DOSSIER
Auteur(s) : CHANTAL BÉRAUD
À CÔTÉ DES TRADITIONNELLES GARDES, DES CLINIQUES VÉTÉRINAIRES METTENT EN PLACE UN SERVICE D’URGENCES, TANDIS QUE DES SOCIÉTÉS AYANT FAIT DE CE DOMAINE LEUR ACTIVITÉ EXCLUSIVE, PERMETTANT DE DÉLÉGUER CETTE TÂCHE, SONT DÉSORMAIS BIEN IMPLANTÉES. D’AUCUNS PRÉDISENT LE DÉVELOPPEMENT À TERME DE STRUCTURES DÉVOLUES AUX URGENCES, QUI PRENDRAIENT LE RELAIS DES “CLINIQUES DE JOUR”. À CONDITION DE POUVOIR EMBAUCHER DE JEUNES RECRUES.
Le malentendu principal entre le grand public et le vétérinaire, c’est que, visiblement, aujourd’hui, ils ne donnent pas du tout la même signification au terme “urgence” ! En témoigne le groupe Vetalia. Localisée en région parisienne, son équipe y effectue des interventions à domicile et d’urgence, 7 j/7, 24 h/24. Son fondateur, Christophe Le Dref, détaille les différents cas d’« urgence » tels que vécus par les propriétaires : « 5 % des consultations que nous voyons débouchent sur une hospitalisation immédiate. Le reste relève d’une urgence relative (avec souvent un suivi le lendemain chez le vétérinaire traitant habituel). Mais on trouve aussi des cas d’urgence psychologique : les propriétaires sont inquiets, ils ont envie d’être rassurés immédiatement… Et il y a également des urgences que je qualifierais de confort, avec des propriétaires qui, par exemple, ne veulent pas se rendre le lendemain aux heures ouvrables chez un vétérinaire, ou encore, tout simplement, qui ne veulent pas que leur chien vomisse sur la moquette ! » Pour l’autre service qu’il a cocréé en 2010, Vétophonie, un service de régulation des urgences et des gardes, auquel sont aujourd’hui abonnées quelque 300 cliniques vétérinaires (en France, en Belgique, en Suisse et au Luxembourg), Christophe Le Dref explique que « les vétérinaires trient les appels. chaque appel fait l’objet d’un compte rendu dont prend connaissance le praticien abonné, mais il n’est pas dérangé dans 8 à 9 cas sur 10 (en fonction du degré de tri qu’il nous a indiqué vouloir être mis en œuvre). de fait, il y a beaucoup de rendez-vous fixés pour le lendemain. mais l’équipe de vétophonie filtre également des appels de toutes sortes : pour savoir que faire d’un oiseau tombé du nid, d’un chien errant, etc. ».
En ville et en périphérie, sur les bassins de vie à la population importante, Christophe Le Dref pense qu’à l’avenir continueront d’aller en se développant « non pas le modèle des centres hospitaliers vétérinaires, qui doivent respecter des normes de fonctionnement très importantes, mais des cliniques vétérinaires dévolues uniquement aux urgences, fermées dans la journée et ouvertes durant tout le temps restant. avec des professionnels seniors qui encadrent les juniors. je pense que le principal frein imaginable à ce genre de développement sera s’il se pose un problème de recrutement. car la jeune génération de professionnels semble moins souhaiter s’orienter que notre ancienne génération vers du travail de nuit et durant le week-end ». quels autres changements récents constate-t-il dans sa pratique quotidienne ? « en urgence, certains clients font aujourd’hui davantage attention au prix. nous traitons même des cas d’animaux avec des affections plus avancées, car les propriétaires, pour un motif financier, ont préféré attendre ». Enfin, il constate également que les consultations pour les furets sont en nette diminution, alors de plus en plus de chats sont médicalisés.
