Les examens complémentaires attirent un auditoire record - La Semaine Vétérinaire n° 1834 du 13/12/2019
La Semaine Vétérinaire n° 1834 du 13/12/2019

CONGRÈS DE L’AFVAC

PRATIQUE CANINE

L'ACTU

Auteur(s) : GWENAËL OUTTERS, AVEC MYLÈNE PANIZO  

Quel que soit le domaine d’exercice, les examens complémentaires font partie du quotidien du praticien, mais sait-il les choisir, les réaliser, les interpréter et les valoriser correctement ? L’objectif du congrès 2019 de l’Afvac était de répondre à ces questions en apportant une expertise scientifique, mais aussi des conseils concrets. Avec une affluence inédite, il a permis de remettre les examens complémentaires à leur juste place, en insistant sur le rôle central du praticien à chaque étape de la prise en charge de l’animal.

La Cité internationale de Lyon a accueilli pour la quatrième fois le congrès de l’Association française des vétérinaires pour animaux de compagnie (Afvac.) Il s’est tenu du jeudi 28 au samedi 30 novembre pour les vétérinaires et les deux derniers jours pour les auxiliaires spécialisés vétérinaires. Dès l’ouverture, le président de l’Afvac, Jean-François Rousselot, s’est félicité de l’affluence record de cette édition (4 505 congressistes et visiteurs, 2 637 vétérinaires présents). Cette rencontre scientifique était consacrée aux « Examens complémentaires : raisons… et déraison ». Le président du conseil scientifique, Gérard Bartel, a réuni, cette année encore, un parterre de conférenciers de qualité qui ont offert aux congressistes des sujets variés autour de cette thématique principale. Deux innovations organisationnelles ont vu le jour dans cette version 2019 avec l’application du congrès, sur laquelle il était possible de consulter les conférences, les accès aux salles et un certain nombre d’informations pratiques, ainsi qu’un espace restauration.

Cibler les examens pour limiter les erreurs

Ce congrès articulé autour des examens complémentaires a manifestement séduit les congressistes. En effet, depuis plusieurs années, ces examens sont de plus en plus nombreux, précis, performants, spécialisés et suscitent la fascination. Ils aident la pratique quotidienne, du diagnostic à la prévention, en passant par le suivi thérapeutique, mais peuvent parfois entraîner des erreurs, par manque de connaissance, absence de données disponibles, extrapolations avec un faible niveau de preuve, ou en raison d’une technique insuffisante, d’erreur d’interprétation ou des particularités de l’animal. Citons, en radiographie, le défaut du nombre d’incidences qui masque une anomalie ou les particularités du bouledogue avec son large médiastin ; en échographie, l’effet d’ombre de bord qui mime une rupture de la vessie ; au cours d’un scanner, lors d’obtention d’une image de masse hyperdense dans l’encéphale, l’impossibilité de différencier un accident vasculaire cérébral hémorragique d’une tumeur qui a saigné (Laurent Couturier, praticien à Cagnes-sur-mer, dans les Alpes-Maritimes). La connaissance de leur utilité mais aussi de leurs limites et biais est une condition indispensable pour éviter les errances diagnostiques. Les examens les plus sophistiqués ne sont pas toujours les plus pertinents. Il est nécessaire de toujours prendre du recul sur les résultats et de garder un esprit critique, l’interprétation des données se faisant systématiquement en lien avec la situation clinique de l’animal. C’est avant tout l’expertise du vétérinaire qui permet d’établir un bon diagnostic et un plan thérapeutique adapté. Ce challenge inclut aussi les propriétaires, qui doivent bénéficier d’une explication claire et objective des examens pratiqués afin de recueillir leur consentement éclairé. Enfin, les investissements dans de nouveaux outils pour les vétérinaires doivent être justes, justifiés et rentables. Ainsi, les conférenciers de toutes disciplines ont aidé à comprendre les concepts qui ont généré ces erreurs pour valoriser à bon escient les examens complémentaires à tous les niveaux : choix, réalisation, interprétation et justification.

