OFFREZ-VOUS UN GRAND ESPACE DE LIBERTÉ - La Semaine Vétérinaire n° 1842 du 21/02/2020
La Semaine Vétérinaire n° 1842 du 21/02/2020

SOCIÉTÉ CIVILE DE PATRIMOINE

ENTREPRISE

Auteur(s) : JACQUES NADEL

En France, la société civile connaît un succès considérable. C’est un formidable outil de gestion et de transmission de patrimoine dont voici les clés. Décryptage.

Il faut au moins deux personnes (conjoints, concubins, parents, amis) pour pouvoir créer une société civile de patrimoine qui permet de mettre en commun un ou plusieurs biens. Dotée d’une existence juridique distincte de celle de ses associés, elle possède un patrimoine qui lui est propre. Ses objectifs peuvent être divers : protection du conjoint-partenaire-concubin, optimisation de la transmission à ses enfants, gestion des biens d’une personne juridiquement incapable, solutions alternatives aux problèmes liés à l’indivision sources de blocage entre les indivisaires, investissement à plusieurs dans l’immobilier, gestion d’un portefeuille de valeurs mobilières pour la société civile de portefeuille. Son attrait provient de sa grande liberté statutaire, fiscale et comptable, permettant de répondre parfaitement aux objectifs recherchés.

La société civile de patrimoine la plus connue et la plus répandue est la société civile immobilière (SCI) qui peut détenir un ou plusieurs immeubles qu’elle met à disposition de ses associés ou qu’elle donne en location à des tiers. En revanche, elle n’a pas pour objet l’achat de biens immobiliers en vue de leur revente. Certes, elle peut être amenée à céder une partie de son patrimoine immobilier, mais cela doit rester exceptionnel. En général, elle vend certains titres pour en acheter d’autres.

Comme la plupart des sociétés, la société civile est une personnalité morale à part entière distincte de ses associés dès lors qu’elle est immatriculée au Registre du commerce et des sociétés (RCS). Elle réalise ses propres opérations, dispose d’un siège social, possède un compte bancaire, est tenue d’avoir une comptabilité et de tenir une assemblée générale au cours de laquelle sont notamment prises les décisions les plus importantes par les associés selon les règles de majorité librement fixées par les statuts.

Un couteau suisse

Comme évoqué ci-dessus, les raisons de constituer une société civile de patrimoine sont multiples. Elle est principalement utilisée pour scinder le patrimoine privé du patrimoine professionnel. Le dirigeant qui ne conserve pas l’immeuble d’exploitation dans son patrimoine privé ni ne l’inscrit à l’actif de son entreprise peut décider de le “loger” dans une SCI. Dans ce cas, l’immeuble peut être mis à la disposition de l’entreprise, gratuitement ou moyennant un loyer.

La société civile est également très utilisée comme outil de stratégie matrimoniale et comme moyen de modifier le régime applicable aux biens que possèdent les époux, sans avoir pour autant à changer de régime matrimonial.

Exemple : un vétérinaire, marié sous le régime de la séparation de biens, souhaite gérer avec son conjoint un bien dont il est le seul propriétaire. L’apport en société civile de ce bien permet d’en soumettre la gestion aux règles que le propriétaire de ce bien décide lui-même de fixer. Après l’apport, le bien appartient à la société civile de patrimoine qui a été constitué à cet effet. Le vétérinaire et son conjoint peuvent être associés à parts quasi égales dans la société (par exemple : 51 % pour le vétérinaire et 49 % pour son conjoint) ou selon toute autre proportion en fonction des apports que chacun peut effectuer. Les deux époux peuvent également être désignés cogérants de la société.

