ONE HEALTH
FAIRE FRONT AU COVID-19
Auteur(s) : TANIT HALFON
Face à une pandémie dont l’agent pathogène vient du monde animal, le concept One Health ou « une seule santé" semble plus que jamais d’actualité. Mais son application pratique ne va pas de soi, selon Dominique Grandjean, professeur à l’École nationale vétérinaire d’Alfort.
Le site Renfort-covid.fr n’inclut pas la profession vétérinaire. Ce qui n’a pas manqué de faire réagir Dominique Grandjean, professeur à l’École nationale vétérinaire d’Alfort (ENVA), vétérinaire colonel chez les sapeurs-pompiers de Paris et référent risques biologiques en zone de défense et sécurité d’Île-de-France. Pour lui, il faut encore aller plus loin dans l’application pratique du One Health, et considérer la profession vétérinaire comme une profession de soins, utile en cas de crise sanitaire.
Il ne s’agit pas de remplacer les médecins et les infirmiers spécialisés en réanimation, mais de dire que les vétérinaires, du fait de leur formation en épidémiologie, en gestion des zoonoses et des populations, ont des connaissances que d’autres n’ont pas. En cette période de carence de personnel, les vétérinaires peuvent rendre service, et pas forcément dans les seuls services de réanimation ! Prendre une température, appliquer des gestuelles spécifiques de désinfection, c’est tout à fait à la portée des vétérinaires !
Oui, et c’est très bien. Ces initiatives aident localement et ont, je crois, permis de sauver des vies. La concrétisation du One Health existe bien au niveau local et même au niveau structurel, et j’y prends part. Cela fait longtemps que le vétérinaire pompier est considéré comme un intervenant de premier niveau pour la gestion des toxi-infections collectives, sans oublier en cas de risques biologiques. Mais en dehors de ces questions ou de celles relatives aux zoonoses, et dès lors qu’intervient le ministère de la Santé, le vétérinaire est occulté. J’ai le sentiment que ce concept One Health, fort côté vétérinaires, l’est beaucoup moins côté médecins. On le voit bien, en situation de crise, quand on en parle, c’est un élément de communication négative : « des soignants d’animaux ne vont quand même pas soigner des humains ! » Dans d’autres pays, les vétérinaires sont véritablement impliqués. L’exemple le plus flagrant est peut-être celui des îles Féroé, où les laboratoires vétérinaires ont participé aux tests réalisés pour l’ensemble de la population. En situation de crise sanitaire globale, cela vaudrait le coup de centraliser les choses et que le One Health, au lieu d’être un concept de recherche, soit véritablement utile en matière de gestion opérationnelle de crise.
Deux aspects sont très clairs. D’abord, les laboratoires vétérinaires, départementaux ou privés, ont la capacité de réaliser des analyses biologiques, comme les tests PCR. Cela permettrait d’augmenter de 30 % la capacité des tests. Ensuite, nous pouvons mettre à disposition un stock de médicaments. Je sais bien que des réunions sont en cours, et il est probable qu’elles aboutissent, mais après bien des tergiversations. La main-d’œuvre vétérinaire est également utile, probablement davantage que d’autres professions. À l’ENVA, nous avons d’ailleurs recensé, sur demande d’hôpitaux, les étudiants et professeurs volontaires. Les hôpitaux militaires comme ceux de l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris sont dans la même démarche et sont toujours en attente d’un accord. Beaucoup de vétérinaires praticiens veulent se rendre utiles. Mais à l’échelon étatique, on ne pense pas au vétérinaire. Je sais, pour l’avoir eu au téléphone, que le président du Sénat et de formation vétérinaire Gérard Larcher a fait passer le message.