BIODIVERSITÉ
PRATIQUE CANINE FÉLINE NAC
ANALYSE
Auteur(s) : MYLÈNE PANIZO
LA PROFUSION DE RATS MUSQUÉS, DE TORTUES DE FLORIDE OU ENCORE DE CHIENS VIVERRINS A UN IMPACT ÉCOLOGIQUE, ÉCONOMIQUE ET SANITAIRE. BIEN QUE CE DANGER SOIT ENCORE MÉCONNU DU GRAND PUBLIC, LE VÉTÉRINAIRE EST UN INTERLOCUTEUR DE CHOIX, ESSENTIELLEMENT À TITRE PRÉVENTIF.
En 2019, de nouvelles espèces exotiques envahissantes (EEE) ont été ajoutées à la liste réglementaire européenne. Elles sont le reflet d’une problématique écologique et sanitaire globale. François Delaquaize, chargé de mission au ministère de la Transition écologique et solidaire, a alerté la profession sur ce phénomène à l’occasion d’un module consacré à la biodiversité lors du congrès de l’Association française des vétérinaires pour animaux de compagnie (Afvac) à Lyon (Rhône), en novembre 2019.
Selon la définition de l’union internationale pour la conservation de la nature (uicn), une espèce exotique envahissante est « une espèce allochtone dont l’introduction par l’homme (volontaire ou fortuite), l’implantation et la propagation menacent les écosystèmes, les habitats ou les espèces indigènes avec des conséquences écologiques ou économiques ou sanitaires ». En Europe, plus de 1 000 espèces envahissantes sont recensées, principalement végétales (sur 12 100 espèces introduites), soit une augmentation de 76 % depuis les années 1970. Entre 11 et 13 % des EEE présentent des impacts écologiques et économiques négatifs1. L’Union européenne définit une liste de 69 EEE préoccupantes, dont 30 espèces animales (tortue de floride, raton laveur, chien viverrin ou encore rat musqué). Les voies d’introduction des EEE passent par le trafic de marchandises, le tourisme, l’agriculture, la chasse, la pêche, le commerce et les catastrophes naturelles. Les dynamiques invasives sont imprévisibles, elles dépendent de la capacité de reproduction et d’adaptation de l’espèce et de l’absence de prédateurs, et la régulation naturelle est rare. Les EEE ont un triple impact : écologique (érosion de la biodiversité, modification des écosystèmes), économique (maladies animales et végétales, perte de rendement agricole) et sanitaire (maladies vectorielles avec notamment l’expansion du moustique tigre).
Les vétérinaires ont un rôle d’information et de conseil auprès des clients détenteurs d’une espèce exotique NAC (tortue de Floride, par exemple) : il est de leur devoir devoir de leur faire connaître la réglementation (identification, demande de dérogation pour la détention de l’animal à la préfecture, interdiction de reproduction et d’abandon, conditions de détention empêchant toute fuite). Le praticien peut être également confronté à des particuliers qui amènent un animal exotique trouvé blessé, il convient alors de s’adresser aux services compétents (DDPP, ONCFS2). En tant qu’interlocuteur de proximité privilégié, il doit prévenir ses clients de ne pas importer des espèces exotiques de l’étranger et de bien s’informer de la légalité d’acquisition d’un NAC. Certaines EEE, détenues par des parcs zoologiques, des particuliers ou des élevages, sont des vecteurs potentiels de zoonose, plaçant le vétérinaire au cœur de la surveillance. Enfin, par son rôle social et son expertise scientifique, le vétérinaire peut être confronté à des questionnements que soulèvent les EEE. Les méthodes de lutte, dont l’éradication, ne sont généralement pas bien perçues par la population, notamment lorsqu’elles touchent les mammifères envahissants ou des espèces domestiques devenues férales et invasives (chats, chèvres en outre-mer). Certaines EEE soulèvent des débats scientifiques : doit-on réellement lutter contre celles qui induisent un impact négatif immédiat mais qui seraient potentiellement source de biodiversité dans le futur ? La prise de conscience du danger des EEE est difficile car encore trop méconnu et la destruction des écosystèmes est indirecte et insidieuse. Une implication globale de multiples acteurs, dont les vétérinaires, est nécessaire pour enrayer le phénomène des EEE.
1. www.especes-exotiques-envahissantes.fr.
2. Directions départementales de la protection des populations, Office national de la chasse et de la faune sauvage.