LES BRONCHOPNEUMOPATHIES PARASITAIRES EN FRANCE - La Semaine Vétérinaire n° 1842 du 21/02/2020
La Semaine Vétérinaire n° 1842 du 21/02/2020

ANGIOSTRONGYLOSE, OSLÉROSE, ETC.

PRATIQUE CANINE FÉLINE ET NAC

FORMATION

Auteur(s) : MYLÈNE PANIZO

JULIE GALLAY-LEPOUTRE, diplomate ACVIM, praticienne à la clinique Olliolis (Ollioules, Var) • MARIO CERVONE, résident Ecvim à VetAgro sup (Lyon) • ÉMILIE KRAFFT, diplomate Ecvim-CA, maître de conférences à VetAgro Sup (Lyon).

Article rédigé d’après une présentation faite au congrès de l’Afvac à Lyon, en novembre 2019.

Les parasitoses respiratoires chez le chien et le chat sont assez rares (prévalence entre 1 et 10 %), mais de plus en plus fréquemment diagnostiquées en France, en raison d’une (ré) émergence de ces parasites et depuis l’apparition de nouveaux moyens diagnostiques. Les parasites respiratoires sont à inclure dans le diagnostic différentiel des bronchopneumopathies, surtout dans un contexte épidémiologique favorable.

Parasites trachéo-bronchiques

Oslerus osleri est un strongle vivant au sein de granulomes situés dans la trachée et la bifurcation trachéo-bronchique du chien, qui se transmet par voie orofécale lors de contacts rapprochés (contexte d’élevage). Chez le chien et le chat, Eucoleus aerophilus (trichure) vit dans la paroi trachéo-bronchique, sa transmission est oro-fécale, le ver de terre peut jouer le rôle d’hôte facultatif. Crenosoma vulpis (chez le chien), ainsi que Aelurostrongylus abstrusus et Troglostrongylus brevior (chez le chat) sont des strongles dont les adultes vivent dans les bronches et bronchioles. Leu r cycle fait intervenir un hôte intermédiaire (HI : escargots, limaces), et souvent pour A. abstrusus, des hôtes paraténiques (HP : oiseaux, lézards, petits rongeurs). Chez le chien, Filaroides hirthi est un parasite localisé principalement dans le parenchyme pulmonaire (transmission oro-fécale, majoritairement pendant la lactation).

Parasites de la vascularisation pulmonaire

Angiostrongylus vasorum est un strongle qui vit dans les artères et artérioles pulmonaires, voire dans le cœur droit du chien. Les larves migrent dans les alvéoles, sont expectorées puis dégluties et éliminées dans les selles. Le chien se contamine par l’ingestion d’un HI (escargots, limaces) ou d’un HP (grenouilles). La période prépatente varie entre 1 et 4 mois. Dirofilaria immitis est un nématode qui vit dans les artères pulmonaires, voire dans le cœur droit et la veine cave. Il pond des microfilaires qui se trouvent dans la circulation sanguine et contaminent un moustique (culicidé), l’HI, qui, à son tour, contamine un chien par piqûre. La période prépatente se situe entre 6 à 8 mois. Le chat est plus résistant à D. immitis, mais peut toutefois être occasionnellement infesté.

Présentation clinique

Dans de nombreux cas, l’infection est peu, voire asymptomatique. Les signes respiratoires dépendent de la localisation du parasite. Lorsque ce dernier est présent dans la trachée et les grosses bronches (O. osleri, E. aerophilus), la toux est forte, quinteuse et fréquente. Les parasites qui se localisent dans les petites bronches et bronchioles (A. abstrusus, C. vulpis) et les parasites vasculaires (angiostrongylose, dirofilariose) provoquent plutôt une tachypnée, une dyspnée, voire une détresse respiratoire. Des signes généraux tels qu’une perte de poids, une fièvre ou une dysorexie peuvent être constatés. Dans 15 % des cas d’angiostrongylose et dans des formes sévères de dirofilariose, une hypertension artérielle pulmonaire (HTAP) est présente et peut induire une fatigabilité et des syncopes. Lors d’angiostrongylose, des saignements spontanés, des troubles digestifs, de la polyuropolydipsie, des uvéites ou des troubles nerveux ont été constatés.

Examens complémentaires

Les analyses sanguines sont peu spécifiques. Une éosinophilie n’est pas toujours constatée à l’hémogramme (présente dans seulement 25 % des cas d’angiostrongylose).

