BIG DATA
PRATIQUE CANINE FÉLINE NAC
Auteur(s) : TANIT HALFON
Les chercheurs de Savsnet ont démontré l’intérêt du programme pour la surveillance syndromique chez les chats et les chiens domestiques.
À l’université de Liverpool, on mise sur le numérique pour améliorer les connaissances sur la santé des carnivores domestiques. Depuis une petite dizaine d’années, des chercheurs travaillent ainsi sur le programme Savsnet. Le principe : la collecte de données de santé directement de structures vétérinaires volontaires et de laboratoires, à des fins d’études épidémiologiques. Dernier né de ce programme de recherche : la preuve que ce système est capable de détecter rapidement des événements de santé dans les populations canines et félines1. Pour ce faire, les chercheurs ont pris l’exemple d’une maladie digestive. Environ 1 million de données de santé, issues de 458 cliniques vétérinaires et collectées entre 2014 et 2016, ont été incluses dans l’étude, correspondant à plus de 1 million de consultations. « Pour évaluer les potentialités du système, nous nous sommes basés sur le motif principal de consultation – cela peut-être, par exemple, une affection gastro-intestinale ou respiratoire. Il était associé à un code postal et à la date de consultation, explique le professeur Alan Radford, un des chercheurs du programme. Notre principale conclusion est que le système de collecte de données en temps réel permet d’informer les praticiens de la survenue d’un événement de santé anormal dans leur région. » Il ajoute : « Cela arrive à un moment opportun, car nous faisons face à une situation similaire avec un grand nombre de chiens qui présentent des vomissements aigus. » L’université de Liverpool avait, en effet, alerté dès fin janvier de la présence de multiples foyers de maladies digestives chez le chien un peu partout au Royaume-Uni, avec pour tableau clinique des vomissements aiguës2 associés ou pas à de la diarrhée et à un abattement. L’analyse des données du terrain, incluant celles de laboratoire, avait permis d’exclure les hypothèses d’infections à parvovirus et salmonelles. De plus, la majorité des cas rapportés répondaient à un traitement symptomatique, avec une guérison complète qui prenait souvent jusqu’à 5 et 10 jours.
Dans cette étude, le système expérimenté correspond à de la surveillance syndromique. « Cette surveillance est un bon moyen de détecter des patterns de maladies, et particulièrement de mettre en évidence des événements de santé avant d’en connaître l’origine. Si notre publication s’est fondée sur des données liées à une maladie digestive, le principe est applicable à d’autres syndromes comme les maladies respiratoires ou le prurit », explique le chercheur. Ce système serait le premier du genre, permettant la détection en temps réel de changements d’un point de vue géographique et temporel. Pour le chercheur, ce nouvel outil est utile et complémentaire de la surveillance passive. « La surveillance syndromique est facile, rapide, peut passer à côté de choses, mais de la même manière peut vous donner des résultats plus rapides que d’autres… en témoigne la détection des foyers de vomissements. » Pour lui, clairement, la surveillance épidémiologique des carnivores domestiques est insuffisante, « malgré l’importance croissante de ces animaux dans de nombreuses sociétés, et le contact étroit que l’on développe avec eux dans nos pays européens. » L’objectif de Savsnet n’est cependant pas que la surveillance syndromique, comme il le souligne. « Nous découvrons pas mal de nouvelles informations pour améliorer la santé des animaux de compagnie. Par exemple, nous avons mis en évidence que les lapins femelles non stérilisés étaient plus susceptibles d’avoir la myxomatose et des myiases. De la même manière, les antibiotiques semblent avoir peu d’effets sur la survenue des diarrhées. La période de Noël est la période la plus à risque pour les intoxications au chocolat. Notre travail sur les tiques est important pour la santé humaine, tout comme celui sur l’usage et la résistance aux antibiotiques. »
2. Un cas correspond à un chien ayant vomi au moins cinq fois sur 12 heures (www.bit.ly/2VDwAfq).
Savsnet s’exporte, avec deux projets pilotes aux États-Unis1 et au Portugal2. De plus, l’université de Liverpool n’est pas la seule à développer ce genre de recherche. Toujours au Royaume-Uni, au Royal veterinary College (RVC) de Londres, le programme de recherche VetCompass collecte aussi des données de terrain en temps réel de structures vétérinaires partenaires et volontaires, avec pour même objectif de compléter les connaissances sur les maladies des carnivores domestiques. Pour exemple, sa dernière publication a montré que les races les plus à risque de développer une maladie du coude au Royaume-Uni étaient le rotweiller et le labrador (étude réalisée sur 804 cas, sur une population totale de près de 460 000 chiens ayant consulté en 2013). Quelques années après le lancement du projet, l’université de Sydney (Australie) s’est associée au projet VetCompass. En Europe continentale, un système similaire, avec pour objectif d’étudier l’état de santé des populations d’animaux de compagnie, avait été développé dans la région de la Vénétie, en Italie, sous le nom de Svetpet3. En France, à notre connaissance, aucun système de surveillance de la santé des carnivores domestiques n’existe.