LA SIMULATION MÉDICALE SE DÉVELOPPE À VETAGRO SUP - La Semaine Vétérinaire n° 1838 du 24/01/2020
La Semaine Vétérinaire n° 1838 du 24/01/2020

ENSEIGNEMENT

LA COMMUNAUTÉ VÉTÉRINAIRE

Auteur(s) : LORENZA RICHARD

Sur le plateau d’enseignement vétérinaire par simulation Vetskill, les étudiants se forment aux gestes techniques et aux situations rencontrées en clinique sur des modèles inanimés.

Depuis un an environ, les étudiants s’entraînent aux gestes techniques de base sur modèles inanimés avant d’intégrer la clinique. Avec en toile de fond l’objectif de « jamais la première fois sur un animal vivant ! » explique Claude Carozzo, professeur de chirurgie et responsable du plateau d’enseignement vétérinaire par simulation de VetAgro Sup (Marcy-l’Étoile), nommé Vetskill.

La simulation a plusieurs intérêts : éthique, pédagogique et économique (moins de cathéters gaspillés, notamment). Elle répond à l’attente sociétale de respect du bien-être animal en permettant de n’utiliser des animaux et des pièces anatomiques que lorsque cela est incontournable. De plus, c’est un atout pour l’apprentissage des étudiants. Cela dédramatise l’acte médical par l’acquisition de certains automatismes. à partir de cette année, un étudiant ne pourra entrer en clinique en 3e année que si sa compétence à effectuer certains gestes est validée. « La simulation ne doit pas remplacer l’apprentissage clinique, mais le préparer en amont », précise Claude Carozzo.

Répéter chaque geste

L’intérêt de la simulation est de pouvoir décomposer chaque procédure en autant d’étapes ou de gestes qui la composent afin de pouvoir la maîtriser dans sa globalité avant de les rassembler pour la maîtrise globale de cette procédure. Ainsi, la salle est composée de nombreux ateliers, où chaque modèle est réservé à un exercice : prise de sang, pose de cathéter, sondage œsophagien, ligature, suture, etc. Certains ateliers sont accessibles et obligatoires dès la 1re année, d’autres le sont au fur et à mesure des années. Tous disposent d’une fiche pédagogique rédigée par les enseignants de la discipline, indiquant l’objectif et la méthodologie. Les étudiants sont confrontés à la simulation dans leur emploi du temps pédagogique et peuvent également s’y inscrire volontairement sur des plages horaires, autant de fois qu’ils le veulent. Ils travaillent en autonomie, puis s’autoévaluent, sous le contrôle d’un assistant ingénieur, Roland Roume.

Des séquences complètes sont également réalisées, regroupant plusieurs gestes techniques et compétences, comme une ovariectomie de chatte, par exemple, qui peut inclure une préparation chirurgicale. Des jeux de rôle pourront enfin être développés sur le plateau pour simuler la confrontation à une situation d’urgence ou à un client difficile, afin de préparer l’étudiant dans une optique d’amélioration du bien-être lors de la vie professionnelle.

Imaginer de nouveaux modèles

Le projet Vetskill se développe rapidement depuis un an grâce au soutien financier de la région Auvergne-Rhône-Alpes (projet Comesup 2019) et à l’investissement de la direction de l’établissement, qui a mis à disposition des locaux adaptés et des moyens financiers. L’une des spécificités de VetAgro Sup est d’avoir recruté Roland Roume, qui améliore les modèles inanimés achetés et en fabrique de nouveaux dans son atelier, grâce à une imprimante 3D, des moulages en silicone et en mousse de différentes textures, et beaucoup d’imagination. Cela permet de réduire les coûts d’entretien et de fonctionnement des modèles, et des étudiants peuvent participer à leur élaboration. « Ceux-ci n’ont pas besoin d’être hyperréalistes, car leur intérêt pédagogique réside dans l’obtention d’un environnement ou de textures qui s’approchent le plus possible de la réalité pour les manipulations », explicite Claude Carozzo. Il précise qu’un fort esprit de collaboration relie les écoles : « Nous collaborons pour solliciter ensemble des soutiens financiers1, et partageons nos expériences sur les différents mannequins disponibles et les modèles que nous créons. » Par exemple, un modèle de simulation d’ovariectomie de chatte mis au point à VetAgro Sup a été partagé avec l’école nationale vétérinaire d’Alfort, où il pourra également être développé.

À l’avenir, les modèles vont se multiplier pour couvrir toutes les espèces animales, dont celles de laboratoire.

1. Notamment, la Fondation assistance aux animaux propose un mécénat pour ce laboratoire de simulation.

Claude Carozzo, responsable de la salle de simulation Vetskill, et Roland Roume, assistant ingénieur. Différents organes en silicone, mousse, ou autres matières simulant leurs structures, sont accessibles dans un faux abdomen destiné à s’entraîner à l’ovariectomie de chatte. L’étudiant vérifie sa capacité à trouver les organes et à réaliser des ligatures (sur des tubes de silicone) avant de retirer les ovaires, puis de suturer. Une vache, initialement réservée à l’apprentissage de la gestion des dystocies, a été transformée afin d’entraîner également les étudiants à la palpation transrectale, d’exercice en affections du bétail. Des chambres à air de pneus de vélos simulent les anses intestinales, plus ou moins dilatées selon la situation, un ballon reproduit un gonflement du caecum, un rein en silicone moulé sur pièce anatomique (en blanc) permet d’en sentir les lobulations dans la cavité abdominale. Ce modèle est peu réaliste d’apparence, mais à la palpation, la réalité est bien simulée. Modèles 3D de mâchoires réalisés à VetAgro Sup pour une simulation de détartrage, avec un silicone imitant la gencive. À côté, le modèle 2D. L’étape suivante est de les améliorer encore pour simuler une extraction dentaire, par exemple. Des moules réalisés à l’imprimante 3D permettent la fabrication de testicules en silicone de texture très proche de la réalité, pour s’entrainer aux castrations de chat. 60 € la veine de la tête de cheval pour une vingtaine de prise de sang. Chaque étudiant pouvant pratiquer autant de fois qu’il le souhaite, les coûts de fonctionnement nécessitent une gestion adaptée.