JEAN BENNET, VÉTÉRINAIRE

La vérité sera toujours difficile à saisir, mais l’écriture permet de la toucher du doigt. Ce livre – où il est beaucoup question des vétérinaires – touche. Le père d’Anne Bennet, praticien rural en Ardèche s’est suicidé à l’âge de 42 ans. En 1979. Elle avait 14 ans. Ce père aimant, aimé, qui avait quitté le foyer familial trois ans plus tôt pour une autre femme (“elle”), est longtemps resté pour sa fille un absent et son décès un point aveugle, une énigme ravalée. Quatre décennies plus tard, alors qu’elle a dépassé l’âge qu’il avait à sa mort, l’auteure questionne la figure méconnue de ce “père cadet”, tente de comprendre son geste inexpliqué, un soir d’octobre dans son cabinet. Elle retourne dans la petite ville où il exerçait, parle avec ceux qui l’ont côtoyé – famille, voisins, copains de promo, ex-associé – exhume ses propres souvenirs, traverse le temps. En renouant avec ce père admirable et complexe, l’auteur dresse en creux son propre portrait. Mais ce qui pourrait n’être qu’un travail de deuil autocentré, se révèle un récit exemplaire qui, comme face à des photos retrouvées, ravive l’atmosphère des années 1970, dans une ville de province. La justesse des phrases, la sobre distance que l’auteure maintient vis-à-vis d’elle-même et la constante mise en perspective avec le contexte (social, politique, culturel) offrent ce passé si loin et si proche en partage. Mieux, il résonne. Subtilement, nous comprenons que cette histoire intime nous est commune. Elle vit en nous.
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Revoir Benny d’Anne Bennet, Les Éditions du cerf, 13,5 x 21 cm, 264 pages, 18 €.