PRATIQUE CANINE FÉLINE NAC
FORMATION
Auteur(s) : TAREK BOUZOURAA
L’anémie hémolytique à médiation immune (AHMI) se définit par la présence d’une hémoglobinémie inférieure à 12 g/dl, d’une réticulocytose évidente (> 60 000 réticulocytes/mm3), d’indicateurs d’hémolyse immune intravasculaire (hémoglobinurie, sérum hémolysé et poïkilocytose) ou extravasculaire (bilirubinémie, hyperbilirubinémie, sphérocytose, autoagglutination et/ou test de Coombs positif). Un récent consensus de l’American College of Veterinary Internal Medicine regroupe les dernières recommandations relatives au traitement et au suivi de cette affection chez le chien1.
- La récolte des urines et de sang sur tubes EDTA (pour l’hémogramme, les tests de Coombs et les recherches par polymerase chain reaction [PCR]), hépariné (biochimie dont bilirubine) et sec (sérologies) doit s’effectuer avant d’instaurer le traitement immunosuppresseur et anti-infectieux probabiliste (imidocarbe et doxycycline).
- La prednisolone est la pierre angulaire du traitement immunosuppresseur (2 à 3 mg/kg/j ou 40 à 60 mg/m2 chez les chiens de plus de 25 kg).
- Le recours à un second agent est proposé pour les cas compliqués (hémolyse intravasculaire plus grave et de moins bon pronostic), en cas de thérapie réfractaire après 2 à 3 jours (persistance d’indicateurs d’hémolyse active) ou pour les chiens à risque de développer des effets secondaires d’une corticothérapie prolongée. Les agents qui peuvent accompagner la corticothérapie (voire s’y substituer) incluent en France2 l’azathioprine3 (2 mg/kg/j ou 50 mg/m2/j per os [PO]), la ciclosporine (5 à 10 mg/kg/j PO) et le léflunomide3 (2 mg/kg/j PO). La perfusion d’immunoglobulines humaines (0,5 à 1 g/kg par voie intraveineuse) pourrait être une solution de dernier recours. L’intérêt de l’emploi conjoint de plus de deux immunosuppresseurs n’est pas prouvé.
- La transfusion n’est pas dénuée de risque (hémolyse, syndrome fébrile, thromboembolie, surcharge volémique, hypocalcémie, transmission d’agent infectieux, etc.), ce qui justifie une évaluation préalable du rapport bénéfice/risque. Idéalement, c’est un culot globulaire qui doit être administré pour limiter les désagréments immunologiques.
- Hormis si le comptage plaquettaire est inférieur à 30 000/mm3, la thromboprophylaxie doit être prescrite jusqu’à l’arrêt de la corticothérapie. L’héparine de bas poids moléculaire serait l’anticoagulant à privilégier (enoxaparine idéalement, à la dose de 0,8 à 1 mg/kg toutes les 6 heures, par voie sous-cutanée, durant les deux premières semaines minimum), tandis qu’elle gagnerait de manière certaine à être couplée à un traitement antithrombotique comme le clopidogrel3 (10 mg/kg PO le premier jour, puis 2 à 4 mg/kg/j durant tout le traitement).
- Efficacité du traitement. Un traitement est jugé efficace si, après 2 semaines environ, l’hémoglobine se maintient dans les valeurs usuelles (> 12 g/dl), la réticulocytose, ainsi que la bilirubinémie et la bilirubinurie se normalisent, et si la sphérocytose et l’autoagglutination disparaissent. Dans ce cas de figure, si le chien ne reçoit que de la prednisolone, la dose peut être réduite par palier maximum de 25 % toutes les 3 semaines jusqu’à son arrêt au bout de 3 à 4 mois. En cas de prescription d’un second immunosuppresseur, la dose de prednisolone uniquement peut être réduite de 25 à 50 %, alors que le second immunosuppresseur est maintenu à la même dose tant que la corticothérapie n’est pas achevée. C’est dans un second temps que la dose du second immunosuppresseur est réduite en respectant des paliers précautionneux de manière similaire à ceux évoqués pour la corticothérapie.
- Les effets secondaires des corticoïdes doivent être systématiquement recherchés et il est indispensable de ne prescrire que la dose minimale efficace, voire de recourir à un second agent immunosuppresseur (surtout pour les chiens de grand gabarit). La prescription d’azathioprine nécessite un suivi de l’activité des alanines aminotransférases (Alat ; hépatotoxicité). L’emploi de ciclosporine ne nécessite pas de suivi particulier. Ces deux agents peuvent induire des cytopénies (neutropénie et thrombopénie, notamment) par myélotoxicité qui nécessiteront leur interruption ou la réduction des doses.
1. Swann J. W., Garden O. A., Fellman C. L. et coll. Acvim consensus statement on the treatment of immune-mediated hemolytic anemia in dogs. J. Vet. Intern. Med. 2019;33:1141-1172.
2. Le mycophénolate mofétil, recommandé en Amérique du Nord, n’est pas accessible en France pour les animaux de compagnie.
3. Pharmacopée humaine.