Examen du fond d’œil : le réaliser et l’interpréter - La Semaine Vétérinaire n° 1835 du 20/12/2019
La Semaine Vétérinaire n° 1835 du 20/12/2019

CONFÉRENCE

PRATIQUE CANINE

Formation

Auteur(s) : GWENAËL OUTTERS  

L’ophtalmoscopie est une méthode d’examen du fond d’œil qui combine un système grossissant et un système lumineux selon le principe de coaxialité : avoir dans le même axe l’œil de l’examinateur, l’appareil et l’œil du patient. Pour éviter d’éblouir l’animal et ne pas être confronté à un tapis hyperréfléchissant, l’intensité lumineuse de la source doit rester faible. La mydriase transitoire est obtenue par instillation de tropicamide parfois associée à la néosynéphrine (pas d’atropine). Des systèmes connectés (D-Eye® ou iExaminer®) affichent, conservent, archivent et permettent de partager les images.

Ophtalmoscopie directe

L’ophtalmoscope direct est une source lumineuse associée à un miroir amovible et à une lentille pour donner une image du fond d’œil droite et grossie 14 à 15 fois. Le grand spot est utilisé pour les mydriases marquées, alors que le petit sera plus intéressant pour lutter contre les aberrations optiques et chromatiques lorsque la mydriase est moins bonne. Le filtre vert anérythre, le seul utile, permet de mettre en évidence les vaisseaux rétiniens qui apparaissent alors noirs. Pour observer le fond d’œil, le disque de Rekoss est positionné sur 0 pour un examinateur emmétrope. Augmenter les dioptries permet la mise au point sur les structures antérieures de l’œil (vitré, cristallin, cornée) ; en les diminuant, le praticien se focalise sur les structures profondes comme les excavations de la papille. Le même effet est obtenu en reculant et en avançant. Le chien est contenu sous la gueule et derrière la nuque, l’appareil est positionné entre son nez et l’examinateur. Le reflet du tapis est à rechercher en s’approchant jusqu’à 2-3 cm de l’œil de l’animal, l’œil collé à l’ophtalmoscope. Cette technique permet une bonne observation du détail avec un appareil robuste et de faible coût, mais le champ de vision est étroit.

Ophtalmoscopie indirecte

La source lumineuse est un transilluminateur, un PanOptic® (image redressée) ou un casque d’ophtalmoscopie (vision binoculaire). Une lentille convergente asphérique (incluse dans le PanOptic®) de 20 (à 30) dioptries est placée à environ 6 cm de l’œil de l’animal pour observer une image inversée et agrandie. Plus la lentille est puissante, plus l’image est précise mais le champ étroit. La lentille possède côté animal, et une face bombée (anneau argenté), côté animal et une face bombée. L’aide tient l’animal et les paupières. L’examinateur place son œil à une distance d’un bras (50-70 cm). D’une main, le transilluminateur projette la lumière dans la pupille qui renvoie le reflet de la rétine, de l’autre, la lentille est intercalée au contact de l’œil, puis légèrement avancée jusqu’à obtenir une image du fond d’œil sur la lentille. Le casque d’ophtalmoscopie laisse une main libre pour manipuler les paupières et permet une vision binoculaire (reliefs). Si le champ visuel est plus large, le grossissement est moins important, la maîtrise de la technique plus longue et l’investissement plus onéreux.

Images physiologiques

La rétine est transparente, seule sa vascularisation est observable : veine dorsale dans la zone du tapis, les veines nasale et temporale moins visibles puis les artérioles. La choroïde possède par endroits une structure colorée (cellulaire chez le chien et le chat), le tapis. La zone du tapis est généralement triangulaire chez le chien et plutôt arrondie chez le chat, de coloration variable, alors que la zone hors tapis est de couleur sombre. Chez le chien, les veinules s’anastomosent en arc de cercle dans la papille. Chez le chat, la vascularisation s’arrête en périphérie de la papille. Chez le chat, la papille a un aspect très rond et grisâtre. Chez le chien, l’aera centralis est une zone épargnée par la vascularisation rétinienne, plus riche en photorécepteurs. L’aspect du fond d’œil des chiens connaît de nombreuses variations physiologiques en fonction de l’âge, de la race, de la taille et de la couleur. Plus les robes sont claires, plus le fond d’œil est rouge-orangé. Le tapis est plus petit chez les petits chiens, jusqu’à n’avoir qu’un tapis vestigial se résumant à quelques granulations. Les chiens à poils ras ont une limite du tapis plus nette et franche. La pigmentation de la choroïde varie en fonction de la robe et n’est généralement pas homogène. La myélinisation de la papille est différente d’un sujet à l’autre, ce qui donne à la papille un aspect plus ou moins saumoné et bourgeonnant, la myéline débordant parfois pour former des flammèches blanchâtres. Le conus péripapillaire est une zone plus réfléchissante autour de la papille. Le plus souvent normal, il peut également suggérer un début d’atrophie rétinienne.

Variations pathologiques

Une tache marron-gris qui devient très lumineuse lors de variation d’incidence de la source lumineuse est caractéristique d’une séquelle de choriorétinite : la rétine est plus fine et donc le tapis plus réfléchissant. Lors de lésion plus ancienne, le centre peut se pigmenter. Un décollement large et franc de la rétine est caractérisé par une ligne scindant le fond d’œil en une zone hyperréfléchissante (sans rétine) et une plus sombre, ainsi qu’un flou général, manifestation de l’œdème, accompagnant souvent le décollement. Une raréfaction de la vascularisation, un tapis de plus en plus réfléchissant et un aspect en striation de la rétine orientent vers une atrophie rétinienne généralisée. L’hypertension artérielle, classiquement observée lors d’insuffisance rénale chronique ou d’hyperthyroïdie, doit être systématiquement recherchée en consultation vaccinale chez le chat de plus de 10 ans : aspect flou, grisâtre, œdème, plages hémorragiques de différentes formes et étendues en fonction de la profondeur du saignement. Sans traitement, l’hypertension artérielle conduit souvent au décollement de rétine et à la cécité.

Guillaume Cazalot DESV d’ophtalmologie vétérinaire, praticien à Toulouse (Haute-Garonne). Article rédigé d’après une présentation faite au congrès de l’Afvac 2018 à Marseille (Bouches-du-Rhône).