EXPRESSION
LA QUESTION EN DÉBAT
Dans un contexte de féminisation croissante de la profession vétérinaire, la question du congé maternité pour la vétérinaire libérale est brûlante. Le droit du travail a récemment évolué en alignant la durée du congé des indépendantes sur celle des salariées.
ANNE BALTAZART (A09)
Praticienne mixte à Magny-Cours (Nièvre)
Pour mon premier enfant, j’ai utilisé le temps des vacances afin de prolonger mon congé maternité. Cela est toutefois resté très fatigant car j’ai réattaqué l’hiver en rural. Alors même que le bébé ne faisait pas encore ses nuits, j’étais donc également réveillée pour partir sur la route et travailler la nuit pour les vêlages… pour mon second enfant, mon médecin m’a arrêtée un mois et demi avant, et j’ai donc mis toute ma période de vacances après l’accouchement ! Donc oui, le congé maternité en tant que libérale, ça reste compliqué, d’autant plus que, contrairement à une salariée, il y a aussi toute la charge d’avoir à recruter un remplaçant… l’idéal serait que ce congé maternité puisse être rallongé, jusqu’aux 4 à 6 mois de l’enfant, quand il commence à manger du solide. Quant au congé paternité, il devrait aussi être beaucoup plus long. Cela permettrait qu’il y ait moins de discrimination à l’embauche.
CHARLOTTE FIRIDOLFI (N 11)
Praticienne en équine à Avrillé (Maine-et-Loire)
C’est d’abord un investissement financier à assumer, une situation que je n’avais pas du tout anticipée ! C’est aussi une grande organisation du travail : avant mon congé maternité, j’ai dû présenter un remplaçant à mes associés. Quant à l’exercice du métier pendant la grossesse, c’est compliqué : on est sans cesse sur la route, toujours accroupie, toujours à porter des choses… le dernier poulinage que j’ai assuré à 5 mois et demi de grossesse, je l’ai senti passer ! Après l’accouchement, il faut vite retrouver ses abdominaux. On revient au boulot, après avoir mis sa carrière professionnelle entre parenthèses durant un an. Il faut alors se débrouiller à trouver des baby-sitters quand l’on fait ses gardes, si l’on veut que son conjoint puisse garder une vie agréable, les soirs et les week-ends. La maternité, dans ces conditions, reste une énorme source d’inégalité entre homme et femme, et même entre femmes. Je ressors même un peu de cette période de grossesse avec un sentiment d’injustice. C’est dommage…
SOPHIE LATAPIE (A 07)
Praticienne mixte à Confolens (Charente)
Pour mon travail à dominante rurale, j’ai eu le stress de calculer les bonnes dates pour le recrutement et la formation de mon remplaçant. Sans savoir si j’allais ou non avoir une grossesse pathologique… pour mon premier enfant, j’ai travaillé jusqu’à 7 mois et demi, mais c’était très dur. Mon mari, éleveur, a même dû m’accompagner durant mes gardes, pour m’aider parfois à remettre en place des matrices très lourdes. Transférer mes gardes à mes autres associés n’était pas envisageable, cela aurait provoqué trop de stress pour toute l’équipe. Depuis 2019, notre congé maternité en exercice libéral a la même durée que celui des salariées. Mais on nous oblige à nous arrêter six semaines avant l’accouchement. Et comme les indemnités que l’on touche sont forfaitaires, cela revient pour moi à toucher seulement une demi-paie. J’estime avoir financé mes deux grossesses avec environ 24 000 € d’épargne personnelle. On ne fait donc pas un bébé quand on en a envie, c’est beaucoup d’argent et beaucoup d’organisation.