ÉLEVAGE DE BOVINS
PRATIQUE MIXTE
FORMATION
Auteur(s) : CLOTHILDE BARDE
Conférenciers
J.-P. ALZIEU, X. DESCLAUX, M. RAMEIL, L. PEREZ (LVD Ariège) • P. JACQUIET, F. PREVOT, C. GRISEZ, L. BOTTARI (ENVT) • C. BOULON, F. MEJEAN (GDS de l’Ardèche) • C. LACZ (FRGDS Occitanie), J.-M. PAILLAS (contrôle laitier, chambre d’agriculture de l’Ariège) • C. LOCATELLI (GDS de l’Ain).
Article rédigé d’après une conférence présentée lors du congrès de la SNGTV à Nantes (Loire-Atlantique) du 15 au 17 mai 2019.
Due au protozoaire Besnoitia besnoiti, la besnoitiose est une maladie parasitaire vectorielle émergente des bovins qui sévit en France et en Europe avec un impact médical et économique avéré1, 2, 3, 4. Après inoculation de B. besnoiti par un insecte vecteur (taon ou stomoxe), le bovin développe une infection, dans la plupart des cas, asymptomatique. Chez certains bovins, plus sensibles, les symptômes évoluent en trois phases : la phase fébrile, celle d’œdème et, plus tardivement, celle de sclérodermie et de dépilations. Il n’existe actuellement ni traitement efficace ni vaccin disposant d’autorisation de mise sur le marché (AMM) en France. De fait, la lutte contre la besnoitiose bovine repose d’abord sur la suspicion clinique à confirmer par le diagnostic de laboratoire. Ces outils diagnostiques doivent être utilisés de façon la plus pertinente possible en fonction de la phase de la maladie et du stade évolutif du parasite. Dans un second temps viennent le dépistage puis la réforme sélective des individus infectés séropositifs.
Il est désormais acquis que la transmission de B. besnoiti se réalise exclusivement de façon mécanique, par l’insecte vecteur, lors d’un repas contaminant sur un bovin infecté. Il existe donc une contamination de proche en proche dans un lot de bovins, ce qui explique la prédominance de la contamination intracheptel dans l’épidémiologie de la maladie3. Le réservoir du parasite est constitué par les bovins porteurs de kystes à bradyzoïtes. Plus le bovin présente de kystes, en particulier dans son tégument, plus il est fortement contaminant envers les autres individus du cheptel. C’est généralement le cas des bovins atteints de forme clinique et subclinique, qui devront par conséquent être réformés prioritairement et dans les meilleurs délais4. À côté de cette population, il existe, au sein des cheptels touchés, le groupe majoritaire des bovins infectés asymptomatiques qui portent à des degrés divers des kystes à bradyzoïtes. Ces derniers sont systématiquement séropositifs (immunosérologie Elisa [enzyme-linked immunosorbent assay] individuelle sur le sérum ou sur le lait). Les stratégies d’assainissement de la besnoitiose consistent donc généralement, selon le taux de séroprévalence et les possibilités, à réformer prioritairement les bovins ayant eu des symptômes, puis les porteurs de kystes visibles, et enfin les bovins séropositifs4.
Pour dépister les bovins séropositifs asymptomatiques dans un cheptel, il convient d’évaluer la séroprévalence globale du cheptel (ou des lots) infectés sur la totalité des effectifs concernés1, 3. Pour cela, des analyses individuelles par sérologie Elisa sur sang ou sur lait5, assorties notamment d’un western blot4, 6 lors des cas “index” (premiers cas détectés), ainsi que des polymerase chain reaction (PCR) en temps réel peuvent être réalisées.
Sur la peau, le diagnostic par PCR est possible en phase chronique de la maladie, de même que l’examen histologique à partir d’une biopsie cutanée1, 4, 7. Les résultats sont souvent univoques avec des valeurs « basses » de Ct < 25 (cycle de seuil). En revanche, chez les bovins infectés asymptomatiques, ces analyses peuvent se révéler moins sensibles1, 4, 7. Toutefois, de nouvelles études ont montré que l’analyse PCR de biopsies de peau revêt un intérêt pour le dépistage des bovins séropositifs n’ayant jamais présenté de signes cliniques évidents de la maladie (phase fébrile et/ou sclérodermie), mais parfois tout de même porteurs d’un nombre significatif de kystes dans leur peau. Ces individus seraient des “réservoirs de parasites” à réformer en priorité, au même titre que les bovins ayant fait une phase clinique. Cette stratégie de lutte, menée depuis 2017 dans un petit groupe d’élevages, a donné des résultats encourageants. Cependant, compte tenu du petit nombre d’élevages étudiés, il n’est pas possible, à ce stade, de tirer des conclusions définitives et une nouvelle phase d’enquête se déploie sur le terrain depuis janvier 2020. En conséquence, l’option du dépistage des “forts contaminateurs” par PCR sur biopsie cutanée apparaît comme un outil précieux complémentaire au socle du dépistage de base, constitué par l’immunosérologie.
Par ailleurs, les tests de dépistage par Elisa sur le lait ont été étudiés, car ils revêtent un intérêt tout particulier en élevage laitier. En effet, l’infection d’un bovin par le parasite entraîne le développement d’anticorps spécifiques environ 4 semaines après l’apparition des signes cliniques initiaux de la phase fébrile. De plus, différents suivis longitudinaux8 ont permis de montrer qu’ils persistent, souvent à des titres élevés, et ne subissent pas de décroissance notoire avec le temps. Cette relative stabilité est donc un atout décisif dans la détection des bovins infectés. Toutefois, le dépistage des anticorps dans le lait présente le double inconvénient d’une apparition plus tardive que dans le sérum et d’une concentration des immunoglobines (Ig) de 20 à 30 fois inférieure à celle du sérum5, 9. En France, une seule trousse de diagnostic Elisa sur le lait est disponible, utilisable tant sur les prélèvements de lait individuels que de mélange : le test ID Screen Besnoitia Milk Indirect (seuil de positivité de 25 % sur les échantillons individuels et de 20 % pour le lait de mélange). À cet égard, le test Elisa lait réalisé sur les laits de grand mélange (LGM) montre une bonne spécificité et, dans les élevages dont la prévalence de la maladie est supérieure à 15 %, la probabilité de détection est très élevée (de l’ordre de 80 à 90 %). Il est donc conseillé d’utiliser le dépistage sur LGM comme un indicateur dans le suivi épidémiologique des cheptels laitiers, par l’intermédiaire de balayages sérologiques réguliers. Tout dépistage positif sur LGM impose alors de pratiquer sans délai une investigation individuelle (sang ou lait) sur les bovins en lactation et d’examiner (sang) les bovins hors-lactation (sang) du prétroupeau à partir de l’âge de 6 mois.
En définitive, le panel diagnostique de la besnoitiose s’étoffe donc progressivement, en disposant à la fois d’un nouvel outil (trousse Elisa lait) et de l’extension de l’usage de la PCR temps réel à la détection possible de bovins asymptomatiques “forts contaminateurs” par la biopsie cutanée.