ANALGÉSIE
PRATIQUE CANINE
L'ACTU
Auteur(s) : LORENZA RICHARD
Un vaste arsenal thérapeutique est disponible pour une prise en charge de la douleur adaptée à chaque animal et devrait encore s’étendre à l’avenir, avec peut-être une remise en question des opioïdes.
L’évaluation et la prise en charge de la douleur comme quotidien du vétérinaire et attente des propriétaires étaient au programme des deux modules consacrés à ce sujet lors du congrès de l’Afvac. Les intervenants des modules douleur (photo) ont décrit la difficulté d’évaluer la douleur d’un animal, en raison de sa composante émotionnelle liée à la sensibilité propre de chaque individu. De plus, il peut y avoir nociception sans douleur, lors d’une anesthésie, par exemple, ou encore douleur sans nociception, dans le cas des membres fantômes, notamment. Ainsi, il existe non pas une douleur, mais des douleurs, aiguës et chroniques. Leur évaluation passe par l’observation de l’animal, sa posture, son degré d’activité, ses expressions faciales, des modifications physiologiques ou comportementales, les interactions avec les hommes, etc. Des grilles sont disponibles pour aider l’évaluation, notamment avec l’aide du propriétaire, mais la difficulté est la subjectivité de l’observateur. Par exemple, 30 % des personnes déclarent voir une amélioration de l’état douloureux de leur animal quand il reçoit un placebo.
Traitement multimodal
Traiter la douleur est un impératif éthique et déontologique qui permet d’éviter des complications à court et à long termes. La douleur aiguë périopératoire augmente, par exemple, la durée d’hospitalisation et de rétablissement, car l’animal ne se nourrit pas et reste stressé, et qu’il est plus difficile à manipuler. De plus, ne pas traiter la douleur aiguë provoque une modification profonde du système nerveux nociceptif, à l’origine de sa chronicisation. La douleur chronique diminue la mobilité et les interactions sociales, par conséquent, la qualité de vie. Considérée par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) comme une maladie, elle est une cause majeure d’euthanasie.
Ainsi, l’analgésie lors de chirurgie doit être instaurée le plus tôt possible, autant que possible et aussi longtemps que nécessaire. Pour cela, la prise en charge doit être globale et multimodale, en utilisant des anti-inflammatoires non stéroïdiens chez les animaux dont la fonction rénale a été évaluée, des morphiniques, choisis selon la durée d’action et l’intensité de l’analgésie recherchée, et des coanalgésiques, comme les α-2-agonistes ou la kétamine, qui renforcent l’effet des autres molécules. En cas de douleur chronique, des analgésiques non conventionnels, comme la gabapentine, peuvent également être utilisés.
Chez l’homme, la tendance actuelle est l’opioid-free anesthesia (OFA), c’est-à-dire l’abandon de l’utilisation des opioïdes en anesthésie et postanesthésie. Elle est née en Amérique du Nord, où le nombre de morts sous opioïdes a explosé. Chez l’animal, l’effet de dépendance n’est pas observé, en revanche, les troubles digestifs et l’hyperalgésie postopératoires font partie des effets indésirables. De plus, des études montrent que le score douloureux est identique en postopératoire avec ou sans opioïdes, et il serait ainsi possible de réduire également ces molécules en médecine vétérinaire, en développant notamment des techniques d’anesthésie locorégionale et rachidienne.
Enfin, le marché de l’analgésie est porteur, car l’attente sociétale et des vétérinaires est forte, et de nouvelles perspectives de traitements s’offriront à l’avenir aux vétérinaires, comme l’utilisation de cannabinoïdes ou d’anticorps monoclonaux anti-NGF (nerve growth factor). Cependant, des études restent nécessaires, entre autres, pour déterminer la dose, la voie d’administration et les indications pour lesquelles un effet thérapeutique est démontré.
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