Anomalie de stockage des polysaccharides dans le muscle - La Semaine Vétérinaire n° 1835 du 20/12/2019
La Semaine Vétérinaire n° 1835 du 20/12/2019

CONFÉRENCE

PRATIQUE MIXTE

Formation

Auteur(s) : ANNE COUROUCÉ  

La polysaccharide storage myopathy ou PSSM est une cause de rhabdomyolyse récurrente à l’exercice. En 2008, une mutation sur le gène glycogène synthase 1 ou GYS1 a été mise en évidence et est liée à la présence de polysaccharide résistant à l’amylase dans le muscle squelettique. Des centaines de chevaux diagnostiqués au préalable comme étant PSSM sur la base de biopsies musculaires ont été évalués avec ce test génétique et la grande majorité d’entre eux présentaient cette mutation GYS1. Toutefois, certains de ces chevaux ne présentaient pas cette mutation génétique.

Ces résultats ont permis de suggérer qu’il existe au moins deux formes de PSSM. Celle causée par la mutation du gène GYS1 est appelée PSSM1, alors que les formes non causées par cette mutation et dont l’origine est, à ce jour, inconnue sont appelées PSSM2.

PSSM1

La PSSM1 est causée par un gène autosomal dominant qui entraîne une augmentation de l’activité de la glycogène synthase et une concentration en glycogène dans le muscle squelettique de plus d’une fois et demie la quantité normale. La mutation de l’enzyme entraîne la synthèse de glycogène et semble perturber le métabolisme de ce substrat énergétique.

Prévalence

Plus de 20 races possèdent cette mutation GYS1 responsable de la PSSM1, la prévalence la plus élevée étant celle trouvée chez les chevaux de trait de races européennes (percheron, trait breton, trait belge, etc.). Un total de 6 à 10 % de quarter horse, d’american paint horse et d’appaloosa possèdent cette mutation avec une très forte prévalence chez le quarter horse. La PSSM1 affecte également des races de chevaux de selle (selle français, poney de selle, etc.), mais la prévalence est extrêmement faible, voire inexistante chez les chevaux comme les pur-sang arabes et anglais, ainsi que les trotteurs.

Signes cliniques

Les signes cliniques peuvent varier avec un cheval qui peut être asymptomatique ou présentant des signes très sévères. Le facteur déclenchant le plus commun pour l’apparition d’une rhabdomyolyse est un exercice léger de moins de 20 minutes, notamment lorsque le cheval est resté inactif pendant quelques jours ou n’est pas entraîné. Les rations riches en glucides augmentent également le risque d’apparition de douleurs et raideurs musculaires chez les chevaux PSSM1.

- Les signes cliniques d’une crise aiguë chez un cheval PSSM1 ressemblent à toute crise de rhabdomyolyse.

- Les signes cliniques chroniques incluent une perte d’énergie lorsqu’ils sont montés, une réticence à avancer, le fait de s’arrêter et de s’étirer comme pour uriner, ainsi qu’une attitude négative vis-à-vis de l’exercice.

- Les chevaux de dressage et de saut d’obstacles peuvent présenter des douleurs chroniques au niveau du dos, une difficulté à s’enrouler au-dessus des obstacles, ainsi que des fasciculations musculaires et de la douleur lors de la palpation des muscles lombaires.

Diagnostic

- Les taux de créatine kinase (CK) sont généralement augmentés, même chez des chevaux au repos.

- Si les chevaux présentent des enzymes musculaires normales au repos, un test d’effort peut être réalisé avec un maximum de 15 minutes en longe au pas et au trot. Chez les chevaux PSSM1, ce type de test provoque, en général, des augmentations des taux de CK de plus de trois fois la valeur de repos, 4 heures après l’exercice.

- Le gold standard pour le diagnostic de la PSSM1 est le test génétique pour la mutation GYS1 qui peut être effectuée sur du sang total ou des crins. Attention, il doit être réalisé dans un laboratoire agréé et possédant la licence pour le faire ; il convient de bien se renseigner au préalable.

