Médiation animale : une activité à encadrer - La Semaine Vétérinaire n° 1835 du 20/12/2019
La Semaine Vétérinaire n° 1835 du 20/12/2019

LÉGISLATION

PRATIQUE CANINE

L'ACTU

Les activités de médiation animale ne font l’objet d’aucune réglementation. Une situation non sans risque, que ce soit pour la santé des animaux utilisés ou pour la sécurité du public.

Pour les chiens guides d’aveugles et d’assistance, la réglementation1 est claire : les centres d’éducation doivent être labélisés, et les éducateurs certifiés. Pour les chiens de médiation, le cadre réglementaire est tout simplement… absent ! « Il n’y a pas d’obligations de diplômes, pas d’exigences de déclarer la pratique, pas de conditions matérielles à respecter… sachant qu’il existe une grande diversité de situations avec des activités de médiation dans les maisons de retraite, les centres psychiatriques, les instituts médico-éducatifs, etc. », constate Yasmine Debarge, docteure en sciences sociales et déléguée de l’association Canidea2. Un manque certain pour garantir la santé et le bien-être des animaux utilisés, générant des abus. « Entre autres dérives constatées, celle liées au nombre d’heures de travail des animaux (par exemple, un chien qui travaille 35 heures par semaine comme le médiateur), ce qui peut conduire à des situations d’épuisement psychique », souligne-t-elle. C e manque législatif peut être aussi potentiellement dramatique pour le public , comme l’indique Béatrice Laffitte, vétérinaire exerçant exclusivement en comportement, qui travaille depuis plus de 10 ans au sein d’une association de médiation animale. « Un animal de médiation pourra développer un comportement anxieux s’il est mis dans des conditions qu’il ne peut pas supporter. Un chien anxieux est plus irritable, avec une capacité à agresser plus vite. Ce serait dramatique d’en arriver là, car le risque serait que les activités de médiation s’arrêtent », prévient notre consœur.

Impliquer le vétérinaire

Quel cadre de loi définir ? Pour Béatrice Laffite, le vétérinaire y tiendrait une place essentielle. Ainsi, outre le fait qu’un animal de médiation devrait être en bonne santé, la base serait d’exiger une évaluation émotionnelle et comportementale de l’animal de médiation, à l’instar de ce qu’elle pratique déjà au sein de son association. « Nous avons un protocole bien établi : outre, l’examen physique, tous les nouveaux chiens sont soumis à la grille 4A 3 de Claude Béata. J’établis ensuite un tableau répertoriant les qualités et les défauts de l’animal, et j’y associe le public et les activités de médiation qui pourrait convenir pour le chien. Cette évaluation est effectuée au minimum une fois par an. » Elle ajoute : « Nous souhaiterions promouvoir cette approche. Une étudiante du diplôme universitaire de psychiatrie vétérinaire est justement en train d’évaluer la reproductibilité du protocole. » Une formation minimale en médiation animale serait le deuxième axe réglementaire à envisager, selon elle, avec l’aide de « l’État qui pourrait répertorier les formations ». « L’idée serait que les médiateurs, à l’issue de la formation, soient en capacité de reconnaître les signaux de mal-être émis par l’animal », explique notre consœur. L’association Canidea milite pour l’évolution de la réglementation : « Nous sommes en train de travailler à l’élaboration d’un plaidoyer. Dans ce cadre, nous finalisons un certificat d’aptitude du chien de médiation, que l’on va tester sur le terrain, avec l’idée d’évaluer des chiens d’associations qui n’appartiennent pas à notre réseau. Nous mettons en place des formations ouvertes à l’ensemble des membres du réseau. » Quel que soit le futur cadre réglementaire, encore faudra-t-il définir clairement la médiation animale. Et comme le rappelle Béatrice Laffitte, garder en tête que « l’organisation d’une médiation doit débuter par une phase de réflexion pour définir des objectifs et le public visé. La médiation animale doit s’insérer dans un cadre thérapeutique. »

1 bit.ly/38xwBFT.

2 Confédération nationale des organisations de chiens d’aide à la personne, créée en 2015. Son objectif est de partager les bonnes pratiques et d’établir des normes d’activité pour construire une référence (canidea.fr).

3 Cette grille permet de donner un indice semi-quantitatif du degré de dérèglement comportemental d’un chien (zoopsy.com/grille-4a.php).

AUCUN CONTRÔLE DE L’ÉTAT

S

Les activités de médiation n’étant pas réglementées, il n’existe, à ce jour, aucun contrôle spécifique de l’État, nous confirme le ministère de l’Agriculture, qui ajoute que ces problématiques sont partagées avec le ministère de la Santé. Pour autant, une instruction technique1, datée de 2015 et relative aux chiens guides d’aveugles ou d’assistance, a mentionné pour la première fois que les établissements sociaux ou médicosociaux pouvaient disposer d’« un chien d’accompagnement social » pour mener des « actions de médiation animalière ». Dans ce cadre, il y est stipulé que ce sont les directeurs des établissements qui doivent « veiller à la provenance du chien, l’éducation par un centre labélisé apportant toutes les garanties de sécurité ».
1 bit.ly/2RMUWS5.