INITIATIVE
PRATIQUE CANINE FÉLINE ET NAC
Auteur(s) : FRÉDÉRIC THUAL
DEPUIS PLUS DE QUATRE ANS, LA VÉTÉRINAIRE CANNOISE ALEXANDRA COUTURE (A 85) EXPÉRIMENTE, LORS DES VISITES, CETTE TECHNIQUE RESPIRATOIRE QUI PERMET D’AGIR SUR LA CONTAGION DES RYTHMES CARDIAQUES ENTRE L’HOMME ET L’ANIMAL.
Ce n’est pas systématique, mais lorsqu’un animal entre en consultation dans un état de vigilance accrue, je propose à son propriétaire une séance de cohérence cardiaque », explique Alexandra Couture (A 85), vétérinaire praticienne, associée de la clinique vétérinaire Alpha à Cannes (Alpes-Maritimes). « La cohérence cardiaque ? C’est une technique respiratoire qui vise à équilibrer les mouvements du cœur et la respiration. Soit pour apaiser l’animal, soit pour éviter la contagion du stress du propriétaire. C’est aussi un outil pour le professionnel qui cherche à se détendre avant une ponction veineuse ou une chirurgie délicate », conseille-t-elle. « J’y ai recours deux à trois fois par jour. En quatre ans, aucun client n’a refusé », constate-t-elle. « Je leur parle d’éponge émotionnelle, leur demande s’ils acceptent de faire quelque chose pour leur animal… ». Dès lors, elle leur propose de s’asseoir à côté de l’animal, sans le regarder et sans lui parler, d’abaisser la fréquence de leur respiration jusqu’à six cycles par minute à l’aide d’une boule lumineuse et vibrante. « Ça dure jusqu’à deux minutes et ça marche », assure-t-elle. Un chaton tombé du quatrième étage, devenu phobique à la vue d’un vétérinaire, qui ne voulait pas sortir de sa cage ou un malinois particulièrement agressif à la vue d’un praticien seraient ainsi devenu manipulables. « Pour le vétérinaire, c’est un outil. Libre à lui de l’utiliser ou non. »
Méconnue en médecine vétérinaire, la technique serait déjà très utilisée en humaine, notamment par les pilotes de chasse pour réguler leur fréquence cardiaque, réduire leur niveau de stress et augmenter leur vigilance. Attirée par la médecine comportementale, Alexandra Couture va mener ses propres recherches. « À la mesure de ma clinique », précise-t-elle. En 2003, dans le cadre du diplôme interécoles de comportementaliste, elle choisit de consacrer son mémoire au lien entre les maladies cardiovasculaires et le comportement animal et, en l’occurrence, la maladie mitrale chez le chien. « Les chirurgies tentées en Grande-Bretagne ou en France sont très coûteuses et encore non standardisées. Même si l’état cardiologique est pris en charge par des traitements classiques, j’essaie de tenir compte de l’environnement de l’animal, des facteurs de stress qui pourraient aggraver une affection cardiaque, à l’image du phénomène d’hyperventilation chez les paniqueurs chroniques en humaine, dont 35 % sou rent d’une anomalie de la valve mitrale, proche de celle du chien. » La réflexion l’amène à s’inspirer des travaux de spécialistes, dont le cardiologue Jean-Pierre Houppe, initiateur de la psychocardiologie en France, avant de dispenser elle-même cette discipline nouvelle au diplôme universitaire de zoopsychiatrie. En 2015, la rencontre du médecin franco-canadien David O’hare, collaborateur du spécialiste de la cohérence cardiaque David Servan-Schreiber, l’encourage. « Lui cherchait un vétérinaire pour travailler sur ce sujet. » À l’époque, l’institut américain Heart Math avait enregistré un tachogramme sur lequel les courbes de l’humain et de son chien semblaient se synchroniser selon qu’ils étaient séparés ou réunis. « En Italie, seules des mesures effectuées avec un holter entre un cavalier et son cheval ont pu montrer une contagion entre les systèmes », indique Alexandra Couture qui admet que « faute de bibliographie et de publication, on ne peut pas parler de sciences, mais plutôt de pseudosciences ». Pour promouvoir cette méthode, elle a fondé l’association Zenfeel et développé l’application éponyme, disponible gratuitement sur Android, pour s’initier à la cohérence cardiaque. « Dans tous les cas, c’est un moyen simple et gratuit d’améliorer le bien-être de l’animal… et du vétérinaire », conclut-elle.