- Une biopsie musculaire (muscles fessiers et/ou de la cuisse ; photo page 36) des chevaux de plus de 2 ans est également un outil diagnostic intéressant et permettra de mettre en évidence des polysaccharides résistants à l’amylase.

PSSM2

La PSSM2 est un terme histopathologique qui indique la présence de polysaccharides d’apparence anormale dans les muscles des chevaux qui peuvent être “amylase sensitive” ou “amylase resistant” chez des sujets qui ne présentent pas de mutation sur le gène GYS1.

La PSSM2 n’est pas liée à une cause en particulier puisqu’aucune mutation génétique ni modification biochimique n’ont pu être mises en évidence à ce jour.

La PSSM2 est “légère” lorsqu’un ou plusieurs des éléments suivants sont présents : une coloration noire à l’acide périodique de Schiff (PAS) pour le glycogène, de plus larges agrégats de glycogène dans le cytoplasme et/ou des polysaccharides résistants à l’amylase.

Une PSSM2 “modérée” signifie qu’il y a présence d’agrégats de glycogène sensibles à l’amylase. L’évaluation de la sensibilité à l’amylase est subjective et impactée par la manipulation des tissus, ce qui laisse une certaine place aux faux positifs et peut interférer avec un diagnostic de recurrent exertional rhabdomyolysis (RER). De ce fait, ces cas doivent bénéficier d’un examen clinique et locomoteur complet, afin de s’assurer qu’il n’existe pas d’autre cause sous-jacente de contre-performance.

Prévalence

Au Royaume Uni, environ 35 % des cas de PSSM diagnostiqués par biopsie musculaire toutes races confondues sont classés en PSSM2. Pour les quarter horses, environ 28 % des cas de PSSM diagnostiqués par biopsie musculaire sont classés en PSSM2. Cette affection semble être particulièrement commune chez les quarter horses de haut niveau (chevaux de barrel racing ou de reining) tout comme chez les chevaux de loisir. Pour ceux de selle, environ 80 % des chevaux diagnostiqués PSSM par biopsie musculaire sont classés en PSSM2.

Signes cliniques

Chez les quarter horses et races “légères”, la rhabdomyolyse chronique est le signe clinique prédominant avec une élévation fréquente des taux de CK et d’aspartate aminotransférase (ASAT).

Chez les chevaux de selle, les signes cliniques surviennent généralement après 10 ans. Les chevaux présentent des muscles douloureux et des boiteries d’origine indéterminée, des contre-performances, une réticence à avancer lorsqu’ils sont sellés ou à se rassembler et, dans certains cas, une atrophie de la ligne du dos, notamment lorsqu’ils sont mis au repos. L’augmentation des taux de CK postexercice est très peu fréquente chez ces chevaux.

Diagnostic

Chez les quarter horses, une coloration noire à l’acide périodique de Schiff (PAS) pour le glycogène ainsi que des polysaccharides anormaux résistants ou sensibles à l’amylase sont assez courants. Néanmoins, dans les cas de PSSM2, un stockage excessif de glycogène n’est pas mis en évidence, notamment chez les chevaux de selle.

En conclusion, la rhabdomyolyse et une augmentation de la concentration en glycogène dans le muscle sont mis en évidence chez les chevaux PSSM1, quelle que soit la race. Pour les chevaux PSSM2, la plupart des sujets présentent des raideurs et des anomalies des allures avec des enzymes musculaires (CK et ASAT), ainsi que des concentrations en glycogène musculaire dans les normes.

Article rédigé d’après la conférence d’Anne Couroucé présentée aux journées de l’Avef à Tours (Indre-et-Loire), en novembre 2019, et l’article de Stephanie Valberg : Muscle conditions affecting sport horses. Vet. Clin. North Am. Equine Pract. 2018;34(2):253-276.