PRATIQUE CANINE FÉLINE NAC
FORMATION
Auteur(s) : JULIEN MICHAUT-CASTRILLO
CONFÉRENCIERS
PIERRE GUILLAUMOT, DIPLOMATE ECVS, CLINIQUE OLLIOLIS, OLLIOULES (VAR) • CHANTAL RAGETLY, DIPLOMATE ACVS ET ECVS, CLINIQUE EVOLIA, L’ISLE-ADAM (VAL-D’OISE) • GUILLAUME RAGETLY, DIPLOMATE ACVS ET ECVS, CHV FRÉGIS, ARCUEIL (VAL-DE-MARNE).
Pour le groupe d’étude en chirurgie orthopédique vétérinaire (Gecov) de l’Afvac. Article rédigé d’après des conférences présentées au congrès de l’Afvac à Lyon, en novembre 2019.
La dysplasie du coude est la première cause de boiterie thoracique du chien. Il s’agit d’une maladie héréditaire avec une hérédité polygénique, dont l’expression est influencée par l’environnement. Une prédisposition raciale existe notamment chez le labrador, le golden retriever et le bouvier bernois. Certains chiens de plus petite taille peuvent aussi être atteints (races chondrodystrophiques). Les mâles sont deux fois plus touchés que les femelles. L’atteinte est bilatérale dans 1 cas sur 3.
La dysplasie du coude regroupe quatre entités cliniques : la non-union du processus anconé, la fragmentation du processus coronoïde médial, l’ostéochondrite disséquante de la trochlée humérale et l’incongruence articulaire, les trois dernières affections pouvant être regroupées sous le terme de “maladie du compartiment médial”. L’origine est complexe et méconnue, avec la suspicion d’une interaction entre chaque entité.
Le processus anconé se forme à partir d’un centre d’ossification secondaire (absent chez les chiens de petites races) vers 12 semaines et sa fusion a lieu vers 15 semaines (20 semaines chez le berger allemand, particulièrement touché avec le bouvier bernois et le mastiff). Des contraintes excessives sur le processus anconé, notamment lors d’incongruence articulaire, entraînent une non-union jusqu’à une fragmentation, le fragment pouvant être maintenu à l’ulna par un tissu fibreux ou libre. Une boiterie vers 5 à 12 mois est alors observée et due à la synovite et à la dégénérescence arthrosique. Le pronostic chirurgical reste réservé.
Plus justement appelée “atteinte du processus coronoïde médial”, il s’agit de l’entité la plus courante dans la dysplasie du coude. Son origine est complexe, liée très probablement à des forces excessives exercées sur le compartiment médial qui conduisent à une atteinte cartilagineuse jusqu’à une fragmentation plus ou moins complète du processus coronoïde médial. Une dégénérescence arthrosique se développe et des lésions du condyle huméral médial peuvent être observées, appelée « maladie du compartiment médial ».
La maladie débute par un défaut d’ossification endochondrale, majoritairement localisé à la lèvre médiale de la trochlée humérale, et évolue jusqu’à une fissure et la libération d’un fragment cartilagineux. Une boiterie apparaît souvent vers 5 à 8 mois lorsqu’il se forme une souris articulaire ou, plus tardivement, à cause des lésions arthrosiques. Le golden retriever est particulièrement touché. Le pronostic chirurgical dépend des lésions cartilagineuses observées.
Elle résulte d’une croissance asynchrone entre le radius et l’ulna, qui engendre un défaut d’alignement des surfaces articulaires huméro-radiale, huméro-ulnaire et radio-ulnaire, modifiant alors la biomécanique du coude. Cela crée des microtraumatismes sur le processus anconé (“ulna court”) ou coronoïde médial (“radius court”), qui favorisent respectivement une non-union du processus anconé et une fragmentation du processus coronoïde médial. L’incongruence articulaire est donc rarement diagnostiquée seule.
Le diagnostic de dysplasie du coude repose sur une démarche méthodique et rigoureuse. Le recueil et la prise en compte des commémoratifs et l’anamnèse sont aussi importants que l’examen clinique strict.
