PRENDRE EN CHARGE L’ARTHROSE CHEZ LE CHAT - La Semaine Vétérinaire n° 1847 du 27/03/2020
La Semaine Vétérinaire n° 1847 du 27/03/2020

DOULEUR

PRATIQUE CANINE FÉLINE NAC

FORMATION

Auteur(s) : MYLÈNE PANIZO

CONFÉRENCIÈRE

CHANTAL RAGETLY, diplomate ACVS et ECVS, spécialiste en chirurgie à la clinique vétérinaire Evolia (L’Isle-Adam, Val-d’Oise)

Article rédigé d’après une conférence présentée à l’Afvac à Lyon (Rhône), en novembre 2019.

L’arthrose est une affection extrêmement fréquente chez le chat, mais elle est paradoxalement encore largement sous-diagnostiquée. Elle entraîne des douleurs chroniques et une baisse de la qualité de vie de l’animal vieillissant. Un dépistage précoce et une approche thérapeutique multimodale sont les points clés de sa prise en charge.

61 % des chats de plus de 6 ans touchés

L’arthrose est la détérioration progressive du cartilage avec modifications des articulations (remodelage de l’os sous-chondral, synovite, épaississement de la capsule articulaire, fibrose des tissus périarticulaires) et présence de néoformations osseuses en périphérie des articulations atteintes. Elle est le plus souvent primaire ou idiopathique, mais elle peut être secondaire (à un traumatisme, une luxation de la rotule, une dysplasie coxofémorale, une acromégalie, une hypervitaminose A, etc.). Les articulations les plus fréquemment atteintes sont la hanche et le coude, suivies du grasset, du tarse et des épaules. La colonne vertébrale est très souvent touchée entre les vertèbres T7 et T10, et les lésions sont plus sévères en zone lombaire et lombosacrée. 61 % des chats de plus de 6 ans, et 9 chats sur 10 de plus de 12 ans sont atteints d’arthrose1. L’âge et le surpoids sont des facteurs de risque majeur : l’incidence de l’arthrose augmente de 13,6 % par an2, tandis que 14 % des chats arthrosiques sont obèses3.

Questionner le propriétaire pour un diagnostic précoce

Plusieurs questionnaires évaluant la douleur et la qualité de vie existent chez le chat (FMPI, CSOM, MI-CAT)4. L’arthrose passe souvent inaperçue pour le propriétaire, d’où l’importance de savoir poser les bonnes questions. Une étude a révélé que seulement 16,7 % des chats arthrosiques présentent une boiterie3. Les questions devront porter sur :

– la mobilité du chat : arrive-t-il à monter ou à descendre les escaliers, sur les meubles ou le canapé ? Saute-il aussi souvent qu’avant ? Sa démarche est-elle raide ? Est-il moins actif qu’avant ?

– la propreté : est-il devenu malpropre ? (un bac à litière trop petit dans lequel le chat n’arrive pas à entrer ou dans lequel il a du mal à se retourner peut être une cause de malpropreté).

– la qualité du pelage : se toilette-il toujours aussi bien, notamment les zones dorsales ? Les griffes sont-elles trop longues ?

– ses habitudes de repos : dort-il davantage ? dans des lieux différents ?

– le tempérament : est-il plus sensible au toucher voire agressif ? A-t-il tendance à s’isoler ? à éviter ses congénères ?

Examens cliniques et radiographiques

En consultation, il peut être difficile d’évaluer la gêne de l’animal. Il est donc utile de demander au propriétaire avant la consultation de filmer leur chat à la maison. à l’examen orthopédique, le praticien observe le plus souvent une démarche raide, une mobilité réduite, une effusion articulaire et une fonte musculaire (notamment des membres pelviens). Une douleur ou des réactions d’hyperalgie ou d’allodynie (jusqu’à 30 % des chats arthrosiques sont concernés5) peuvent être constatées à la manipulation des articulations ou lors de simples caresses sur le dos. La radiographie est l’examen complémentaire de choix dans ce contexte. La présence d’ostéophytes, d’entésophytes, d’effusion articulaire, de minéralisations méniscales, de fragments libres ostéocartilagineux (ostéochondromes, souvent au niveau de l’épaule et du coude), ou de sclérose de l’os sous-chondral confirme le diagnostic. Il n’y a pas de corrélation entre les lésions radiographiquement visibles et la douleur ou la gêne de l’animal. Il est évalué que seules 33 % des articulations comportant des lésions d’arthrose radiographiques déclenchent de la douleur à la manipulation3. L’imagerie avancée (scanner, IRM, arthroscopie) n’est pas nécessaire pour obtenir un diagnostic d’arthrose féline, mais permet une évaluation plus poussée si nécessaire.

Traitement : une approche multimodale

Pour lutter efficacement contre les effets de l’arthrose, un plan thérapeutique multimodal doit être mis en place. Le but est de soulager les douleurs du chat et d’améliorer sa qualité de vie sur le long terme. Les principaux axes de traitement sont les suivants.