La clinique prime toujours

L’ensemble des experts ont rappelé avec bienveillance l’importance de l’examen clinique et de choisir les examens complémentaires appropriés à la recherche de la confirmation des hypothèses cliniques et étiologiques. Par exemple, les dermatologues ont réinsisté sur le fait que la discipline était essentiellement clinique et que des examens complémentaires en batterie ne pouvaient être bénéfiques. Éric Guaguère (praticien à Lomme, dans le Nord) a ainsi présenté plusieurs cas (dermite pyotraumatique versus folliculite bactérienne, urticaire versus folliculite bactérienne, teigne versus pyodermite superficielle centrifuge) illustrant l’importance de la description clinique lésionnelle et la valorisation d’outils simples et primordiaux que sont les calques et les raclages cutanés. En urologie, Christelle Maurey, maître de conférences à l’École nationale vétérinaire d’Alfort (ENVA), est revenue sur l’importance du suivi du poids d’un animal en insuffisance rénale chronique. La diméthylarginine symétrique (SDMA) est un outil très intéressant dans la recherche précoce d’une insuffisance rénale, indépendant de la masse musculaire, mais son évolution n’est pas corrélée à l’évolution de la créatinine plasmatique et son bénéfice par rapport à la créatinine lors de poussée d’insuffisance rénale aiguë (IRA) chez le chat reste à prouver. Concernant les coproscopies à la recherche de parasites responsables de bronchopneumopathies, il est nécessaire de réclamer les deux méthodes de recherche (Baermann et sulfate de zinc) sur trois prélèvements à trois jours d’intervalle. Malgré ces précautions, ces tests, qui sont opérateurs-dépendants, présentent de nombreux faux négatifs (Mario Cervone, résident en médecine à VetAgro Sup). Le dosage des lactates est un indicateur de sévérité lésionnelle important, mais présente une fiabilité variable pour prédire une mortalité et ne doit pas être le seul outil de décision d’euthanasie (Maxime Cambournac, praticien à Arcueil, dans le Val-de-Marne). L’épreuve thérapeutique est parfois plus judicieuse que de nombreux examens. À titre d’exemple, l’utilisation de fenbendazole (50 mg/kg/j pendant 10 à 14 jours) doit apporter une réponse positive rapide en cas de suspicion de bronchopneumopathie parasitaire (Émilie Krafft, maître de conférences à VetAgro Sup) ou l’administration de furosémide (5 mg/kg) doit rapidement améliorer un œdème cardiogénique (Vassiliki Gouni, praticienne à Vélizy-Villacoublay, dans les Yvelines).

Établir des données biologiques de référence propres à chaque animal

En matière de prévention, de bilan de santé d’un animal sain, à anesthésier ou vieillissant, les orateurs (Cindy Chervier, praticienne à Marseille, dans les Bouches-du-Rhône, Benoît Rannou, responsable du Laboratoire Azurvet-Lab, Patrick Verwaerde, professeur à l’ENVA, Claude Muller, praticienne à Lomme) ont également fait la part belle à l’examen clinique et à la nécessité d’adapter les examens complémentaires à l’animal. Par exemple, la mesure de l'activité. des phosphatases alcalines (Pal) et des alanines aminotransférases (Alat), marqueurs lésionnels, n’ont aucune utilité en bilan préanesthésique, il sera préféré des marqueurs fonctionnels (acides biliaires, NH3, glycémie, temps de coagulation). Des éléments faciles et peu onéreux comme l’hématocrite et les protéines totales au réfractomètre doivent, en revanche, être systématisés. Cependant, la nécessité d’un bilan anesthésique adapté à l’animal ne doit pas être négociable, mais n’a de sens que s’il fait l’objet d’une prise en charge adaptée. La médecine vétérinaire s’oriente par ailleurs de plus en plus vers une médecine préventive personnalisée : cela concerne le choix des examens complémentaires, mais aussi leurs interprétations. Ainsi, il apparaît judicieux d’établir des valeurs de référence propres à chaque individu en réalisant des bilans sanguins réguliers, afin de pouvoir suivre la cinétique des paramètres mesurés, plutôt que de les comparer à des normes usuelles.