Il permet de mettre en évidence une boiterie thoracique non spécifique. La boiterie doit être classiquement gradée de 0 à 5. Une adduction discrète du coude associée à une rotation externe du carpe peut être observée à l’arrêt chez les chiens souffrant d’une fragmentation du processus coronoïde médial. De même, la visualisation d’un cul-de-sac synovial anconéen latéral laisse suspecter une synovite souvent secondaire à cette lésion.
Ils sont indispensables pour confirmer une boiterie orthopédique et exclure une maladie systémique et une atteinte nerveuse. Les tests de proprioception sont à réaliser de manière fiable en soutenant le plus possible le poids du corps.
Cette étape permet la localisation précise de la zone douloureuse. Pour les grands chiens, il est conseillé de le faire debout au sol pour limiter le stress de l’animal. Il doit s’agir d’une séquence routinière afin de ne rien oublier, sans omettre le rachis et les membres pelviens, même lors d’une boiterie thoracique. Les manipulations doivent être symétriques, afin de comparer les deux côtés, et souvent répétées pour relativiser certaines réactions. La palpation musculaire permet d’évaluer notamment les zones d’amyotrophie, d’asymétrie et de contracture. La palpation-pression et la mobilisation articulaire est ensuite réalisée rigoureusement disto-proximalement et permet de mettre en évidence une douleur, une tuméfaction (statique) ou une laxité, une ankylose, une crépitation (dynamique). Une augmentation du volume du coude, une induration, une diminution de l’amplitude articulaire ou des crépitements sont les signes d’arthrose déjà présente mais pas forcément clinique. Une douleur à l’hyperextension laisse suspecter une non-union du processus anconé, tandis qu’une flexion du coude et du carpe à 90° et pronation (test de Campbell) évoque une atteinte du compartiment médial (fragmentation du processus coronoïde médial ou ostéochondrite disséquante).
Guillaume Ragetly estime qu’« un chien de grande taille souffrant de son coude est, jusqu’à preuve du contraire et même en l’absence d’anomalie radiographique, atteint de fragmentation du processus coronoïde médial. » Le diagnostic différentiel peut se limiter aux deux ou trois hypothèses les plus fréquentes, afin d’exposer de manière claire la démarche à suivre au propriétaire. Une ponction articulaire peut être intéressante. Des examens d’imagerie sous le plus souvent utile pour confirmer la suspicion clinique et donner un pronostic dépendant des lésions arthrosiques présentes.
La radiographie est l’examen d’imagerie de première intention lors de suspicion de dysplasie du coude. Une radiographie de profil en hyperflexion doit être faite en plus des deux incidences orthogonales classiques, afin de dégager le processus anconé et vérifier son union. Sur le cliché de profil, une marche radio-ulnaire supérieure à 2 mm est caractéristique d’une incongruence articulaire. Cependant, cet examen est peu sensible. La vue de face permet de déterminer avec une faible sensibilité (35 %) si le compartiment médial est atteint. Une légère rotation interne du carpe aide à mieux visualiser le processus coronoïde médial. En cas de suspicion clinique de dysplasie du coude et sans lésion radiographique, il est conseillé de poursuivre l’exploration avec d’autres techniques d’imagerie.
Le scanner est l’examen de choix, car il permet une évaluation bilatérale, rapide, non invasive et de forte sensibilité diagnostique. Sa principale limite est son coût. En cas de non-union du processus anconé diagnostiquée, un examen tomodensitométrique est conseillé afin de faire un bilan lésionnel complet pré-opératoire.
L’arthroscopie est un excellent examen diagnostic pour l’évaluation des surfaces articulaires et de l’incongruence articulaire. Elle a aussi l’avantage d’être à la fois diagnostique et thérapeutique. C’est la seule qui distingue de manière sûre l’ostéochondrite disséquante des lésions en miroir.
L’imagerie par résonnance magnétique, moins disponible que le scanner, permet également de faire un bilan lésionnel complet. Elle est à privilégier pour l’évaluation des lésions musculo-tendineuses périarticulaires.