– La gestion de la douleur : les anti-inflammatoires non stéroïdiens sont utilisés en première intention. Seuls le méloxicam et le robenacoxib ont une autorisation de mise sur le marché dans cette indication sur le long terme chez le chat. étant donné que l’arthrose touche principalement des chats âgés, il convient de suivre régulièrement la fonction rénale et la pression artérielle, et d’être particulièrement vigilant lors d’utilisation concomitante de diurétique ou d’inhibiteur de l’enzyme de conversion de l’angiotensine. L’objectif est de trouver la dose minimale efficace pour l’animal en diminuant progressivement les doses. De bonnes réponses au traitement ont été constatées à des doses de 0,01 à 0,03 mg/kg par jour pour le méloxicam, et de 1 à 2 mg/kg par jour pour le robenacoxib. Des études ont montré que l’utilisation sur le long terme de méloxicam à 0,02 mg/kg par jour sur des chats en stade Iris 2 et 3 (pendant 852 jours en moyenne) apportait une bonne amélioration clinique sans diminution de la durée de survie, en comparaison à des animaux sains6. La buprénorphine par voie transmuqueuse (sur les gencives) peut être utilisée à la dose de 0,02 mg/kg toutes les 6 à 12 h. Le tramadol, à la dose de 1 à 2 mg/kg toutes les 12 h, ainsi que la gabapentine, à la dose de 5 à 10 mg/kg toutes les 8 à 12 h, ont une efficacité controversée et des effets secondaires potentiels (dysorexie, sédation, léthargie).

– L’alimentation : il est indispensable de faire maigrir un chat arthrosique en surpoids. Les chondroprotecteurs et les oméga 3 sont bénéfiques pour les chats arthrosiques7. Des aliments spécifiques existent, certains sont conçus pour les chats atteints également de maladie rénale chronique.

– La phytothérapie : l’harpagophytum, la boswellia serrata et l’huile de chanvre (cannabidiol) peuvent également être incorporés dans cette approche multimodale.

– La physiothérapie : massages, application de chaleur avant un effort et de froid en fin de séance, laser (réduction de la douleur et de l’inflammation), hydrothérapie ou encore plateforme de mobilisation Imoove (pour renforcer le tonus musculaire) sont des pistes à explorer en fonction du chat et du propriétaire. L’acupuncture et l’ostéopathie peuvent aussi être considérées. Enfin, le propriétaire peut stimuler l’activité de son chat par le jeu.

– Les modifications de l’environnement : mettre à disposition du chat des marchepieds ou des rampes, faciliter l’accès aux gamelles et à un grand bac à litière, aux bords bas, lieux de couchage confortables, cachettes, etc., sont autant d’aménagements à mettre en place pour le confort de l’animal.

– Des chirurgies (exérèse tête-col du fémur, prothèse de hanche, arthrotomie ou arthroscopie pour retirer les fragments minéralisés, lavage articulaire, infiltration intra-articulaire) ne sont que rarement indiquées. Elles peuvent être utiles dans des cas sévères qui ne répondent pas aux traitements médicaux et aux modifications environnementales. Un suivi clinique, ainsi qu’un questionnaire de qualité de vie sont importants à réaliser pour évaluer et adapter les mesures mises en place. L’utilisation de colliers connectés permettant de mesurer l’activité de l’animal peut également être un outil de suivi.

1. Hardie E. M., Roe S. C., Martin F. R. Radiographic evidence of degenerative joint disease in geriatric cats : 100 cases (1994-1997). J. Am. Vet. Med. Assoc. 1;220:628-32, 2002.

2. Bennett D., Zainal Ariffin S. M., Johnston P. Osteoarthritis in the Cat : 1. How common is it and how easy to recognize ? J Feline Med. Surg. 2012;14 (1):65-75. – Bennett D., Zainal Ariffin S. M. et Johnston P. Osteoarthritis in the Cat : 2. How should it be managed and treated ? J. Feline Med. Surg. 2012;14 (1):76-84.

3. Clarke S. P. et Bennett D. Feline osteoarthritis : a prospective study pf 28 cases. J. Small. Anim. Pract. 2006;47 (8):439-45.

4 : Feline Musculoskeletal Pain Index (www.bit.ly/2xYpmJn), Client Specific Outcome Measures (Lascelles B. D., Hansen B. D., Roe S. et coll. Evaluation of client-specific outcome measures and activity monitoring to measure pain relief in cats with osteoarthritis. J. Vet. Intern. Med. 2007;21 (3):410-416), Montreal Instrument for Cat Arthritis Testing (Klinck M. P., Monteiro B. P., Lussier B. et coll. Refinement of the Montreal Instrument for Cat Arthritis Testing, for use by veterinarians : detection of naturally occurring osteoarthritis in laboratory cats. J. Feline Med. Surg. 2018;20 (8):728-740.

5. Monteiro B., Steagall P. Chronic pain in cats : recent advanced in clinical assessment. J. Feline Med. Surg. 2019;21 (7):601-614.

6. Gowan R. A., Baral R. M., Lingard A. E. et coll. A retrospective analysis of the effects of meloxicam on the longevity of aged cats with and without overt chronic kidney disease. J. Feline Med. Surg. 2012:14:876-881.

7. Lascelles B., DePuy V. Thomson A. et coll. Evaluation of a therapeutic diet for feline degenerative joint disease. J. Vet. Intern. Med. 2010;24 (3):487-495.