DIAGNOSTIC DIFFÉRENTIEL
ANALYSE
Auteur(s) : LORENZA RICHARD
Une enquête de l’association Animal Cross alerte sur l’importance des actes zoophiles et appelle les vétérinaires à les intégrer systématiquement dans le diagnostic différentiel des lésions anogénitales.
La suspicion d’actes zoophiles relève encore du tabou dans la profession vétérinaire. Cependant, il ne s’agit pas pour le praticien de juger certaines mœurs, mais de protéger les animaux, dans le sens où des pratiques leur sont imposées sans leur consentement et qu’elles aboutissent parfois à des lésions graves, à des états mentaux altérés, voire à leur mort. Ces actes sont punis en France de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 € d’amende, selon l’article 521-1 du Code pénal. Le praticien se trouve en première ligne pour détecter une maltraitance à caractère sexuel à travers son examen clinique, et il devrait l’intégrer davantage dans son diagnostic différentiel. C’est notamment ce que rappelle l’association Animal Cross dans son rapport d’enquête menée sur le sujet à la suite d’une dénonciation de cas de zoophilie par un lanceur d’alerte (ci-dessous).
Comme le signale Dominique Autier-Dérian, vétérinaire comportementaliste et éthologue, le rôle du vétérinaire est important, car « il peut exister un lien entre les maltraitances commises sur les animaux et celles perpétrées sur les personnes vulnérables, y compris pour ce qui concerne les abus sexuels. Un violeur d’animaux peut être un violeur d’enfants ». En cas de suspicion, notre consœur nous conseille de poursuivre l’entretien d’un point de vue purement clinique, pour discuter des lésions et de leur origine potentielle, afin de les traiter au mieux. Ce positionnement très médical, sans jugement, libère en général la parole du détenteur de l’animal. Parfois, le diagnostic peut être orienté sur témoignage d’un tiers, étonné par le comportement du propriétaire ou des animaux.
« Certaines personnes ressentent de la culpabilité, mais d’autres non, constate notre consœur, car elles n’ont pas conscience que ces actes sont maltraitants, interdits et condamnables, puisqu’ils sont en libre accès sur Internet. Notre rôle est de les en informer, avec le plus d’écoute possible, car ce n’est pas en critiquant ou en jugeant qu’on sensibilise. »
Cependant, les suspicions doivent être signalées. Le vétérinaire sanitaire peut informer la direction départementale de la protection des populations (DDPP). Le praticien non titulaire de l’habilitation sanitaire peut s’adresser au référent ordinal de la commission bien-traitance animale régionale pour discuter de la suspicion. Selon la situation, il peut alors contacter la DDPP, qui prendra les dispositions réglementaires nécessaires. Avant cela, il peut prendre des photos des lésions constatées ou réaliser des prélèvements.
2. Munro H. M. C., Thrusfield M. V. Battered pets : sexual abuse. J Small Anim. Pract. 2001;42 (7) :333-337.
Animal Cross lance une pétition en ligne contre la diffusion d’annonces et d’images zoophiles sur internet :
L’enquête d’Animal Cross sur la zoophilie
L’association Animal Cross a édité en janvier une enquête, La Zoophilie, “les animaux, les nouveaux sextoys”1, qui apporte plusieurs enseignements parmi lesquels :
• Les profils des zoophiles sont très différents. Certains sont voyeurs, d’autres revendiquent des relations d’amour véritable avec les animaux, et la zoophilie ne serait qu’une orientation sexuelle comme une autre, enfin d’autres sont adeptes de pratiques sadiques ;
• Environ 150 000 personnes regarderaient 10 vidéos zoo-pornographiques par mois, dont 86 % d’hommes, et 74 % d’entre elles ont commis des actes sexuels avec des animaux. Leur moyenne d’âge est de 32 ans, et 61 % de ces personnes ont vu leur premier film ou commis les premiers actes sexuels avant 17 ans ;
• 10 000 personnes seraient actives sur les sites de rencontres zoophiles en ligne ;
• Au Brésil, 45 % des hommes atteints de cancers péniens ont admis avoir eu des rapports sexuels avec des animaux2 ;
• Sur 11 cas signalés et condamnés par la justice française, la peine de prison ferme n’a été prononcée que dans un seul cas, où un viol humain était également associé.
2. Zequi Sde et coll., Sex with animals (SWA) : behavioral characteristics and possible association with penile cancer. A multicenter study. J. Sex Med. 2012 Jul; 9 (7).
LA PAROLE À MARJOLAINE BARON
Vétérinaire praticienne en région parisienne et auteure d’une thèse4 sur la zoophilie
Il est essentiel que les vétérinaires considèrent la zoophilie comme un véritable problème de société et l’intègrent dans leur diagnostic différentiel, même si cela est difficile quand il n’y a pas de lésion. Certaines études estiment qu’il existe un zoosadisme dans un cas sur deux de zoophilie, et une violence envers les personnes est également fréquemment constatée. Nous devons prendre conscience de ce problème et ne pas le négliger, pour les animaux, pour l’entourage humain et pour la santé publique.
4. Baron M. La zoophilie dans la société : quelle place le vétérinaire peut-il tenir dans sa répression ? Thèse de doctorat vétérinaire. Toulouse. 2017 :126p.
Dans le cadre de la discussion relative à l’amélioration de la condition animale et au respect du bien-être animal, et dans l’éventualité d’une proposition de loi fin 2020, Dimitri Houbron, député La République en marche de la 17e circonscription du Nord, a rédigé des amendements en vue d’un durcissement de la législation concernant la prévention et la répression de la zoophilie, visant notamment à :
• réprimer la production, la diffusion et la commercialisation, sur tout support, des images et vidéos représentant des sévices de nature sexuelle envers un animal ;
• préciser la notion de sévices de nature sexuelle envers un animal, qui ne reprend pas le terme de viol mais en reprend la définition (violence, contrainte, menace ou surprise), car un animal n’est jamais consentant pour subir ou pratiquer de tels actes sur un être humain ;
• créer un système de protection juridique pour les animaux faisant l’objet de sévices de nature sexuelle, inspiré de celui en vigueur sur le proxénétisme ;
• augmenter les durées de peine d’emprisonnement et d’amende punissant ces actes.