Comment analysez-vous l’actuelle crise agricole et les manifestations qui y sont associées ? - La Semaine Vétérinaire n° 1835 du 20/12/2019
La Semaine Vétérinaire n° 1835 du 20/12/2019

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Auteur(s) : CHANTAL BÉRAUD 

LA LOI EGALIM N’A PAS ENCORE D’EFFETS

Les agriculteurs ont notamment manifesté le 27 novembre en nombre dans les rues de la capitale. Le symbole est fort : ils sortent de leurs exploitations pour exprimer leur malaise et leurs difficultés. La réalité des prix agricoles est en effet têtue : beaucoup d’agriculteurs ne comptent pas leurs heures et ne touchent pas un revenu décent. Le contexte demeure donc compliqué : après l’espoir que la loi Egalim et les États généraux de l’alimentation ont voulu susciter, les résultats ne sont pas à la hauteur. La majorité sénatoriale l’avait d’ailleurs par avance annoncé dès l’examen de ce projet de loi, car ce dernier n’établissait pas de réelle mise en cause du rapport de force défavorable aux agriculteurs. Un récent rapport sénatorial sur le suivi de l’application de la loi Egalim confirme cet état de fait, en stipulant clairement que « les agriculteurs n’ont pas, pour l’instant, ressenti un quelconque effet de la loi ». C’est pourquoi, une nouvelle proposition de loi, à l’initiative du sénateur Daniel Gremillet « comportant des mesures d’urgence visant à corriger la loi Egalim de certains de ses effets pervers » devrait être examinée début 2020. Rendez-vous est donc pris…

ARNAUD BAZIN

ENTRE DIFFICULTÉS ÉCONOMIQUES ET “AGRI-BASHING”

Cette crise s’explique par le fait que nombre d’agriculteurs ne touchent plus de revenu suffisant. Aux problèmes économiques s’ajoute le phénomène inquiétant de l’“agri-bashing”. Si les citadins ont uniquement dans la tête les images de l’association L214 quand ils pensent aux agriculteurs en général, c’est dramatique ! La voie d’avenir, c’est donc de mieux communiquer, d’ouvrir les fermes… On voit bien qu’il existe aussi des agriculteurs qui sont respectueux de l’environnement. De la consommation de viande ne provient pas non plus tous les maux… Quand on me présente, à l’inverse, comme modèle vertueux le repas végétalien à base de soja, j’hallucine ! Car si on importe des États-Unis du soja OGM, qui supporte d’être traité avec du glyphosate jusqu’à sa récolte, on privilégie une plantation qui n’est pas non plus bonne pour la planète. Je trouve donc qu’il serait beaucoup plus écologique d’aborder sur nos exploitations avec le public des sujets comme “manger de bons produits, en quantité moindre et ne plus jeter !” Car les agriculteurs français doivent recréer des liens avec les consommateurs, et leur montrer la qualité des produits qu’ils fabriquent.

EDWIGE BORNOT

PLUSIEURS COMBATS RESTENT À MENER…

Il y a effectivement une crise agricole. Si la loi Egalim ne porte pas ses fruits d’ici à 2020, il faudra voter une nouvelle loi, encore plus coercitive, pour que le revenu des agriculteurs s’améliore. Les exploitants sont aussi confrontés à de l’ « agri-bashing », alors même que, majoritairement, ils ont envie de progresser en matière environnementale. On voit d’ailleurs se développer différents labels de qualité C’est pourquoi – un peu sur le principe du Nutri-score –, je pense qu’il faudrait promouvoir un seul et unique label. Il serait multicritères, pour valoriser les résultats obtenus (respect du bien-être animal (BEA), diminution de l’usage des produits phytosanitaires, etc.). Le Conseil national de l’alimentation (CNA) est d’ailleurs en train d’y réfléchir… Ensuite, afin de contrer l’“agri-bashing”, il faudrait aussi que les vétérinaires s’expriment davantage concernant le BEA. Á défaut, cette question risque de devenir le monopole des seuls animalistes radicaux ! La profession vétérinaire, en canine comme en rurale, devrait davantage proposer des voies médianes pour améliorer ce BEA. Les attentes sociétales sont très fortes dans ce sens, et cela serait aussi pour le vétérinaire un moyen intéressant de sortir des murs de sa clinique !

LOÏC DOMBREVAL