “Nous sommes vétérinaires, nous sommes des professionnels de santé et nous prenons soin de ta santé”, “Un monde, une santé” ou encore “Un travail digne pour une vétérinaire digne”. La marche s’est achevée devant le ministère de la Santé où des représentants ont lu un manifeste1 résumant leur malaise et leurs revendications. Les confrères ont ainsi exprimé le ras-le-bol du « mépris, de l’invisibilité et du manque de respect pour le vétérinaire en tant qu’autorité de santé ». Ils ont déclaré : « Nous sommes les professionnels qui font en sorte que nos animaux domestiques ne puissent pas transmettre de maladies infectieuses à l’homme et à la faune sauvage, évitant ainsi de graves épidémies… Aujourd’hui, nous réitérons que, sans plus de soutien et plus de vétérinaires pour éviter les crises alimentaires et sanitaires telles que celles générées ces derniers mois, des cas de listériose ou de botulisme se reproduiront… Les vétérinaires sont essentiels, car notre fonction de santé implique les animaux, mais aussi toute la société et l’environnement. Par conséquent, nous demandons que nos droits, tout comme nos obligations, soient non seulement inclus dans une loi, mais que celle-ci devienne effective. »

Une responsabilité inconnue de tous

Natalia Sanders, une vétérinaire présente à la manifestation a résumé au quotidien 20 Minutos la situation souvent précaire de la profession : « Nous touchons des salaires ridicules, souvent inférieurs au salaire minimum et nous avons une responsabilité évidente en matière de santé publique, animale et de sécurité alimentaire, totalement inconnue de tous. Nous sommes des professionnels de santé oubliés et discrédités. La pratique en clientèle est dénigrée. L’idée persiste selon laquelle nous soignons les animaux parce que c’est notre vocation et que, par conséquent, nous ne méritons pas de facturer nos actes. Je ne paie pas mes factures avec ma vocation, mais avec de l’argent. On nous traite de voleurs pour avoir facturé des prix complè tement symboliques. L’investissement dans le matériel, l’énergie, les études, le temps passé, les nuits sans sommeil, être confronté aux propos injurieux des propriétaires, les heures supplémentaires non facturées pour soigner un animal domestique ne sont pas récompensés. De plus, il y a très peu de postes de fonctionnaires vétérinaires ouverts ». L’un des organisateurs de la manifestation, Diego Villalaín, a aussi illustré le manque de considération des vétérinaires par la société et les institutions avec ces mots : « À l’heure actuelle, des personnes qui obtiennent une maîtrise en qualité des aliments sont embauchées pour des postes qui devraient être réservés aux vétérinaires. Cela supprime de nombreux emplois pour nous, alors que nous sommes les mieux qualifiés pour y prétendre. »

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LA PROFESSION EN ESPAGNE

L’Espagne compte actuellement 33 207 vétérinaires agréés, parmi lesquels 30 530 sont actifs. 49,5 % sont des femmes. 58 % exercent en clientèle (toutes espèces confondues), 12 % en entreprise, 21 % dans les différentes administrations publiques et 9 % sont sans emploi. La profession vétérinaire est encore “jeune", selon la pyramide des âges, le taux de retraite reste très bas, de 2 à 3 %, soit une perte pour la profession d’environ 400 vétérinaires tous les ans. Environ 1 200 nouveaux diplômés se retrouvent sur le marché du travail chaque année, alors que les différents secteurs qui embauchent des vétérinaires ne génèrent approximativement que 600 emplois par an.