ACADÉMIE VÉTÉRINAIRE
ANALYSE
Auteur(s) : TANIT HALFON
Dans un récent avis, l’Académie vétérinaire de France appelle à mettre en place un parcours de formation par la recherche dès la première année d’école, en plus de la formation par la clinique.
Le vétérinaire n’est pas synonyme de praticien. Il existe une diversité de métiers accessibles, dans le domaine privé ou public, un atout pour la profession mais aussi pour le pays, a récemment rappelé l’Académie vétérinaire de France. Mais pour que cela perdure, encore faut-il que la formation initiale donne les moyens aux étudiants d’acquérir un large panel de compétences. Pour ce faire, les académiciens appellent les enseignants-chercheurs des écoles à former aussi les étudiants par la recherche, et pas uniquement par la clinique. En pratique, il y aurait un premier niveau obligatoire de formation par la recherche pour tous les étudiants. « Un plus grand nombre d’enseignants-chercheurs pourrait adapter des heures d’enseignement disciplinaire pour donner corps à la formation par la recherche, explique Pierre Saï, responsable du groupe de travail enseignement et recherche de l’académie. Il s’agit de développer des compétences, par exemple l’esprit critique et la rigueur scientifique, grâce à la méthodologie de la recherche ». En parallèle, il serait aussi nécessaire d’ouvrir davantage les unités de recherche des écoles aux étudiants. « Ils traversent souvent leurs cursus sans connaître cette activité », précise-t-il. Une incitation à faire évoluer les modalités pédagogiques pourrait aussi passer par la tutelle.
Un tel parcours pourrait susciter des vocations pour la recherche vétérinaire comme le préconisait déjà en 2009 un précédent avis, et dans ce cadre, certains étudiants seraient susceptibles de vouloir aller plus loin. L’académie appelle ainsi à atteindre 15 % de doubles-diplômés « vétérinaires-masters » et 10 % de « vétérinaires-docteurs d’université" par promotion. « À ce jour, moins de 1 % des diplômés vétérinaires sortant d’une école française possèdent aussi un doctorat d’université, et seulement environ 1 % un master », détaille Pierre Saï. Alors que ce pourcentage atteint près de 10 % dans d’autres facultés vétérinaires étrangères ou grandes écoles. Cette ambition se retrouve aussi pour le corps des inspecteurs de la santé publique vétérinaire (ISPV) pour qui l’académie vise 15 % de docteurs. Sur le terrain, pas plus de un ISPV postule à un doctorat, contre une dizaine d’ingénieurs de l’agriculture et de l’environnement1, probablement car ils n’ont pas développé d’appétence pour la recherche au cours de leurs études. Au risque de les voir réduits, à terme, à un rôle technique.
C’est précisément pour éviter toute réduction à un rôle technique pour la profession dans son ensemble que les académiciens ont publié cet avis. « La profession vétérinaire et ses différents métiers seront mis en danger s’ils faisaient seulement l’objet d’une formation minimaliste qui les réduirait progressivement à un aspect purement technique. En complément de la formation « classique » et clinique, la formation par la recherche contribue au niveau d’excellence de la profession », explique Pierre Saï. Il regrette d’ailleurs que cet avenir ne soit vu actuellement qu’à travers la question de la ruralité. « Celle du déficit de vétérinaires en milieu rural est importante à traiter au regard de la santé animale et du maillage sanitaire et le ministère le fait efficacement. Toutefois, il faut réaliser que la majorité des vétérinaires exercent maintenant d’autres métiers et que la société les attend sur l’ensemble de ces fronts, souligne-t-il. Il serait donc dangereux, pour la société et pour la profession, de négliger ces autres métiers de vétérinaires et la formation d’excellence qu’il faut pour les occuper. » Il ajoute : « L’Académie a une vision large et à long terme de l’avenir de la profession au regard des domaines variés, publiques et privés, dans lesquels la société réclame des vétérinaires. La formation par la recherche contribue à former les professionnels et les experts dans tous ces domaines. »
Pour les académiciens, la formation par la recherche amène des compétences permettant aux vétérinaires de « contribuer plus efficacement à la recherche scientifique », « valoriser les données issues des activités cliniques », « participer à l’innovation dans les entreprises » ou encore « renforcer les aptitudes à exercer des fonctions de direction ou d’aide à la décision dans les administrations nationales et dans les organismes internationaux ».