DOSSIER
Auteur(s) : TANIT HALFON
Face aux évolutions des modes organisationnels des cliniques vétérinaires, des consultants indépendants proposent de mettre leurs compétences au service de la gestion d’entreprises. Organisation du travail, des ressources humaines, de la visibilité numérique voire définition des orientations stratégiques, les services qu’ils proposent répondent aux nouveaux besoins des praticiens.
Dans la famille vétérinaire, je demande… le consultant en gestion d’entreprise !« Quand je me suis lancée en 2010, nous n’étions que quelques-uns », raconte Hélène Villarroya, de la société Adevet, qui accompagne les entreprises vétérinaires. Depuis, la famille s’est agrandie. Si aucune donnée chiffrée n’existe, un rapide tour d’horizon fait apparaître une dizaine de structures consacrées spécificiquement à la profession. Gestion du personnel, organisation du temps de travail, développement de l’activité, visibilité numérique… Les services proposés sont multiples et répondent à une demande croissante d’un secteur de plus ou plus ouvert à cette forme d’aide. « Les praticiens se rendent compte qu’aborder la gestion d’entreprise permet d’améliorer les conditions de travail et l’efficacité. La conséquence est souvent l’amélioration de la qualité de la prise en charge des “patients” », explique Jean-Philippe Duval, qui, avant de se lancer dans l’activité avec Vetaction Conseil, avait officié en tant que consultant d’entreprise chez Pfizer. Même constat pour Hélène Villarroya : « Je note un changement dans la nature de la demande. Avant, les praticiens me sollicitaient pour résoudre un problème urgent, comme une baisse de chiffre d’affaires, maintenant, ils sont plus dans l’anticipation et la construction. » Pierre Mathevet, consultant d’entreprise et président de la société Tirsev, tournée vers la santé animale, indique : « L’augmentation de la taille des entreprises, les difficultés de recrutement, les exigences des jeunes générations, tout cela génère beaucoup de questions. » À cette prise de conscience s’ajoute le fait que les praticiens sont plus enclins à payer ce service. « Au départ, ils m’appelaient pour savoir s’il existait des moyens de se faire financer. Aujourd’hui, ils paient, souligne Hélène Villarroya. Beaucoup de conseils gratuits étaient auparavant proposés par des laboratoires, ce service était donc perçu comme gratuit. Désormais, le praticien se rend compte de la vraie valeur apportée et de la nécessité du besoin d’accompagnement. » À hauteur de leurs moyens. « Dans le milieu vétérinaire, le budget consacré à la communication reste encore très en dessous d’autres secteurs, précise Jean-Philippe Duval. Cela représente moins de 1 % de leur chiffre d’affaires quand ce pourcentage monte à 5 ou 6 %, voire beaucoup plus, pour d’autres types d’entreprises. »
« Les vétérinaires ont l’intuition ou la connaissance des problèmes, mais ne savent pas comment les aborder. Ils me disent qu’ils ont besoin de quelqu’un pour les aider à sortir du brouillard », souligne Jean-Philippe Duval. Pas facile de mener de front une activité médicale stricto sensu et la direction du “bateau entreprise”. « Chez les vétérinaires, une problématique réelle et permanente est le manque de temps, constatent les associés d’ADN Vet Conseil, Christian Pena et Mathieu Buonavita, eux-aussi des anciens de l’industrie de la santé animale. L’idée est donc d’essayer d’amé liorer l’organisation interne afin de mieux raisonner leur activité. » En outre, l’augmentation de la taille des structures vétérinaires complique l’exercice de gestion et révèle souvent des problématiques organisationnelles. « À partir de 15 personnes, on le constate, note Jean-Philippe Duval. Un exemple type est celui de l’auxiliaire spécialisé vétérinaire (ASV) qui est tout le temps dérangé par des appels téléphoniques à l’accueil. Alors qu’il suffit d’installer un poste téléphonique en arrière-boutique, avec un standardiste qui pourra aussi s’occuper du courrier, du planning… permettant à tous les autres de se libérer du temps. Une action simple à mettre en place, mais qui peut changer la vie des gens. » Dans ces grosses structures apparaît aussi clairement l’importance de la gestion d’équipe. Une thématique chère à Pierre Mathevet : « Je constate que les outils de relations interpersonnelles, si importants dans le management comme dans la relation client, manquent aux vétérinaires. » Or, « un vétérinaire et un ASV, c’est déjà une équipe », précise-t-il. Les praticiens peuvent aussi avoir des demandes plus stratégiques, comme la valorisation des services de la clinique ou l’amélioration de leur visibilité. Si elles varient d’une structure à