DEUX GROUPES D’ÉTUDE LIVRENT LEUR CONSENSUS

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- Le groupe d’étude en chirurgie orthopédique vétérinaire (Gecov) s’est penché sur le diagnostic de la dysplasie du coude. Celle-ci, première cause de boiterie thoracique du chien, atteint majoritairement les chiens de race de grande taille (labrador, golden retriever, bouvier bernois) en croissance et s’exprime cliniquement vers 5 à 12 mois, deux fois plus chez les mâles, et dans 35 % des cas bilatéralement. Elle regroupe quatre entités : la non-union du processus anconé, la fragmentation du processus coronoïde médial, l’ostéochondrite disséquante de la trochlée humérale et l’incongruence articulaire, les trois dernières formant la “maladie du compartiment médial”.
Un examen orthopédique complet, rigoureux et symétrique est indispensable. La radiographie est l’examen d’imagerie de première intention (malgré sa faible sensibilité) et comprend trois clichés (face, profil standard et profil en hyperflexion). En l’absence de lésion radiographique, le scanner permet une évaluation bilatérale, rapide, non invasive et de forte sensibilité diagnostique. L’arthroscopie, diagnostique et thérapeutique, permet l’évaluation des surfaces articulaires. L’IRM est à privilégier pour l’évaluation des lésions musculo-tendineuses périarticulaires.
- Le groupe d’étude en médecine interne (Gemi) s’est, quant à lui, intéressé à l’insuffisance rénale chronique. Lors de maladie rénale chronique chez le chat, le diagnostic précoce repose sur l’évaluation lésionnelle (imagerie, perte de poids, protéinurie) et fonctionnelle (urémie, créatininémie et diméthyl-arginine symétrique [SDMA]). Ces marqueurs biologiques sont à interpréter en fonction du contexte clinique et épidémiologique. Le diagnostic précoce permet de rechercher la cause et donc de mettre en place un éventuel traitement étiologique. Il convient de suivre certains paramètres (hypertension artérielle, protéinurie, anomalie du métabolisme phosphocalcique) et de les traiter, d’éviter l’aggravation avec la détection des premiers symptômes et d’inciter à la prudence lors d’utilisation de médicaments néphrotoxiques ou en prévision d’une anesthésie. Lors du suivi chez le chat, l’examen clinique doit à chaque visite comporter une évaluation du score corporel, de la masse musculaire, de son poids, de l’état d’hydratation, une palpation rénale, une prise de la température et un examen du fond d’œil. Les examens complémentaires recommandés sont la mesure de la pression artérielle en début de consultation, un examen biochimique (urée, créatinine, phosphore, calcium total ou si possible ionisé, ionogramme, protéines totales et albuminémie), un taux d’hématocrite, une analyse urinaire avec un rapport protéines urinaires/créatinine urinaire (PU/CU) et du culot urinaire. Il sera demandé au propriétaire de surveiller au domicile le poids, l’appétit, l’apparition de signes digestifs, d’une baisse d’activité ou d’une faiblesse (suggérant une hypokaliémie), d’une perte de vision, d’un changement de comportement, d’une augmentation de la consommation d’eau ou du volume d’urine, d’une modification du comportement mictionnel ou de l’aspect des urines.
Julien Michaut-Castrillo et Laurent Masson

ENBREF


L’AFVAC MET À L’HONNEUR QUATRE PERSONNALITÉS

L’Afvac met à l’honneur quatre personnalités
Les médailles Afvac récompensent des personnalités vétérinaires ou non qui ont contribué à l’évolution de l’association. En 2019, elles ont été décernées à Martine Lennoz (L 74), pour ses actions dans le domaine de la reproduction au sein du groupe d’étude en reproduction, élevage, sélection (Geres), à Charlotte Sandret et Michel Meunier (T 82), qui quittent leurs postes à la communication respectivement chez Boehringer Ingelheim et Hill’s et qui ont été « des interfaces constructives entre l’Afvac et leurs entreprises », et à Patrick Devauchelle (T 74), pour son expertise en cancérologie et la création du groupe d’étude en oncologie (GEO).

