FILM
COMMUNAUTÉ VÉTÉRINAIRE
Auteur(s) : MICHEL BERTROU
Des silhouettes s’affairent sur la surface gelée du lac Baïkal. Que font-ils ? Par l’ouverture qu’ils ont creusée dans la glace fragilisée, on parvient enfin à distinguer un véhicule immergé. Alors que les sauveteurs le treuillent lentement hors de l’eau, la caméra se détourne pour suivre une autre voiture filant au loin sur le lac glacé, quand, tout à coup, elle chavire, disparaît, happée à son tour par la précocité du dégel. Avec cette saisissante ouverture, le documentariste Victor Kossakovsky1 propose une singulière méditation visuelle et sonore “sans commentaire” sur les formes et la puissance de l’eau, majestueuse autant que dévastatrice, au temps du réchauffement climatique. Images abstraites, stupéfiantes (à 96 images par seconde) d’énormes blocs d’un glacier groenlandais s’écroulant avec fracas dans la mer, d’icebergs dérivant sur et sous l’océan, d’une houle vertigineuse dans une mer déchaînée prête à nous avaler, de cataractes furieuses jaillissant d’un barrage sur le point de céder, de pattes de chevaux se débattant dans les eaux troubles d’une inondation. À rebours de la plupart des documentaires environnementaux, l’expérience à laquelle le spectateur est ici convié n’est pas narrative, mais contemplative : elle donne à ressentir. Le cinéaste n’y pointe pas la destruction de la nature par les hommes, mais pose un regard de peintre sur sa souveraine énergie, mettant en évidence que quoi qu’on lui fasse subir, elle survivra… en nous balayant sans doute au passage.
1. Voir aussi La Semaine Vétérinaire n° 1529 du 1/3/2013, page 50.
Aquarela - L’Odyssée de l’eau de Victor Kossakovsky, Allemagne-Royaume-Uni-Danemark, 1 h 29, sortie le 5 février 2020.