Réforme des retraites : une fin d’année très compliquée - La Semaine Vétérinaire n° 1835 du 20/12/2019
La Semaine Vétérinaire n° 1835 du 20/12/2019

POLITIQUE

ACTU

Auteur(s) : JACQUES NADEL  

Entre la démission du haut-commissaire à la réforme des retraites, remplacé au pied levé par Laurent Pietraszewski, député LREM du Nord, et l’annonce par é douard Philippe de la volonté du gouvernement de maintenir le cap vers un système universel, les professionnels libéraux sont au milieu du gué d’une réforme des retraites qui se traduira pour les vétérinaires par des cotisations a priori équivalentes et des pensions nettement écornées.

Coup de théâtre, lundi 16 décembre, à la veille de la grande manifestation nationale contre la réforme des retraites. Jean-Paul Delevoye a quitté son poste de haut-commissaire à la réforme des retraites (HCRR), après une semaine de révélations sur ses activités et mandats non déclarés. à l’annonce de son départ, l’Union nationale des professions libérales (Unapl), qui avait reçu le “Monsieur retraites” du gouvernement à son congrès annuel le 6 décembre1, a salué un homme de dialogue, même si, comme l’avait dit lors de cette journée Michel Picon, son président, « les professionnels libéraux n’acceptent pas d’être sacrifiés pour justifier une réforme qui vise, en premier lieu, les régimes spéciaux, les régimes des fonctionnaires, les agents de la fonction territoriale et quelques autres ». L’organisation patronale est revenue sur la colère des libéraux, illustrée par un sondage Harris Interractive1.

Alors que les libéraux exigent que la réforme soit limitée à un plafond de la Sécurité sociale (un PASS, soit 40 k€ de revenus), le haut-commissaire a assumé la création d’un régime universel par points beaucoup plus large (jusqu’à trois PASS, soit 120 k€). « Ce concept à un seul étage solidaire n’est pas acceptable, il faut un second étage pour ne pas tuer les régimes complémentaires, qui soit adapté aux spécificités de chaque profession libérale », martèle Yves Decalf, président de la commission retraite et prévoyance de l’Unapl.

Cotisations stables, pensions en baisse

Mais après le départ de l’homme fort et discrédité de cette réforme, comment pourrait-on revenir dessus dès lors que le Premier ministre, édouard Philippe, en a fait le marqueur de son “sérieux” budgétaire. Selon Gilles Désert, président de la Caisse autonome de retraites et de prévoyance des vétérinaires (CARPV), cette réforme ne s’en va pas avec Jean-Paul Delevoye, elle sera toujours défendue par le gouvernement.

Le 26 novembre, la profession avait eu une première réunion de concertation avec le HCRR. La seconde réunion du mercredi 18 décembre a été maintenue, en dépit de la démission du HCRR. « Lors de cette séance, le gouvernement et nos instances syndicales vont confronter les résultats de nos simulations prenant en compte deux hypothèses de travail, un revenu à 0,8 PASS et un revenu moyen de vétérinaire à 1,5 PASS », indique Gilles Désert. Les premières simulations de la CARPV étaient inquiétantes, constatant que les cotisations sous régime universel (RU) seraient plus chères de 20 % et que les pensions baisseraient de l’ordre de 20 % selon les tranches de revenus des vétérinaires.

Mais depuis les chiffres ont été affinés, les dernières simulations de la CARPV tenant compte de la compensation financière : réduction de l’assiette de contribution sociale généralisée (CSG), réfaction d’environ un tiers de l’assiette globale des cotisations sur le “super brut” constitué des revenus issus des bénéfices non commerciaux (BNC), des cotisations Madelin et des charges sociales. « Le gouvernement a pris conscience qu’il était injuste de payer de la CSG sur des revenus additionnés de charges, explique-t-il. En principe, avec un taux de cotisation de 28,12 %, nos cotisations auraient été plus élevées mais, avec la réfaction appliquée, les cotisations de retraite et d’assurance maladie seront un peu moindres. Au bout du compte, il y aura peu de changement sur les cotisations retraite qui ne seront pas plus importantes sous régime universel dans les deux hypothèses retenues. »

En revanche, le bât de la réforme universelle blesse toujours du côté des pensions servies aux vétérinaires. C’est une certitude, elles baisseront sous l’effet de la chute du taux de rendement de 7,52 % à 4,95 %. « Pour un revenu de 0,8 PASS (32 419  ), la pension baisse de 15,9 % et pour un revenu de 1,5 PASS (60 786  ) de 22,5 % », livre-t-il. Au vu de ces dernières simulations, il sera compliqué pour le gouvernement de trouver les bons arguments et d’avancer des garanties solides pour convaincre les vétérinaires qu’ils ont intérêt à rejoindre le RU.

Sujets de discorde

La présentation de l’intégralité du projet du gouvernement par édouard Philippe le 11 décembre crée d’autres points d’achoppement et d’inquiétude. La première génération à intégrer complètement le système universel sera celle de 2004 (18 ans en 2022). Les Français nés avant 1975 ne seront pas concernés par la réforme. « Seules les années travaillées à partir de 2025 seront régies par le système universel », a précisé Edouard Philippe lors de son discours. « Les nouveaux entrants rentrent trois ans plus tôt que la date initialement prévue », remarquent Yves Decalf et Gilles Désert.

Et le président de la CARPV de redouter : « Ce système de transition progressive va créer des disparités et des iniquités qui seront sujets de discorde. » Il a le sentiment aussi que « plus on avance dans cette réforme, moins on y voit clair ». Il attend donc du successeur de Jean-Paul Delevoye qu’il joue cartes sur table et apporte toute la lumière sur les nombreuses zones d’ombre de cette réforme sur laquelle le gouvernement ne donne toujours pas l’impression de vouloir faire des concessions.

Pas de hold-up sur les réserves ? Pas sûr !

De même, sur les réserves, important sujet d’inquiétude des libéraux, Edouard Philippe a assuré qu’il n’y aura « pas de hold-up ou de siphonnage pour combler tel ou tel trou. Les réserves resteront dans les caisses des professionnels concernés ». Là encore, Gilles Désert reste sceptique. « Nos réserves sont prudentielles en prévision du choc démographique, elles correspondent à nos engagements au sein de la CARPV, mais si demain nous n’existons plus, je ne suis pas certain que nous pourrons conserver l’intégralité de nos réserves. »

Yves Decalf partage la même inquiétude pour les réserves de chaque caisse de retraite des libéraux. Dans la motion adoptée le 4 septembre, le Conseil national de l’Unapl a exigé que les professionnels libéraux soient présents dans la gouvernance de tout système de retraite les concernant. Face aux incertitudes qui pèsent sur les libéraux, « nous demandons une structure de pilotage de nos réserves à gouvernance professionnelle », réclame-t-il.

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LES AUTRES POINTS CLÉS À RETENIR


• L’âge minimal de départ à la retraite est maintenu à 62 ans, mais avec la mise en place d’un âge d’équilibre à 64 ans, avec un système de bonus-malus.

• Pour les libéraux, la convergence des cotisations se fera sur un horizon de quinze ans.

• Les partenaires sociaux fixeront la valeur du point et son évolution sous le contrôle du Parlement.

• Pour les femmes, la maternité sera compensée à 100 % et des points supplémentaires seront accordés pour chaque enfant.

• Les hauts revenus (au-delà de 120 k€ par an) paieront une cotisation de solidarité plus élevée qu’actuellement.

• Le calendrier : le projet de loi de réforme des retraites sera soumis au Conseil des ministres le 22 janvier et débattu au Parlement fin février, pour une application à partir de 2025.