ENTRETIEN
PRATIQUE MIXTE
L'ACTU
En plus de contribuer à l’amélioration des pratiques d’élevage, la recherche sur le bien-être des animaux de rente permet de chasser certaines idées reçues du consommateur, comme l’explique notre consœur.
Comment la science du bien-être animal s’étudie-t-elle ? Qu’apporte-t-elle au débat public ? Déborah Temple, vétérinaire membre du Collège européen des vétérinaires comportementalistes (diplomate ECAWBM1), chercheuse en comportement animal au sein de l’école vétérinaire de l’université autonome de Barcelone (Espagne), fait le point sur ces questions.
Les études reposent sur des indicateurs comportementaux, mais aussi physiologiques, validés par la bibliographie. Ils sont modifiés dès qu’un animal peine à s’adapter à son environnement. De plus, leur choix dépend de la problématique étudiée. Généralement, quand les animaux subissent des situations stressantes, on note un changement de fréquence de certains comportements, par exemple cela influe sur l’activité des animaux, et des comportements spécifiques peuvent apparaître, notamment liés à la douleur. À ce sujet, nous sommes en train d’élaborer des grilles d’expressions faciales pour évaluer la douleur des truies en période de mise bas. Enfin, un stress peut induire l’apparition de comportements anormaux, comme le picage, voire de stéréotypies.
Les études montrent bien qu’il est un allié de la production. Par exemple, chez la vache laitière, un meilleur confort au couchage améliore la production de lait. De plus, il est montré un lien direct entre le stress chronique et la réduction de la capacité immunitaire des animaux, et donc l’apparition de maladies. De la même manière, le stress a aussi un effet négatif sur la barrière intestinale, ce qui accroît le risque de zoonoses alimentaires. Quant à la santé, elle est intimement liée au bien-être animal, comme le montre la réflexion sur la conduite des porcs, qui a déterminé que le mélange des porcelets sous la mère est une pratique à privilégier. Elle permet de réduire le stress au sevrage, les bagarres et, au contraire de ce que pouvaient penser certains collectifs de praticiens, n’augmente pas significativement la transmission des maladies. Dans ce cadre, je souhaiterais aussi insister sur l’importance de la détection et du traitement contre la douleur, un sujet pour lequel des progrès sont encore à faire. Notamment, il faudrait peut-être davantage former les vétérinaires à détecter les changements comportementaux liés à la douleur, pas toujours faciles à voir, mais aussi leur apprendre à mieux l’anticiper.
C’est une idée reçue du consommateur. Si le plein air permet d’améliorer l’expression des comportements, assurer la bonne santé des animaux est tout aussi important, et il peut être difficile, dans ces conditions, de trouver un bon équilibre. Il est faux d’associer un système de production au bien-être des animaux d’élevage.
Si les pays nordiques, ou encore la Suisse, ont beaucoup d’avance, l’élevage français n’a pas à rougir, il a conscience de l’importance du sujet. De plus, à la différence d’autres pays, dans lesquels certaines filières sont plus ou moins totalement intégrées – c’est le cas de la filière porcine en Espagne –, l’indépendance des éleveurs français pourrait faciliter les progrès en matière de bien-être animal. Dans un système intégré, l’éleveur doit suivre les propriétés définies par le groupe, qui ne sont pas forcément en faveur du bien-être animal. En France, les éleveurs ont encore beaucoup de poids et, s’ils sont convaincus du bien-être animal, je suis persuadée que cela débouchera sur un succès.
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1 European College of Animal Welfare and Behavioural Medicine.
UN TRAVAIL D’ÉQUIPE