La société civile est aussi un formidable outil de transmission anticipée du patrimoine familial à sa descendance. Dans ce schéma, ce sont les parts de la société qui font l’objet d’une donation des parents à leurs enfants et/ ou petits-enfants. Il est, en effet, plus facile de partager des parts que des biens immobiliers de valeur différente ou d’un seul bloc. La valeur des parts sera établie en fonction de l’actif net de la société, et donc sous déduction du passif social. Il est souvent recommandé de constituer une SCI par immeuble. En effet, lorsque la société civile détient plusieurs immeubles, le patrimoine social aura une valeur forte rendant plus difficile la cession ou la transmission des parts et limitant le nombre d’acquéreurs. Cette société civile est là encore d’une grande souplesse, elle permet aux parents de transmettre une partie de leur patrimoine à leurs enfants tout en conservant le pouvoir de gérer le patrimoine transmis (immeubles, parts de société civile de placement immobilier [SCPI], etc.). Ils constituent une SCI à laquelle ils apportent leur (s) immeuble (s), puis donnent à leurs enfants tout ou partie des parts de la SCI. Les parents, ou l’un deux, sont nommés gérants de la société, les enfants n’ayant de droit de regard sur leur gestion qu’en tant qu’associés. La société se présente alors comme un moyen de dissocier habilement la propriété de l’immeuble du pouvoir de le gérer.

Pensez au démembrement de propriété

Outre le pouvoir de gestion, les parents souhaitent fréquemment conserver les revenus du patrimoine transmis à leurs enfants, de façon à s’assurer un certain niveau de ressources, notamment à la retraite. La création d’une société civile peut alors être avantageusement combinée avec la technique du démembrement de propriété.

Deux schémas de transmission s’offrent aux parents. Dans un premier schéma, ils apportent la nue-propriété de tout ou partie de leur patrimoine immobilier à une SCI constituée avec leurs enfants, en se réservant l’usufruit des immeubles. Dès lors, ils ont seuls droit aux revenus des immeubles ou liés à la détention de parts de SCPI (les loyers), même s’ils transmettent, par donation, la totalité des parts de la société à leurs enfants.

Dans un deuxième schéma, les parents apportent à la SCI qu’ils ont constituée la propriété de leurs immeubles, puis donnent à leurs enfants la nue-propriété des parts sociales. Ce schéma offre une grande souplesse d’adaptation : les parents peuvent, selon leurs souhaits, aménager largement dans les statuts les pouvoirs et droits respectifs des usufruitiers (eux) et des nus-propriétaires (leurs enfants) des parts sociales et ainsi s’assurer une totale maîtrise de la gestion et des revenus de la société.

CRÉER UNE SOCIÉTÉ CIVILE DE PATRIMOINE EN 8 POINTS

1 Les statuts de la société peuvent être établis par acte sous signature privée ou notarié. L’intervention d’un notaire est indispensable lorsque les statuts constatent l’apport d’un immeuble ou d’un droit au bail sur un immeuble d’une durée supérieure à 12 ans et, d’une manière générale, chaque fois qu’il y a lieu à publicité foncière.

2 L’objet de la société doit être civil et en rapport avec la propriété et la gestion de biens immobiliers. La location d’immeubles est une activité civile même lorsqu’ils sont à usage commercial. L’objet peut viser aussi l’acquisition, l’administration et la gestion de tous immeubles ou droits immobiliers (ou mobiliers). Il doit donc être large.

3 Pas de capital minimal imposé ; toutefois, un capital correspondant à l’investissement est conseillé. Il est divisé en parts. Le plus simple est de retenir une valeur de 100 € par part.

4 Chaque associé fait des apports (immeubles, numéraire). Ses droits dans le capital social sont proportionnels à ses apports lors de la constitution de la société ou au cours de son existence. Ils sont rémunérés par des parts sociales. Chaque associé a vocation aux bénéfices réalisés par la société. Dans le silence des statuts, la participation aux bénéfices comme la contribution aux pertes de chaque associé sont proportionnelles à sa participation dans le capital social.

5 La durée de la société ne peut excéder 99 ans.

6 Les associés doivent expressément désigner un ou plusieurs gérants qui représentent la société et l’engagent dans la limite de l’objet social.

7 Le siège social peut être le domicile du gérant.

8 Les formalités à accomplir après la rédaction des statuts sont l’enregistrement et l’immatriculation au Registre du commerce et des sociétés (RCS) de la société (et déclaration aux impôts) et la publicité (insertion au Bulletin officiel des annonces civiles et commerciales ou Bodacc).