Une équipe de chercheurs s’est penchée sur le rôle des fleurs dans la transmission des virus à ARN entre différentes espèces d’abeilles, de précédentes études ayant confirmé que ce mode indirect de contamination était possible pour d’autres pathogènes. Quatre séries d’expérimentations ont été menées dans des conditions contrôlées. Trois espèces végétales1 ont été utilisées, deux présentant une forme similaire, Trifolium pratense et T. repens, et une troisième, Lotus corniculatus, dont les différences morphologiques pourraient influencer l’activité de butinage et donc le dépôt du virus. Suivant différentes configurations, ces plantes ont été mises au contact d’abeilles infectées par les virus des ailes déformées (DWV) et de la cellule royalenoire (BQCV), pour être par la suite mises en présence de bourdons indemnes. Les différents schémas d’expérimentations ont montré qu’un portage des virus par les fleurs était possible, quelle que soit l’espèce végétale. Cependant, la concentration en virus variait entre les plantes. Ainsi, DWV n’a pas été détecté sur L. corniculatus, alors que les analyses ont révélé sa présence et celle du BQCV chez les deux espèces de Trifolium. Pour les auteurs, ces résultats indiquent une influence possible de la morphologie des plantes ou encore du mode de dépôt de l’espèce virale. De plus, quand les abeilles infectées n’avaient accès qu’à une seule plante à la fois les virus étaient retrouvés sur toutes les plantes. En revanche, en présence des trois espèces, un portage viral n’a été identifié que sur T. pratense, sans qu’il n’y ait de différence avérée dans la durée de butinage pour cette plante. Ces résultats pourraient être liés à des différences individuelles du comportement de butinage entre abeilles infectées et non infectées d’une même colonie, les abeilles porteuses de pathogènes pouvant être attirées par des plantes ayant des composés aux vertus médicinales. Malgré la confirmation du portage viral par les fleurs, aucun bourdon n’a développé d’infection, reflétant le fait que la voie de transmission est d’occurrence rare et dépend de plusieurs facteurs. Cependant, la forte prévalence des fleurs contaminées suggère que cette voie pourrait être plus fréquente dans la nature. •
1 Les plantes ont été testées au préalable pour exclure toute présence virale (échantillonnage).
S. A. Alger, P. A. Burnham, A. K. Brody. Flowers as viral hot spots: Honey bees (Apis mellifera) unevenly deposit viruses across plant species. 2019, https://doi. org/10.1371/journal.pone.0221800.
Tanit Halfon
LA “MUSELIÈRE” UTILE CONTRE LE FRELON ASIATIQUE
Quel est l’impact d’une “muselière” de ruche comme protection face au frelon asiatique ? Pour le découvrir, une étude a été menée dans 22 sites principalement dans l’ouest de la France, dans des ruchers dont la présence de frelons avait été confirmée au moins 4 ans avant le début de l’expérimentation. Deux indicateurs ont été évalués : le homing failure (HF), soit la capture des butineuses sur le vol de retour à la ruche, et le foraging paralysis (FP) correspondant à l’arrêt de l’activité de vol. Les chercheurs se sont fondés sur des observations visuelles, menées de juillet à décembre, qui ont permis d’estimer la probabilité de survie des colonies stressées, avec ou sans “muselière”, via le modèle mathématique Beehave1, développé par l’Autorité européenne de sécurité des aliments (Efsa). L’analyse des données a révélé que le nombre de frelons devant les ruches était indépendant de la présence de la “muselière”. Cette dernière était associée à une réduction de 41 % de la FP. En revanche, la HF était significativement dépendante de l’activité de vol, mais pas de la présence de “muselière” : ainsi, une faible activité de vol augmentait le succès de capture des abeilles par les prédateurs, et donc le risque de HF. Les simulations ont révélé une hausse significative de la probabilité de survie des colonies stressées équipées de “muselières”, dans un contexte de forte pression en frelons (plus de cinq), et ce jusqu’à 51 %. Pour les auteurs, le dispositif grillagé apparaît comme une méthode intéressante pour limiter l’effet négatif du frelon asiatique sur une colonie, d’autant qu’elle est peu chère et “biodiversité friendly”. Il devrait être installé au début de la période de prédation, puis retiré au printemps suivant, et un maillage de 8-10 mm serait à privilégier pour faciliter l’activité de butinage. Malgré ces bons résultats, les auteurs conseillent d’y associer un complément de nourriture avant la période hivernale pour augmenter la probabilité de survie des abeilles. D’autres études sont nécessaires pour consolider les résultats, notamment afin de valider l’efficacité du dispositif dans différents contextes environnementaux. •
1 Modèle qui permet de prédire la croissance quotidienne d’une colonie.
F. Requier, Q. Rome, C. Villemant, M. Henry. A biodiversity-friendly method to mitigate the invasive Asian hornet’s impact on European honey bees. J. of Pest Science. 2019, bit.ly/2s1NI1C.