L’ORIGINE DE L’ESB ENFIN IDENTIFIÉE ? - La Semaine Vétérinaire n° 1837 du 17/01/2020
La Semaine Vétérinaire n° 1837 du 17/01/2020

PRATIQUE MIXTE

ANALYSE

Auteur(s) : CLOTHILDE BARDE

DES INFORMATIONS INÉDITES CONCERNANT LA TRANSMISSIBILITÉ DE LA TREMBLANTE ATYPIQUE VIENNENT D’ÊTRE PUBLIÉES PAR UNE ÉQUIPE EUROPÉENNE DE CHERCHEURS DE L’INRA ET DE L’ENVT. ELLES LÈVENT LE VOILE SUR CETTE MALADIE DONT L’ORIGINE RESTAIT MYSTÉRIEUSE JUSQUE-LÀ.

A-t-on enfin résolu l’énigme de l’origine de l’encéphalopathie spon­giforme bovine (ESB), maladie à prions des bovins ?C’est ce que laissent penser les résultats d’une étude publiée, le 16 décembre, par une équipe européenne de chercheurs de l’Institut national de la recherche agronomique (Inra) et de l’école nationale vétérinaire de Toulouse (ENVT)1, portant sur la transmission de la tremblante atypique (ou AS pour atypical scrapie).

L’origine de l’ESB élucidée ?

Identifiée seulement en 1998, l’AS est une forme de maladie à prions qui circule depuis au moins 50 ans dans les populations de petits ruminants (ovins, caprins). Il n’existe actuellement aucune mesure efficace de contrôle ou de prévention de cette maladie et la transmissibilité de l’AS aux autres espèces (y compris l’homme) demeure jusqu’à présent très peu documentée. Les découvertes récentes permettent cependant d’affirmer que même si une barrière d’espèce limite naturellement la propagation des prions de leur espèce hôtes naturelles aux autres espèces, le prion responsable de l’AS, a la capacité de franchir, dans des conditions expérimentales, la barrière d’espèce entre petits ruminants et bovins. En effet, de manière inattendue, les scientifiques ont pu établir grâce à des modèles de souris transgéniques exprimant la protéine prion bovine que le prion observé chez ces animaux correspond en tout point à celui de l’agent responsable de l’ESB classique. Ces résultats s’expliqueraient par la présence de faibles quantités d’ESB classique dans les isolats d’AS. Ainsi, les particules infectieuses d’ESB classique semblent spontanément produites lors du processus de réplication de l’AS chez ses hôtes naturels. Pour la première fois, une explication expérimentalement étayée permet donc d’expliquer l’apparition, au milieu des années 1980, de l’ESB classique chez les bovins au Royaume-Uni, avant qu’une épidémie de cette maladie ne s’étende à toute l’Europe, l’Amérique du Nord et à de nombreux autres pays.

Maintenir un niveau élevé de protection

Ces données soulignent l’importance de maintenir les mesures préventives mises en place par les autorités sanitaires dès le début des années 1990 afin de contrôler et d’éradiquer l’ESB. Ainsi, « malgré le coût économique de ces mesures et la quasi-disparition des cas d’ESB, le risque de voir émerger de nouveau l’ESB à partir de cas de tremblante atypique des petits ruminants plaide pour un maintien des mesures les plus fondamentales (interdiction des farines animales, élimination et destruction systématiques des tissus à risque le plus élevé, etc.) qui ont permis ces 20 dernières années de protéger les consommateurs et les filières de production de la maladie de la “vache folle” », indiquent les chercheurs.

1. www.presse.inra.fr/Communiques-de-presse/origine-encephalopathie-spongiforme-bovine The emergence of classical BSE from atypical/Nor98 scrapie. Alvina Huor et coll. PNAS first published December 16, 2019. https://doi.org/10.1073/pnas.1915737116

DES MALADIES À PRIONS DIVERSES

Les maladies à prions sont des affections neurodégénératives qui, après une période d’incubation longue et silencieuse, sont à l’origine de troubles neurologiques progressifs d’issue fatale. Elles touchent l’homme (maladie de Creutzfeldt-Jakob, insomnie fatale familiale), les animaux d’élevage (maladie de la vache folle, tremblante du mouton et de la chèvre, maladie à prions du dromadaire) et les animaux sauvages (maladie du dépérissement chronique des cervidés). Contrairement aux virus, aux bactéries ou aux parasites, les prions ne disposent pas d’acide nucléique (ADN ou ARN) comme matrice de l’information infectieuse mais sont composés exclusivement de particules protéiques. Chaque protéine du prion existe sous deux formes : une forme normale associée à des fonctions biologiques et une autre mal repliée qui est à l’origine de la maladie. Dans les années 1980, l’exposition de consommateurs à des produits issus de bovins infectés par l’ESB classique a été à l’origine de l’émergence chez l’homme du variant de la maladie de Creutzfeldt-Jakob, maladie neurodégénérative mortelle pour laquelle aucun traitement n’existe.