UNE ÉCOLE VÉTÉRINAIRE PRIVÉE EN FRANCE : MENACE OU OPPORTUNITÉ ? - La Semaine Vétérinaire n° 1837 du 17/01/2020
La Semaine Vétérinaire n° 1837 du 17/01/2020

EXPRESSION

LA QUESTION EN DÉBAT

Auteur(s) : CHANTAL BÉRAUD

Le projet d’une cinquième école vétérinaire en France devient-il une réalité ? Des acteurs privés ont sollicité le gouvernement. Opportunité ou menace pour l’enseignement vétérinaire ? Le sujet ne fait pas consensus.

NE CÉDONS PAS AU MIRAGE

RENAUD ROUSSEL (L 91)

Praticien canin à Avignon (Vaucluse)

Je dis non, car cela reviendrait à sélectionner les étudiants par l’argent et non plus sur le mérite. Et même s’ils pouvaient contracter un prêt, ils débuteraient alors leur vie professionnelle avec une dette monstrueuse à rembourser. Il n’est pas non plus satisfaisant d’imaginer que des partenaires financiers prennent en charge leurs études, avec en contrepartie des contrats sur 10 ou 15 ans à la clé, car cela reviendrait à créer une sorte de recrutement privé ! C’est l’État qui doit prendre ses responsabilités et ouvrir une école publique supplémentaire, s’il devait y en avoir une nouvelle… Je ne pense pas que ce soit un problème de formation ou de recrutement. On devrait se demander pourquoi tant de nos jeunes diplômés divergent, en n’étant plus praticiens en libéral, et même en n’étant plus vétérinaire tout court ? Déjà, il faudrait pouvoir revaloriser financièrement notre métier, qui n’est désormais plus attractif pour des profils à bac + 8. Et que la société protège enfin tous les professionnels au contact d’un public de plus en plus agressif et exigeant. Non, ce n’est certainement pas le mirage d’une création d’une école privée qui va pouvoir régler tous les problèmes.

REVOIR L’ENSEIGNEMENT DES ÉCOLES EXISTANTES

CHRISTELLE FOURNEL (A 01)

VetCoach, conseil en ressources humaines et management

Certes, former davantage de vétérinaires vient à l’esprit, le sujet du recrutement étant souvent évoqué. Pour autant, je crois que l’on manque de visibilité et de compréhension du problème. Tout d’abord, les cliniques vétérinaires ne déploient souvent pas assez de stratégie de recrutement. Par ailleurs, on a tout de même déjà un tiers des vétérinaires inscrits à l’Ordre chaque année qui n’ont pas été formés dans notre pays… Enfin, nous manquons aussi d’informations sur ce que deviennent les jeunes diplômés. Je pense qu’il faudrait aller vers davantage de professionnalisation. En diminuant le nombre de cours théoriques en "présentiel", en développant l’enseignement à distance et surtout en mettant davantage l’étudiant “au cul de la vache”. Mais mener à bien de telles transformations supposerait, d’une part, d’abandonner la référence de l’heure d’enseignement en présentiel et de calculer différemment les budgets, d’autre part, de réunir les écoles, les syndicats, l’Ordre et autres partenaires pour qu’ils créent ensemble un label de “structure vétérinaire d’accueil pour étudiant vétérinaire”.

D’AUTRES QUESTIONS SONT À POSER AVANT

LAURENT PERRIN (L 84)

Président du SNVEL

Le prétexte qui con­duit à remettre au goût du jour ce projet récurrent est celui de la tension sur le maillage vétérinaire en zone rurale. Les causes sont communes à la désertification médicale, accentuée en santé animale vétérinaire par l’absence des hôpitaux publics pour prendre en charge la permanence et continuité des soins et de la Sécurité sociale pour financer l’installation et le maintien des structures libérales. La viabilité des structures vétérinaires en zone de déprise agricole souffre de l’exacerbation des difficultés de l’exercice : rentabilité économique des structures, poids des contraintes professionnelles. La réponse : améliorer l’adéquation des profils formés avec les besoins de terrain, par la réforme en cours du mode de recrutement et du cursus dans les écoles nationales vétérinaires. L’acculturation des étudiants à la vie dans les territoires par des stages, le travail sur l’attractivité territoriale, via l’aménagement des collectivités locales. Ces actions doivent être menées et leur impact évalué avant d’évoquer les risques ou opportunités de la créa­tion d’une ou plusieurs écoles vétérinaires privées en France.