l’autre, elles traduisent un besoin d’accompagnement. « La lecture d’un rapport d’audit met en évidence des choses pressenties, mais pour faire la différence, il faut passer de la prise de conscience à la réalisation, explique Jean-Philippe Duval. L’accompagnement permet de s’assurer que les recommandations sont suivies et qu’elles étaient pertinentes. » « J’ai une approche de coaching, la demande des structures est un accompagnement dans la durée », argue, pour sa part, Pierre Mathevet. Pour mieux répondre aux attentes, les associés d’ADN Vet Conseil indiquent qu’ils ont développé des offres “distancielles” : « Le client peut nous solliciter en permanence et avoir accès à l’arsenal de ressources dont nous disposons. »
Avec l’évolution des modes d’organisation des cliniques vétérinaires, l’image du binôme une clinique-un consultant se complexifie. Si les structures de grande taille peuvent avoir internalisé certaines compétences – « à partir de 3 à 4 millions de chiffres d’affaires, il est impossible de s’en passer », indique d’ailleurs Jean-Philippe Duval –, le consultant externe a toujours sa place. « Nous accompagnons les managers de clinique, associés ou responsables des ressources humaines dans la réalisation d’un état des lieux objectif des forces de leur équipe. Puis, nous les aidons à programmer et à animer des réunions d’équipe efficaces », précise les associés d’ADN Vet Conseil. Pour eux, il est nécessaire d’avoir des rôles clairement définis et l’apport d’un œil extérieur permet d’avoir « une vision globale, réelle et un référentiel en matière de bonnes pratiques ». « Les cliniques peuvent avoir des managers pour gérer l’opérationnel, qui peuvent eux-mêmes avoir besoin de solutions pour les aider et parfois aussi vouloir un accompagnement pour des réflexions plus stratégiques. Ce sont des interlocuteurs privilégiés », indique, quant à elle, Hélène Villarroya. Initialement réservés aux achats groupés, les groupements d’intérêt économique (GIE) diversifient leurs offres de services, et dans ce cadre peuvent aussi faire appel aux consultants, comme l’explique Jean-Philippe Duval. « Depuis quatre à cinq ans, des GIE font une force de leur union pour se former, en organisant des sessions qui n’auraient pas été à la portée financière d’une petite structure. Ça fonctionne bien. » « Je travaille avec plusieurs GIE dans la durée, à différents niveaux, le premier étant la formation », confirme Pierre Mathevet. Les GIE sont aussi particulièrement friands de solutions en stratégie, comme l’indiquent les associés d’ADN Vet Conseil : « Nous intervenons davantage en amont sur des orientations stratégiques pour les aider à mieux se différencier et démarquer des autres. »
Cette évolution du paysage vétérinaire ne modifie pas les offres d’ADN Vet conseil, « car nous restons à l’écoute des évolutions du marché, des comportements des propriétaires, des adaptations choisies par les praticiens pour la prise en charge des cas.
» Cela peut même créer de nouvelles opportunités, comme le constate Jean-Philippe Duval à propos des GIE : « Elles sont intéressantes, car certaines de mes actions peuvent être mutualisées. De plus, les vétérinaires qui adhèrent à ces groupements sont généralement plus ouverts aux questions relatives à la gestion d’en
treprise.
» « Les nouvelles organisations ne changent pas foncièrement mon travail, qui repose toujours sur l’accompagnement des cliniques, souligne Hélène Villarroya. La différence réside dans le fait qu’il faut coconstruire des outils qui servent à l’ensemble du groupe, et que chaque clinique puisse l’intégrer à sa pratique en tenant compte de ses propres contraintes.
» Mais elle ajoute : « Certaines organisations fonctionnent plutôt sur un mode descendant.
» Dans ce cas, le principe est de développer une méthode et de la reproduire à l’infini, mais ça ne tient pas forcément compte de la nature de l’équipe. «
Il est possible que, financièrement, cela soit mieux, et que ça puisse convenir à certains vétérinaires, mais cela ne respecte pas l’équilibre de la structure. Apporter une recette à laquelle il faut adhérer, pour moi, ce n’est pas du conseil.
» De l’avis de tous, le consultant extérieur a donc toujours sa place. «
Aujourd’hui, ce besoin de professionnalisation et de gain d’efficacité sur la gestion d’entreprise est valable pour toutes les cliniques, en particulier celles dans un environnement concurrentiel, assure Hélène Villarroya. Il y a des praticiens qui iront chercher des solutions toute faites, comme celles que proposent les réseaux. D’autres préféreront développer leur propre méthode. C’est un choix.
»
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