MODE D’EXERCICE
FAIRE FRONT AU COVID-19
Auteur(s) : CHANTAL BÉRAUD
En son âme et conscience, Thierry Poitte, fondateur du réseau CAP douleur, assure désormais le suivi des animaux douloureux en alternant consultation en présentiel à sa clinique de l’île de Ré (Charente-Maritime) et téléconsultation. Il explique le contexte et les limites de cette deuxième ressource.
Thierry Poitte : Durant ce séminaire de formation sur le Web, baptisé « Assurer le suivi des animaux douloureux grâce à la téléconsultation », le 26 mars, j’ai indiqué qu’en pleine guerre sanitaire, pour le bien des animaux douloureux et des propriétaires dont j’assure le suivi (dans ma propre clientèle ou en référé), j’alterne des séances de téléconsultation et des visites en présentiel à ma clinique. Cette décision est personnelle, elle est prise en mon âme et conscience. Conséquemment, elle n’engage que moi, et moi seul (c’est-à-dire ni la solution digitale utilisée de LinkyVet ni les autres adhérents du réseau Cap douleur). Car, je sais que, contrairement aux médecins, il n’existe pas encore pour la profession vétérinaire de disposition réglementaire autorisant la téléconsultation1.
Actuellement, nous vivons une époque d’exception avec une restriction des déplacements. En parallèle, les instances officielles encouragent les praticiens à répondre aux urgences, à maintenir la permanence et la continuité des soins, mais aussi à prendre en charge les affections dont les conséquences à terme réduisent le confort et l’espérance de vie de l’animal malade. C’est donc pour respecter mon devoir d’atténuation de la souffrance animale que je recours à de la téléconsultation, une pratique qui présente l’immense avantage de respecter notre confinement collectif.
Sur les réseaux sociaux, notamment, certains praticiens arguent en effet que comme la téléconsultation est interdite, il faut s’en tenir là. Mais, dans ce cas, comment prendre en charge les affections douloureuses de l’animal dégradant sa qualité de vie ? Comment assurer notre rôle de garant du bien-être animal ? Et sinon, de quelle autre façon répondre à la grande détresse des propriétaires ?
La visite en présentiel demeure notamment indispensable pour l’examen clinique, l’approche empathique et pour pouvoir tisser une alliance thérapeutique. Je réalise donc uniquement une téléconsultation douleur sur des suivis d’animaux que je connais et que j’ai vus directement à la clinique au cours des trois derniers mois. Et j’assume le fait de modifier ma prescription médicale initiale en fonction de l’évolution de la situation douloureuse que je constate avec le propriétaire au cours de la téléconsultation. J’adapte alors ma prescription en titrant la posologie et en évaluant le rapport bénéfices/risques. La téléconsultation n’est donc pas un instrument utilisé seul : elle est un complément idéal à la médecine narrative, aux grilles d’évaluation de la douleur et à l’examen clinique. Pour conclure, soyons clairs : ce n’est pas à moi de déterminer pour l’ensemble de la profession ce qui doit être autorisé ou pas dans le cadre d’une téléconsultation, voire, plus largement, de la future télémédecine vétérinaire. Mais j’ai confiance en la capacité d’évolution et d’adaptation de notre profession, puisque le Conseil national de l’Ordre des vétérinaires et les organisations professionnelles vétérinaires, qui travaillent depuis longtemps sur ces dossiers, ont dernièrement adressé, en ce sens, une demande de décret au ministère de l’Agriculture. ?
1. Le 3 avril, le CNOV a émis un communiqué selon lequel une ordonnance qui permettrait de prévoir directement au niveau législatif les conditions de réalisation des actes de télémédecine vétérinaire, en application des pouvoirs conférés par la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de Covid-19, sera inscrite à l’ordre du jour du conseil des ministres du 8 avril prochain (soit après la mise sous presse de ce numéro de La Semaine Vétérinaire).