Aujourd’hui localisé à Lyon, à Nice, à Toulouse et à Montpellier, la société AdomVet effectue elle aussi uniquement des visites d’urgence à domicile (24 h/24, 7 j/7) et gère même à Lyon, en complément, une structure de soins réservée à des hospitalisations d’urgence en soins intensifs (ouverte uniquement de 19 h à 8 h, les week-ends et les jours fériés). L’un de ses fondateurs, Sylvain Ranson, confirme que cette structure « ne travaille qu’avec la clientèle des autres ! sur lyon, nous gérons environ 80 % des urgences. car la plupart de nos confrères vétérinaires, qui travaillent déjà bien durant leur journée, préfèrent nous déléguer cette fonction ». chez adomvet aussi, tout appel passe d’abord le filtre d’une régulation avec accueil, qualification et triage. « nous avons une liste des problèmes qui nécessitent d’être vus en clinique, mais 80 % des autres urgences relèvent du domicile », commente sylvain ranson. « notre modèle téléphonique est un copier-coller d’une régulation d’urgences d’un système de santé humaine (le Samu du Rhône). mais ensuite, dans le triage, ce sont nos propres méthodes que nous appliquons. car il ne faut pas que le fonctionnement des cliniques soit parasité par de la bobologie ! » cependant, il estime aussi que son propre modèle économique, soit des interventions à domicile associées à une clinique de nuit, « aura du mal à se développer dans des agglomérations plus petites, inférieures à 500 000 habitants. là, les urgences deviennent du coup effectivement parfois compliquées à organiser, surtout si les confrères ne s’entendent pas bien entre eux pour gérer les gardes ! »
des propriétaires se disent intéressés par une clinique ouverte 24 h/24 (Source : Vetfuturs)
Nous sommes une petite structure, avec un fonctionnementnormal de trois vétérinaires durant l’hiver. Nous avons formé un groupement d’intérêt économique (GIE) avec quatre autres cabinets, de manière à avoir à chaque fois un vétérinaire de garde pour deux structures. J’effectue les urgences depuis dix ans. Aujourd’hui, nous consacrons davantage de temps aux chiens et aux chats qu’avant. Parce que plus d’animaux sont médicalisés. De plus, étant situés à la périphérie de Nevers, certains clients viennent parfois chez nous en urgence, parce que, disent-ils, ils n’arrivent pas à trouver de vétérinaire de garde dans la ville même. C’est vrai qu’il nous arrive de recevoir des gens qui sont inquiets par excès, mais ils sont contents d’avoir une réponse immédiate à leur problème… à l’inverse, en rurale, il est également vrai que les éleveurs essaient de gérer plus de choses par eux-mêmes qu’autrefois. Mais ils n’hésitent pas à faire appel à nous en cas de vêlage difficile, quand de très jeunes veaux sont malades, etc. C’est vrai que les urgences, c’est dur. Surtout quand le téléphone sonne à l’heure des repas, toujours après la douche, ou juste lorsque l’on vient de se coucher ! Mais c’est aussi dans ces moments-là que nous traitons des cas médicaux les plus intéressants. Oui, encore aujourd’hui, quand je reviens du village après un vêlage, je trouve que c’est cool et que j’ai un beau métier.
Depuis mi-janvier 2019, notre clinique est ouverte 24 h/24, 7 j/7, car nous avons embauché pour ce faire cinq vétérinaires supplémentaires, qui travaillent à 90 % durant la nuit et le dimanche. Un seul de ces nouveaux embauchés est parti pratiquement tout de suite. Les autres sont restés, sans doute parce qu’ils bénéficient de salaires attractifs, mais aussi parce que La Rochelle est une belle cité portuaire ! En outre, il y a toujours un vétérinaire senior d’astreinte et, autant que possible, deux vétérinaires travaillent chaque dimanche. Désormais, notre clinique se développe sur trois créneaux économiques : dans le domaine généraliste, en référé (localement mais aussi en provenance de départements voisins) et donc, depuis un an, en urgence. Je pense que cette solution arrange de nombreux confrères généralistes de notre voisinage, qui ne souhaitent plus faire de gardes. Quant à nos clients, ils sont ravis, notamment parce qu’il y a un vétérinaire sur place la nuit pour surveiller leurs animaux hospitalisés. Nous répondons à tous types d’urgence, y compris aux cas d’urgence émotive…
DEUX VÉTÉRINAIRES MIXTES SOUHAITANT RESTER ANONYMES EN RAISON DE LEURS DIFFICULTÉS DE RECRUTEMENT, S’EXPRIMENT AINSI :
UNE PRATICIENNE MIXTE, DANS LE FINISTÈRE :
Je n’arrive pas à recruter !
J’ai passé plusieurs annonces pour recruter, avec à la clé aucune candidature d’obtenue. En revanche, j’ai été contactée par une agence de recrutement qui me propose ses services, une entreprise m’a démarchée pour un site web, et j’ai aussi reçu votre demande d’interview ! Les annonces passées dans les écoles sont également restées lettres mortes, ainsi que celles diffusées dans les centres de référé. Je n’ai absolument aucun candidat qui souhaite intégrer mes urgences.
UN PRATICIEN MIXTE, DANS LE LOT :
Il faudrait être de garde un week-end sur quatre
Nous sommes en train d’essayer de recruter un vétérinaire supplémentaire, mais c’est difficile ! Du coup, pour 2020, nous avons déjà accepté l’idée de ne trouver personne d’autre à intégrer à notre planning de garde. D’ailleurs, les deux jeunes consœurs qui font désormais partie de nos urgences ont été formées ici. Cela suppose beaucoup de temps et d’envie. Nous le faisons avec le sourire, mais ce n’est pas toujours simple à organiser… En bref, assurer les urgences me donne toujours beaucoup de satisfaction, les relations sont différentes et sympas avec la clientèle, mais il faudrait pouvoir garder un rythme d’un week-end de garde sur quatre, et non d’un sur trois. Ce serait l’idéal… Pour intéresser le maximum de vétérinaires à participer aux urgences, il faut à mon avis tout faire, dont un partage équitable et une bonne rémunération.