Un pas de plus vers la compréhension des mécanismes de l’infertilité - La Semaine Vétérinaire n° 1835 du 20/12/2019
La Semaine Vétérinaire n° 1835 du 20/12/2019

VACHES LAITIÈRES

PRATIQUE MIXTE

L'ACTU

Auteur(s) : CLOTHILDE BARDE 

Dans le cadre du projet européen Prolific, des scientifiques de l’Institut national de la recherche agronomique (Inra) associés aux chercheurs de l’université suédoise d’Uppsala ont identifié un gène du tissu adipeux qui pourrait être impliqué dans la baisse de fertilité des vaches laitières hautes productrices.

Une nouvelle étape vient d’être franchie dans la compréhension des mécanismes d’interactions entre métabolisme et reproduction chez la vache laitière haute productrice indique une publication de la revue PLOS One de septembre1, portant sur les résultats du projet européen Prolific2.

Une balance énergétique négative

En effet, chez ces animaux, la capacité d’ingestion après le vêlage est insuffisante pour couvrir les besoins énergétiques de début de lactation. Pour combler ce déficit, l’animal puise dans ses réserves corporelles, principalement dans son tissu adipeux. Cependant, ce mécanisme a une forte incidence sur la capacité des vaches à se reproduire à double titre. Tout d’abord, la fonte massive de leur tissu adipeux conduit à une augmentation de la concentration des acides gras libres dans le sang qui est néfaste pour les fonctions ovariennes et pour la qualité des ovocytes. De plus, cette fonte massive entraîne un remaniement de la structure du tissu adipeux et de son contenu en hormones ou adipocytokines.

Or, comme le rappellent les auteurs de la publication, s’il est désormais acquis que le tissu adipeux est un tissu endocrine, le rôle de ces adipocytokines sur la reproduction était méconnu jusqu’à présent. Le programme de recherche Prolific a ainsi été mis en place dans huit pays européens (Danemark, Espagne, France, Italie, Irlande, Pays-Bas, Royaume-Uni et Suède), en 2013, pour identifier les variations des gènes et des voies métaboliques du tissu adipeux en fonction du niveau de déficit de la balance énergétique en période péripartum3 chez des vaches primipares.

Corrélation entre métabolisme et reproduction

Dans un premier temps, afin de caractériser l’ensemble des ARN du génome du tissu adipeux blanc des animaux dans des conditions d’apport énergétique alimentaire élevé ou faible, les équipes de recherche ont eu recours à des technologies de séquençage de nouvelle génération. Leurs analyses ont confirmé l’altération de l’expression de gènes liés au métabolisme des lipides. De plus, elles ont permis de découvrir que certains gènes, comme le CCL21 (chemokine [C-C motif] ligand 21), sont exprimés différentiellement. En effet, la protéine CCL21 a été retrouvée en quantité plus faible au niveau plasmatique chez les animaux présentant la balance énergétique la plus négative après vêlage. D’autre part, selon les scientifiques, cette protéine a la capacité de modifier in vitro la prolifération et la sécrétion de progestérone des cellules ovariennes bovines. CCL21, exprimée par le tissu adipeux, pourrait donc être impliquée dans la régulation endocrine de la fonction ovarienne et contribuer à expliquer certaines infertilités.

Des travaux à poursuivre

« Les futurs travaux de recherche s’intéresseront donc à étudier plus précisément le rôle de la protéine CCL21 plasmatique dans les anomalies de cyclicité ovarienne, ainsi que dans les échecs précoces de gestation chez la vache laitière », a indiqué Joëlle Dupont, de l’Institut national de la recherche agronomique (Inra). Avant d’ajouter qu’en parallèle, en médecine humaine, les chercheurs de l’Inra, en collaboration avec des cliniciens du centre hospitalier régional universitaire (CHRU) de Tours et de la clinique Léonard-de-Vinci de Chambray-lès-Tours (Indre-et-Loire), devraient prochainement étudier CCL21 chez les vaches infertiles présentant une dérégulation métabolique (obésité, syndrome métabolique, anorexie).

1 Impact of the severity of negative energy balance on gene expression in the subcutaneous adipose tissue of periparturient primiparous Holstein dairy cows: Identification of potential novel metabolic signals for the reproductive system. PLOS One. 2019;14(9):e0222954. bit.ly/34fIr3W.

2 Projet européen Pluridisciplinary Study for a Robust and Sustainable Improvement of Fertility in Cows, qui réunit 13 partenaires publics ou privés de huit pays : Danemark, Espagne, France, Irlande, Italie, Pays-Bas, Royaume-Uni et Suède.

Ces travaux ont impliqué deux unités du centre de l’Institut national de la recherche agronomique (Inra) Val-de-Loire (l’unité mixte de recherche de physiologie de la reproduction et des comportements et l’unité expérimentale en physiologie animale de l’Orfrasière), ainsi que l’université d’Uppsala, en Suède.

3 Période comprenant le dernier mois de la gestation et les premiers mois suivant la mise bas.