VET IN TECH RÉCOMPENSE LES NOUVEAUX DIPLÔMÉS

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Le congrès de l’Afvac a été l’occasion pour le think tank Vet in Tech de remettre son tout premier prix de thèse. L’objectif était double : récompenser une thèse qui permet de faire progresser le numérique en santé animale, mais aussi susciter des vocations. À la clé, un prix plus qu’attrayant : un voyage au prochain congrès CES1 de Las Vegas. Sur 11 candidatures reçues, seules 9 ont été retenues, dont 4 thèses de VetAgro Sup, 2 d’Alfort, 2 de Toulouse et 1 d’Oniris. Et la grande gagnante est Roxane Perrin pour sa thèse intitulée « Émergence de l’intelligence artificielle et utilisation des technologies big data en médecine vétérinaire : importance de la sensibilisation des futurs vétérinaires », consacrée à la révolution numérique et qui en montre l’impact sur la profession. Un deuxième prix “coup de cœur” a été attribué à Marie Tanguy. Cette jeune diplômée a développé, dans le cadre de sa thèse, la première plateforme de mentoring vétérinaire, Louveto2. Un prix qui lui ouvre les portes de l’université du Texas, aux États-Unis, puisque Vet in Tech lui offre une place pour le prochain Veterinary Innovation Summit. Les neuf candidats sont tous invités au prochain congrès e-Vet.

1 Consumer Electronics Show. Ce congrès se tiendra du 7 au 10 janvier prochains.
2 https://louveto.fr.
Tanit Halfon

LES PRIX DE L’INNOVATION

Pour la deuxième année consécutive, l’Afvac a organisé les Prix de l’innovation vétérinaire avec le soutien du Syndicat de l’industrie du médicament et réactif vétérinaires (SIMV). Ils ont été décernés par les vétérinaires pendant le congrès de Lyon.


LE PREMIER PIPRANT VÉTÉRINAIRE RÉCOMPENSÉ

Le premier piprant vétérinaire récompensé
Dans la catégorie “Médicament vétérinaire”, Galliprant® (Elanco), le premier piprant vétérinaire indiqué dans le traitement de la douleur associée à l’arthrose peu sévère à modérée chez le chien, a été largement plébiscité par les congressistes. Deux autres médicaments avaient été sélectionnés pour l’originalité de leur mode d’administration : Eradia® (Virbac), la première forme buvable aromatisée vétérinaire de métronidazole, et Versican® Plus Bb Oral (Zoetis), premier vaccin par voie orale pour la prévention du complexe infectieux respiratoire canin (CIRDC).

DES ALIMENTS ORIGINAUX

Des aliments originaux
Dans la catégorie “Alimentation”, les congressistes ont récompensé l’innovation de Hill’s Prescription Diet® Gastrointestinal Biome (Hill’s Pet Nutrition), un aliment pour la prise en charge des troubles gastro-intestinaux liés aux fibres chez le chien et le chat. Il a par ailleurs reçu un prix spécial du jury. D’autres aliments, qui ont su se différencier par leur originalité, étaient en lice. L’aliment complémentaire Anibidiol® Plus (Virbac), premier aliment complémentaire pour chien et chat combinant huile de chanvre et vitamines B3 et B6, et Purina Pro Plan® Canine NC Neurocare, seul aliment pour chien formulé avec 6,5 % de triglycérides à chaîne moyenne. À noter que Redonyl® Ultra (Dechra), un complément alimentaire qui permet une régulation de l’inflammation et de l’immunité cutanée chez le chien et le chat, figurait aussi dans la sélection.

UNE ATTELLE DE CRYOTHÉRAPIE COMPRESSIVE

Une attelle de cryothérapie compressive
Dans la catégorie “Matériels”, l’attelle de cryothérapie compressive de Novetech Surgery a été primée par le jury. Ce dernier avait été également séduit par Anistrip® Dry et Anistrip® Steam (Anidev), un indicateur de stérilisation, Hematuria Detection by Blücare® (Royal Canin), qui permet de détecter la présence de sang, même microscopique, dans l’urine des chats, et PicoxIA® (PicoxIA), un outil d’intelligence artificielle spécialisé dans l’analyse des radiographies thoraciques.

UN MIEL AUX HUILES ESSENTIELLES

Un miel aux huiles essentielles
Dans la catégorie “Hygiène et confort de l’animal”, Vetramil® (Anidev), premier miel vétérinaire associé à des huiles essentielles de qualité médicale en spray ou en pommade pour favoriser la cicatrisation naturelle de la peau, a reçu un prix du jury. Il a devancé Pyo Clean Oto® (Dermoscent), le premier nettoyant auriculaire à base de n-acétylcystéine d’origine végétale, et Silver Massage Oil® (Dermoscent), une huile de massage à base d’ingrédients naturels pour accompagner les animaux dans la gestion de la douleur.


Michaella Igoho-Moradel