La radiographie thoracique est peu spécifique, mais peut orienter le praticien. La présence d’un épaississement des parois bronchiques associée à des lésions alvéolaires multifocales est suggestive d’angiostrongylose (apparition des lésions 5 à 7 semaines postinfection). Plus généralement, des lésions broncho-alvéolaires périphériques et parfois interstitielles sont présentes lors de parasitoses pulmonaires. L’examen des selles est indispensable dans ce contexte. Il est conseillé d’obtenir trois échantillons de fèces émises consécutivement et d’associer une flottaison simple (sensibilité entre 40 et 90 % selon le parasite en cause) à une méthode Baermann (sensibilité entre 50 et 100 %, détection à partir de 8 semaines postinfection). La spécificité de ces deux méthodes est opérateur dépendant.

Pour l’angiostrongylose, le seul test sérologique présent en France est l’Angio Detect (laboratoire Idexx). Un test positif (détection des antigènes à partir d’environ 14 semaines postinfection, spécificité entre 89 et 100 % selon les études cliniques) indique le plus souvent une angiostrongylose, mais un résultat négatif ne permet pas de l’exclure (sensibilité entre 85 et 97 % selon les études). En Suisse (faculté VetSuisse de Zurich), deux tests sont disponibles dont l’un détecte les anticorps à partir d’environ 3 à 5 semaines postinfection (sensibilité de 86 %, spécificité de 99 %). La réalisation d’un lavage bronchoalvéolaire (LBA) est indiquée en cas de suspicion non confirmée par l’examen coproscopique, même si la visualisation des larves est loin d’être systématique. Lors d’angiostrongylose, l’analyse du LBA révèle une inflammation majoritairement neutrophilique et parfois aussi éosinophilique, tandis que la population cellulaire dominante en cas de crénosomiase est de nature éosinophilique. La recherche par polymerase chain reaction n’est que peu accessible actuellement en France et des faux négatifs sont possibles. L’échocardiographie est un examen de choix lors de suspicion d’HTAP.

Traitements

Lors d’angiostrongylose avec des signes modérés, il est conseillé d’utiliser de l’Advocate (imidaclopride, moxidectine) et de renouveler l’application au bout de 4 voire 2 semaines. Lors de cas sévères, il peut être préférable d’utiliser du fenbendazole (Panacur ; hors AMM) à 50 mg/kg/j, pendant 21 jours, ce qui pourrait permettre une élimination progressive des parasites. En e et, une aggravation et des morts (15 % de mortalité) ont été décrits après la mise en place d’un traitement (en lien avec une réaction inflammatoire liée à la mort des parasites et/ou à une thrombo-embolie). Il importe d’informer le propriétaire sur ces risques et de prescrire un repos strict pendant 1 à 2 semaines. L’administration concomitante de prednisolone à 0,5 mg/kg/j sur une semaine est envisageable, bien que son intérêt n’ait pas été confirmé. Chez le chat, deux applications de Broadline (fipronil, [S]-méthoprène, éprinomectine, praziquantel) sont recommandées en cas d’infestation par des strongles respiratoires.

Le traitement symptomatique consiste à gérer la détresse respiratoire, l’éventuelle HTAP et à limiter l’inflammation. L’utilisation d’un antitussif est contreindiquée, car la toux permet d’éliminer les sécrétions. Les surinfections bactériennes sont rares et doivent être confirmées avant la prescription d’antibiotiques. Le suivi de l’efficacité du plan thérapeutique est avant tout clinique. Une amélioration est attendue sous 7 jours, la guérison entre 2 et 6 semaines. À la radiographie, les lésions disparaissent plusieurs semaines après le traitement, mais peuvent parfois persister. Les caractéristiques des tests antigéniques étant imparfaites, et l’efficacité du traitement antiparasitaire étant supérieure à 95 %, il est discutable de refaire systématiquement des tests dans un contexte de guérison clinique. En cas d’absence d’amélioration clinique, un suivi coprologique et radiographique est indiqué.

Prévention

Ne pas donner à manger et à boire aux animaux à l’extérieur et vermifuger tous les mois tous les animaux du foyer sont les principales mesures permettant de prévenir les réinfestations, l’élimination des HI et des HP étant illusoire (il convient d’informer les propriétaires de la toxicité des molluscicides et des rodenticides chez les chiens et les chats). ?

Radiographie thoracique d’un chien atteint d’angiostrongylose.© Service de biologie et cytologie médicales de l»ENVTLarves L1 d’Angiostrongylus vasorum observées à l’examen cytologique du lavage broncho-alvéolaire du même chien atteint d’angiostrongylose.>© Service d’Imagerie médicale de VetAgro Sup